mardi 22 octobre 2019

André Allar à Marseille 3

André Allar, La Science et l’Industrie, pierre, 1890
148 rue Paradis, 6e arrondissement

André et Gaudensi Allar, Tombe de Lazare Bonnet, marbre, 1891
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement

La collaboration d’André Allar (1845-1926) avec Gaudensi Allar (1841-1904) est alors à son apogée. En 1890, le sculpteur réalise La Science et l’Industrie, le dessus-de-porte de la nouvelle école supérieure de commerce que l’architecte élève au 148 rue Paradis. L’année suivante, il taille la partie sculptée du tombeau de Lazare Bonnet – L’Âme à Dieu et le portrait en médaillon du défunt – sur les plans de son frère.
Dans le même temps, André Allar expose assidument au Salon marseillais. En 1890, il présente une statue en bronze figurant Hébé (n°346) ; en 1891, il exhibe trois œuvres : deux bas-reliefs allégoriques en plâtre (La Fortune verse ses trésors sur le Travail, la Jeunesse suit la Chimère, n°462, et La Pensée et la Force réalisent le Travail, n°463) et le modèle de la médaille commémorative du temple protestant de la rue Bel Air (n°464) ; en 1892, il montre le modèle d’une Douleur (n°454), traduite dans le marbre pour orner la tombe Fleurojoan-Dussein au cimetière Saint-Pierre.

André Allar, Douleur, marbre, 1892
Tombe Fleurojoan-Dussein, cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement

André Allar, Le Réveil, marbre, 1899
Tombe Emmanuel Jouffrey, cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement

Durant la dernière décennie du XIXe siècle, le statuaire est sollicité à de multiples reprises pour décorer des sépultures. Outre les tombes de Lazare Bonnet et de la famille Fleurojoan-Dussein, il réalise en 1893 un médaillon en bronze de l’armateur royaliste André Lieutaud-Toppia (1838-1893) : avant de le sceller sur une stèle[1], l’œuvre est exposée au mois de novembre dans les vitrines du galeriste Oudin. À l’automne 1899, il couronne le caveau d’Emmanuel Jouffrey d’un groupe en marbre – Le Réveil – qu’il a exhibé au printemps précédent au Salon de la Société des artistes français (n°3148) : le groupe représente une âme défunte réveillée au paradis par un ange musicien.

André Allar, La Sagesse protégeant l’Épargne, marbre, 1904
Caisse d’épargne, place Estrangin-Pastré, 6e arrondissement

En novembre 1902, Eugène Rostand (1843-1915), président de la Caisse d’épargne des Bouches-du-Rhône, l’appelle au décor du nouveau siège. André Allar reçoit la commande d’une statue destinée à l’ornementation de l’escalier d’honneur moyennant 8000 francs. L’œuvre est installée peu avant l’inauguration du bâtiment, le 20 juillet 1904.

André Allar, Gaudensi Allar, terre cuite, 1904
Académie de Marseille, 40 rue Thiers, 1er arrondissement

Cette année 1904 correspond également à l’ultime collaboration des frères Allar. André réalise alors pour un salaire de 2000 francs un modeste décor – Les Armes de Marseille – pour le fronton de l’école pratique d’industrie de garçons de Saint-Victor ; le bâtiment est construit par Gaudensi. Malheureusement, le 22 août, l’architecte décède. Le sculpteur exécute son masque funéraire dont il se sert ensuite pour la réalisation de bustes posthumes dont un en terre cuite pour l'Académie de Marseille qui venait de l'élire membre.

André Allar, Fontaine Cantini, marbre, 1911
Place Castellane, 6e arrondissement
Carte postale de l’inauguration

Le 2 octobre 1908, la ville de Marseille accepte un projet de fontaine municipal offerte par le marbrier et mécène Jules Cantini (1826-1916). Il réalise lui-même la maquette et confie l’exécution à son ami André Allar. Les modèles du sculpteur sont taillés dans le marbre à Carrare puis rapatriés à Marseille par bateau. L’œuvre est ensuite assemblée sur place pour une inauguration solennelle le 12 novembre 1911. La veille, l’Académie de Marseille l’élit membre correspondant.
Enfin, ce début de XXe siècle, le sculpteur ne participe plus guère aux manifestations artistiques phocéennes. Il n’apparaît que par procuration à l’Exposition coloniale de 1906 avec le portrait de Mlle Long (médaille argent, n°995) prêté par le modèle et le cabinet Renaissance (n°1154) d’Achille Blanchi (1826- ?). Il figure au Salon marseillais de 1914 avec un buste d’Égyptienne en marbre (n°387). En 1917, il devient sociétaire du musée du Vieux-Marseille. Finalement, il est membre du comité de patronage de l’Exposition coloniale de 1922 où il présente deux statuettes : Victoire (bronze, n°193) et La Jeunesse (marbre, n°194).


