samedi 10 novembre 2018

Tombes de soldats

En ce centenaire de l’Armistice, je publie une notice que j’ai écrite pour l’ouvrage collectif des Archives municipales 14-18. Marseille dans la Grande Guerre (Arnaud Bizalion éditeur, 2014, p.120-122).

La Grande Guerre laisse une multitude de mères éplorées, de veuves et d’orphelins. Aussi, l’hommage national se double-t-il d’une commémoration familiale. De nombreuses tombes possèdent ainsi une plaque ou une inscription émouvante, comme sur cette urne funéraire du cimetière Saint-Pierre : « Ici repose / mon papa glorieux / Gabriel François Béraud / né le 25 juillet 1880 à Marseille / mort pour la France / le 20 octobre 1918. » Certaines familles poussent cependant l’hommage jusqu’à l’érection d’un véritable monument sculpté sur la sépulture de leurs héros. Les plus impressionnantes se trouvent à Saint-Pierre mais les cimetières de banlieues conservent également quelques exemples dignes d’intérêt.
Les sculpteurs proposent à leurs commanditaires privés des allégories évocatrices. Louis Botinelly (1883-1962) taille, pour le tombeau du maréchal des logis Louis Henry (1891-1915), une Douleur, élégante pleureuse dont la main gauche, tenant un rameau de laurier, s’appuie sur le casque du soldat.

Louis Botinelly, Douleur, statue en marbre, 1923
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement

En 1926, Antoine Sartorio (1885-1988) réalise dans le bronze une Victoire ailée couronnant de laurier deux épées brisées – symbole des Vosges et de Verdun – pour la famille Puppi qui a perdu deux fils, Félix (1892-1914) et Pierre (1899-1917). L’artiste célèbre ici un camarade ayant combattu avec le caporal Félix Puppi, mort héroïquement lors de l’assaut d’un blockhaus ennemi.

Antoine Sartorio, Victoire, statue en bronze, 1926
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement

Quant à la tombe du sous-lieutenant Casimir Mourgue d’Algue (1874-1916), elle présente une allégorie plus simple – un drapeau de bronze étendu sur des rochers au pied d’une croix – renforcée par une question rhétorique : « Qu’est-ce que notre vie / pour cette France que / nous défendons ? »

Anonyme, tombe de Casimir Mourgue d’Algue, bronze et pierre
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement

Toutefois, la majorité de ces familles opte pour l’effigie de leurs disparus. Paul Rocheil (1890-1962) sculpte plusieurs bustes tel celui du caporal Francis Siffredi (1894-1915) tué sur le front turc.

Paul Rocheil, Francis Siffredi, bas-relief en marbre
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement

Plus souvent, il s’agit d’un portrait en pied, permettant l’évocation d’une tranche de vie : la statue en uniforme de Martial Meniante (1895-1917, cimetière de Saint-Louis) rappelle que ce fils d’immigrés italiens a défendu le pays avec les troupes de Victor-Emmanuel III.

Anonyme, Martial Meniante, statue en marbre
Cimetière de Saint-Louis, 15e arrondissement

Le brigadier Antonin Cère (1893-1917) écrit sa dernière lettre.

Fernand Honnoré (1881-1943), Antonin Cère, haut-relief en marbre
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement

Le brigadier Georges Janin (1891-1914, cimetière de Mazargues) se dresse au milieu des décombres d’un champ de bataille.

Anonyme, Georges Janin, statue en marbre
Cimetière de Mazargues, 9e arrondissement

Enfin, le monument le plus étonnant est peut-être celui du brigadier Raoul Portal (1897-1918). Il se distingue d’abord par sa statue équestre avant qu’un bas-relief du piédestal ne le montre mourant entre les pattes de son cheval pour avoir tenté de traverser un tir de barrage afin de ravitailler sa batterie en munitions.

Anonyme, Raoul Portal, statue et bas-relief en marbre
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement

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