jeudi 10 juillet 2025

Le rocailleur Stanislas Cailhol

Le 10 mai dernier, j’ai donné une notice consacrée au sculpteur François-Marius Cailhol (1810-1853). Toutefois, son frère Stanislas Cailhol (1814-1891?) est une personnalité tout aussi intéressante.
Plâtrier, cimentier et rocailleur, il apparaît tardivement dans l’Indicateur marseillais – en 1867, l’année même où la rubrique professionnelle des rocailleurs apparaît dans cet annuaire – et y figure jusqu’en 1891. Toutefois, à 50 ans passé, Stanislas Cailhol possède une longue expérience dans le décor architectural en ciment comme il l’explique lui-même dans un courrier au maire de Marseille justement en 1867 (archives municipales de Marseille 10M19). Il y énumère de nombreux travaux dans les propriétés phocéennes parmi lesquelles l’oratoire de M. Falque au Aygalades, les ruines de M. Berteaut à la Blancarde, la volière du presbytère de Sainte-Marguerite, la façade gothique sur jardin de M. Honnorat à la rue Sylvabelle… Toutefois, le premier chantier qu’il cite est celui du temple de l’entrepreneur Désiré Michel à l’Estaque.

Stanislas Cailhol, Temple, façade en ciment, 1864
Bastide Désiré Michel, 15 impasse du Bon Coin, 16e arrondissement

En 1859, Désiré Michel acquiert une bastide à l’Estaque qu’il entreprend d’agrandir. Dans ce cadre, le rocailleur Cailhol crée la façade du temple, la signe et la date de 1864.
Désiré Michel fonde en 1839 la Société Michel, Armand et Cie – qui devient par la suite Société des ciments de la Méditerranée Désiré Michel – pour promouvoir le ciment dans l’ornementation de l’architecture. En 1858, il annonce la construction du siège de son entreprise, sis traverse du Chapitre (auj. rue Frédéric Chevillon, 1er arrondissement), en trois mois seulement (juillet/septembre 1858) pour montrer les propriété plastique du ciment. Il est donc probable que Stanislas Cailhol ait – au moins pour un temps – travaillé dans la société de Désiré Michel comme sculpteur rocailleur avant de prendre son indépendance. Cela expliquerait son apparition tardive dans l’Indicateur marseillais.
En 1861, il obtient une médaille de bronze lors de l’exposition du Concours régional de Marseille. En 1867, il expose à la Société artistique des Bouches-du-Rhône une fontaine gothique en ciment (n°381). Par chance, à l’automne 1867, il en demande un emplacement au maire pour l’installer dans l’espace public en joignant un croquis à son courrier

Stanislas Cailhol, Fontaine gothique en ciment, aquarelle, 1867
Archives municipales de Marseille 10M19

Il réclame deux espaces sur la place Royale (place Charles de Gaulle, 1er arrondissement) : « Mon intention serait de creuser, au milieu du premier massif-gazon, un bassin de 2m00 de diamètre et d’y élever une Fontaine gothique, de 6m00 de hauteur, à jeux d’eaux intérieurs, le tout fouillé à jour et ciselé, comme peut vous en donner une faible idée l’aquarelle bien imparfaite que je joins à ma demande ; plus, sur le bord de l’allée, d’ornementer un kiosque pour la vente de journaux, dont on pourrait tirer parti pour la location. […] Enfant de Marseille, j’ai à cœur, depuis que mon talent s’est muri, de créer sur une de nos places un spécimen de mon travail, qui, d’après l’opinion du public artiste, n’est pas dépourvu d’originalité. / La Ville me fournira les matériaux, voilà tout et je serai trop heureux de pouvoir trouver ma récompense dans votre approbation et dans les félicitations de mes compatriotes. » Hélas, sa requête reste lettre morte ! 
L’œuvre de Stanislas Cailhol reste très largement à redécouvrir…

jeudi 3 juillet 2025

Agonie (Thomas Cartier sculpteur)

Aujourd’hui, j’ai acheté un groupe en terre cuite du sculpteur animalier Thomas Cartier (1879-1936) qui passait en vente publique à Antibes (Métayer-Mermoz, lot 129). Les œuvres de cet artiste marseillais ne sont absolument pas rares ; celle-ci toutefois sort du lot pour son importance dans la carrière de Cartier.

Thomas Cartier, Agonie, groupe en terre cuite, circa 1910-1920
Vente Métayer-Mermoz, lot 129, acheté 60€

Le groupe s’intitule Agonie… quoique, à dessein ou inconsciemment, la maison de vente l’ait pudiquement rebaptisé Homme au chien, peut-être pour le rendre plus commercial ! Ce titre me paraît ridicule en plus d’être erroné : d’abord, on compte deux chiens et non un ; ensuite, il semble difficile de voir un homme dans ce corps d’enfant nu !

Thomas Cartier, Agonie, groupe en plâtre, 1908
Carte postale (Salon de 1908)

Le plâtre d’Agonie apparaît pour la première fois au Salon de la Société des artistes français en 1908 (n°2949) où il obtient une mention honorable. La sculpture reparaît en marbre au Salon de 1910 (n°3391) et remporte une médaille de 2e classe.

Thomas Cartier, Agonie, groupe en terre cuite, circa 1910-1920
Vente Métayer-Mermoz, lot 129

Cette version, d’un format conséquent (40 x 61 x 36 cm), n’est assurément pas une esquisse. Il s’agit plus vraisemblablement d’un surmoulage (manque de finesse de la chevelure du garçon, des pattes des chiens ou de la signature !) ayant donné lieu à une édition en terre cuite après le succès de l’œuvre au Salon de 1910. Néanmoins, il n’est pas à exclure qu’elle ait connu un regain d’intérêt après la Première Guerre mondiale : en effet, cette scène où deux chiens, l’un hurlant à la mort et l’autre abattu de tristesse, veillent sur leur malheureux maître a pu être perçu comme une allégorie du destin tragique de milliers de jeunes hommes fauchés par la guerre !