dimanche 24 août 2025

Témoignage de Jean Hugues, jeune artiste provincial à Paris

Il y a une dizaine d’années, j’ai trouvé sur Ebay une lettre du sculpteur marseillais Jean-Baptiste Hugues, dit Jean Hugues (1849-1930), évoquant sa vie de jeune artiste provincial à Paris après ses quatre années de pensionnat à Rome. Il y évoque sa vie quotidienne et ses amitiés phocéennes.

Jean Hugues, lettre, 20 décembre 1881
Collection personnelle

L’encre s’estompant, j’en donne une transcription aussi fidèle que possible. Par ailleurs, je suis preneur d’informations sur les noms propres qui me sont inconnus.

20 Décembre 1881

Mon cher Flégier[1]

Je suis très affecté de ton silence et de ta disparition. T’aurais-je froissé ? Je me le demande et je cherche en vain un motif à une si longue absence. Je suis allé aux deux réunions de la Cigale[2]. Tu n’y étais pas ; j’espérais t’y trouver et te réitérer la prière de venir déjeuner avec moi. J’ai eu de tes nouvelles par Ducuis (?). Il t’avait vu ; tu étais bien portant ce qui me faisait croire à ta visite un jour ou l’autre. Or comme je vois que la montagne ne vient pas, je vais à la montagne. J’ai gardé ce trop excellent souvenir de nos relations pour les laisser tomber comme un mauvais aïoli. Allons ! Tu as donc oublié qu’il y a de bonnes huîtres chez Laurence ? / qu’il y a même autre chose, que nous pouvons causer un moment de nos amis de Marseille, de nos projets, de nos déceptions et de tout ce qu’on peut dire entre amis. Allons ! Je compte sur toi. Tu sais que je travaille comme plusieurs nègres. J’ai modelé tous les jours, quelque fois deux par jour. Tu vois quel tracas et quelle fatigue ! Je ne bouge pas, pas plus le dimanche qu’en semaine, quelque fois le soir pour ne pas trop abandonner certaines relations et c’est tout. Je suis donc très pardonnable tandis que toi qui viens dans le quartier la journée il me semble etc. etc.

J’ai reçu des nouvelles de Marseille par le neveu d’Amiel (?), par des lettres de Gonzague (?). J’ai répondu à sa dernière mais depuis plus rien. J’ai vu plusieurs fois Bompard[3]. / Je ne t’en dis pas plus long, j’ai mon modèle qui m’attend. Je te la serre affectueusement et promets-moi que tu n’en veux pas en venant un de ces matins.

Tout à toi
JB Hugues

Boulevard du Montparnasse 81

[1] Ange Flégier (1846-1927), compositeur et peintre marseillais. 
[2] La Cigale, société fondée en 1875 regroupant des hommes de lettres et des artistes originaires du Midi résidant à Paris. 
[3] Maurice Bompard (1857-1935), peintre marseillais.

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