[1] Volé au début de l’année 1999, le médaillon est retrouvé en février chez un marchand. Saisi par la police, il n’a pas été remis en place et est conservé dans les locaux de la direction des cimetières communaux.

lundi 14 octobre 2019

André Allar à Marseille 2

Le séjour romain d’André Allar (1845-1926) s’achève par un drame : la mort de sa compagne. Françoise Hanot (vers 1843-1874) et ses enfants ont rejoint le sculpteur à Rome. En 1874, le couple contracte une phtisie pulmonaire ; la jeune femme, épuisée par ses couches successive, se meurt. Le 28 juillet, André et Françoise se marient à Rome pour légitimer leurs cinq enfants survivants. Sitôt après, ils rentrent à Marseille où l’infortunée épouse décède le 12 août. Le veuf et sa progéniture y demeurent une année pour se soigner en profitant du doux climat méditerranéen.

André Allar, L’Enfant des Abruzzes, bronze, 1873
Musée d’Orsay, Paris

Achille Blanqui et Gaudensi Allar, Armoire à deux corps néo-Renaissance, 1875
André Allar, Les Quatre éléments (panneaux) et Jupiter entre Junon et Vénus (statuettes)
Ancienne collection Antony Roux

L’artiste en profite pour retisser des liens avec la bourgeoisie phocéenne. En mars-avril 1875, il expose à la Société des amis des arts : y figurent deux de ses envois de la Villa Médicis (L’Enfant des Abruzzes, statue bronze, et Sainte Cécile après le martyre, buste marbre), deux portraits en buste (Mlle V. R… et M. E. Chailan), un portrait en pied du fils d’Armand de Saint-Alary (Un chasseur de papillon, statue plâtre) et six panneaux de bois pour le décor de deux meubles néo-Renaissance commandés par Antony Roux à l’ébéniste Achille Blanqui (1826- ?) et dessinés par Gaudensi Allar (1841-1904).

André Allar, Sainte Marie-Madeleine, statue en pierre, 1876
Galerie des saints, cathédrale de la Major, 2e arrondissement

Le 20 juin 1875, il soumissionne afin d’obtenir une commande pour l’ornementation de la nouvelle cathédrale de Marseille. Il obtient la réalisation de la statue en pierre de Calissane de Marie-Madeleine, haute de 2,90 mètres, moyennant 5000 francs. Un peu plus tard, au mois d’août, il offre une statue de Femme ailée à la loterie du Cercle artistique en faveur des Provençaux victimes des inondations de l’été et dont le tirage a lieu le 16 novembre.

André Allar, Société de Géographie de Marseille, médaille, 1880
Exemplaire vu sur Ebay

En 1878, la Société de Géographie de Marseille, fondée deux années plus tôt, demande au sculpteur de lui modeler une médaille. Le 1er octobre, Alfred Rabaud, président de ladite société, offre le modèle en galvanoplastie au Cabinet des médailles de la ville ; le 14 janvier 1880, il lui offre cette fois la médaille gravée par Paulin Tasset (1839-1921). Celle-ci est présentée au public marseillais en avril (exposition de la Société des amis des arts) et en mai à Paris (Salon de la Société des artistes français, n°6770).

André Allar, Heury Espérandieu, buste marbre, 1879
Cour du conservatoire de musique, place Carli, 1er arrondissement

En novembre 1879, le sculpteur achève le buste en marbre de l’architecte Henry Espérandieu (1829-1874) destiné à couronner le monument édifié par Joseph Letz (1837-1890). Le monument est inauguré dans la cour de l’école des beaux-arts (aujourd’hui conservatoire de musique) le 22 février 1882.
En avril 1880, Allar soumet deux maquettes au comité marseillais organisateur d’un concours pour l’érection d’un monument à la mémoire d’Adolphe Thiers (1797-1877). Le concours, néanmoins, n’aboutit pas car la veuve de Thiers impose son choix : le sculpteur Auguste Clesinger (1814-1883).

Paul Sédille, Achille Blanqui et André Allar, Cabinet Renaissance, 1886
Château Borély, 8e arrondissement

En 1886, lors de l’exposition locale des beaux-arts, Allar reçoit un diplôme d’honneur pour récompenser ses travaux exécutés à Marseille. Cette même année, il collabore à nouveau avec l’ébéniste Achille Blanqui  sur un cabinet Renaissance dessiné par l’architecte Paul Sédille (1836-1900). Le meuble, présenté à l’Exposition universelle de 1889 rapporte une médaille d’or à l’artisan marseillais.

André Allar, André Chave aîné, buste, marbre, 1889
Angle du boulevard Chave et de la place Jean Jaurès, 5e arrondissement

En 1889, Gaudensi Allar achève un bel immeuble à l’angle du boulevard Chave et de la Plaine pour Nicolas-Henri Chave, fils d’André Chave aîné (1799-1868), promoteur du quartier éponyme. L’architecte aménage une niche sur le pan coupé de l’immeuble afin d’y placer un buste commémoratif commandé à André Allar. Le buste est mis en place au mois de juillet 1889.

André Allar, Fontaine Estrangin, pierre de Lens, 1890
Place Estrangin-Pastré, 6e arrondissement

À la fin de l’année 1887, le négociant Henri Estrangin (1823-1902) exprime la volonté d’offrir une fontaine à la cité phocéenne. Il s’adresse à André Allar et Joseph Letz, remplacé par Gaudensi Allar à la mort de son confrère. Le statuaire achève sa maquette en 1889 et l’expose au Salon marseillais. La fontaine elle-même est achevée l’année suivante et inaugurée le 30 novembre 1890.

jeudi 3 octobre 2019

André Allar à Marseille 1

Je vous communique aujourd’hui la compilation d’une annexe de ma thèse, intitulée « André Allar à Marseille », et d’une chronologie succincte tirée de ma monographie Vie et œuvre du sculpteur André Allar (Toulon 1845 – Toulon, 1926) :

En 1859, le jeune André quitte sa ville natale pour Marseille. Il y rejoint son frère Gaudensi Allar (1841-1904) qui se forme à l’architecture. Les deux garçons vivent alors chez leur oncle maternel François Tallon (1814-1876), architecte diocésain et inspecteur sur le chantier de la cathédrale de la Major. L’adolescent entre à l’école des beaux-arts et suit notamment les cours de sculpture d’Antoine Bontoux (1805-1892).

André Allar, Composition florale avec un angelot, dessin, 1860
Archives municipales de Marseille, 26 Fi 1860 (n°1334)

Entre 1859 et 1863, il obtient plusieurs prix dans diverses classes, dont un 3e prix en 1860 pour un ornement d’après la gravure (Composition florale avec un angelot) dans la classe d’architecture. Parallèlement, il gagne sa vie chez différents marbriers : il est tour à tour modeleur, metteur au point et praticien chez les frères Galinier ou chez Jules Cantini (1826-1916).

André Allar, Le duc d’Aumale, médaillon, marbres, 1860
Vendu aux enchères à Versailles le 26 février 2017
La signature A. Allard correspond à la graphie d’origine ;
le sculpteur abandonne le D final quelques années plus tard.

Il participe également à la vie culturelle phocéenne en exposant régulièrement au Salon marseillais entre 1860 et 1868. Il y fait ses débuts à 15 ans avec un Portrait (médaillon marbre) ; il s’agit peut-être du Duc d’Aumale. Il figure ensuite aux expositions de 1861 (M. P. C… ; M. F. C… et Mme F. C…), 1865 (Bacchus ; M. C… ; M. X… et Mme V…), 1866 (Ulysse lançant sa flèche et M. M…), 1867 (La Dispute d’Achille et d’Agamemnon) et 1868 (Thésée sortant du Labyrinthe rend grâce aux dieux de sa délivrance).

André Allar, Périclès et Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, 1868
Palais des Arts, place Carli, 1er arrondissement

Ce talent précoce est rapidement repéré par la municipalité. Le 6 septembre 1867, la Ville de Marseille lui octroie une subvention de 600 francs pour ses études artistiques à l’école des beaux-arts de Paris. Quelques semaines plus tard, le 18 octobre, elle lui commande un buste en pierre (Périclès) et deux médaillons en plâtre (Jean-Baptiste Massillon et Nicolas-Claude Fabri de Peiresc) pour le décor de la nouvelle Bibliothèque (aujourd’hui, conservatoire de musique) ; une somme de 2500 francs lui est allouée pour ces ouvrages.

Gaudensi Allar, lettre du 12 août 1869, collection particulière

En août 1869, André Allar remporte le grand prix de Rome de sculpture. En route pour Rome et la Villa Médicis, il s’arrête à Marseille avec Françoise Hanot (vers 1843-1874), sa compagne enceinte, et ses trois enfants. Alors qu’il poursuit son voyage, sa famille demeure à Marseille. Françoise y accouche de jumelles le 15 mars 1870. Hélas, la naissance des fillettes est immédiatement suivie par la mort de leur frère Ernest, âgé de trois ans, le 4 mai.

André Allar, Franz Mayor de Montricher, marbre, 1871
Nymphée du Palais Longchamp, 4e arrondissement

Parallèlement, la municipalité lui renouvelle sa confiance en lui commandant, le 9 mars 1870, le buste de l’ingénieur Franz Mayor de Montricher pour lequel il avait soumissionné le 1er décembre 1869 ; une somme de 2500 francs est allouée à cette œuvre destinée au nymphée du Palais Longchamp.

André Allar, Hécube retrouvant le corps de Polydore, bronze, 1873
Réserves du musée des Beaux-Arts de Marseille, 4e arrondissement

À Rome, André Allar est terrassé par le décès d’Ernest. Le travail devient un exutoire : il mêle sa souffrance et un épisode mythologique des Métamorphoses d’Ovide pour composer son envoi de première année : Hécube retrouvant le corps de Polydore. Le bas-relief en plâtre est acquis le 7 janvier 1873 par la cité phocéenne moyennant 3000 francs, somme qui comprend également le coulage d’un bronze galvanoplastique.