samedi 9 août 2025

Petite carte postale estivale de la Bonne Mère

Eugène Lequesne, Notre-Dame de la Garde, août 2025
© photo David Coquille

À quelques jours de l’Assomption, je vous envoie une petite carte postale estivale de la Bonne Mère La statue monumentale de la Vierge à l’Enfant d’Eugène Lequesne (1815-1887) est actuellement sous échafaudage et ce jusqu’au 8 décembre, pour la fête de l’Immaculée Conception. La restauration conduite par l’architecte Xavier David (né en août 1959) – dont je vous joins l’étude préliminaire – est désormais achevée ; à présent débute la redorure de la sculpture en cuivre galvanoplastique.

Étude pour la restauration de la statue monumentale de Notre-Dame de la Garde


jeudi 31 juillet 2025

Fontaine de l’Horloge (Michel Coste sculpteur)

Entre deux quais de la gare Saint-Charles se trouve une discrète fontaine… si discrète qu’elle ne figure pas dans mon guide historique des Fontaines de Marseille ! J’ai longtemps cru qu’elle était l’œuvre du sculpteur aixois Jean Amado (1922-1995) ; en fait, elle a été conçue par un autre Aixois, Michel Coste (né en 1939).

Michel Coste, Fontaine de l’Horloge, pierre de Rognes, octobre 1984
Gare Saint-Charles, 1er arrondissement

Le projet s’insère dans les agrandissements que la gare Saint-Charles connaît dans les décennies 1970 et 1980. L’artiste prend place entre deux piliers porteurs, au-dessous d’une horloge qui donne son nom à la fontaine dont l’envergure se déploie sur 4,50 mètres. Il l’installe en octobre 1984 comme l’indique la date sous la signature.
La Fontaine de l’Horloge est emblématique des premières œuvres de Michel Coste dont l’ambition est de « faire émerger la beauté de la matière brute ». S’il affectionne particulièrement les marbres des Alpes pour leur veinage, il choisit ici la pierre de Rognes (Bouches-du-Rhône) travaillée en strates. Il atteint son but par l’abstraction des formes épurées.
Par la suite, l’œuvre de Michel Coste évolue : ses formes deviennent plus figuratives – quoique toujours aussi épurée – avec une prédilection pou la femme et le couple ; ses matériaux se diversifient notamment par des éditions en bronze ou en cristal. En 2016, sa statuette Phryné, éditée par Daum, est choisie pour être le trophée du Prix de l’Audace Créatrice

Michel Coste et Daum, Phryné, cristal, 2012

samedi 19 juillet 2025

Apollon vainqueur (Henri Lombard sculpteur)

Ce 19 juillet, l’hôtel des ventes de Vernon (Eure) a mis au enchères un grand bas-relief en plâtre (149 x 103 x 11 cm avec le cadre) du sculpteur marseillais Henri Lombard (1855-1929). Le commissaire-priseur l’a intitulé Œdipe et le Sphinx ; en fait, il s’intitule Apollon vainqueur.

Henri Lombard, Apollon vainqueur, bas-relief plâtre, 1888
Hôtel des ventes de Vernon, lot 174 – estimé : 300/500 € - vendu 1 900 €

Cette œuvre remarquable, quoique légèrement accidentée, est l’un des envois de Rome de Lombard. Il s’agit d’un devoir de 2e année du pensionnat à la Villa Médicis que l’artiste ne le réalise qu’à sa 4e année. Le sujet est décrit de la sorte dans le procès-verbal de l’Académie des Beaux-Arts : « Apollon vainqueur. Ce bas-relief traité avec talent présente une certaine originalité mais le sujet en est énigmatique. Apollon, debout, confère avec le Sphinx tandis que Diane s’envole, son arc dans une main et après avoir aidé son frère au massacre des Niobides à ce qu’il semble. Ceux-ci, entassé dans la partie inférieure du bas-relief contrastent avec le haut et complètent l’intérêt de cette poétique composition. » (Archives de l’Académie des Beaux-Arts, 5E17, p.496)
La sculpture est exposée à Rome à la Villa Médicis en juin 1888, puis à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris en octobre de la même année avec les envois de Rome de tous les pensionnaires de l’État. En 1922, il reparaît à Marseille, lors de l’Exposition coloniale (n°220).

Henri Lombard, Apollon vainqueur, bas-relief bronze, 1898
Musée Granet, Aix-en-Provence

Henri Lombard fond l’œuvre en bronze et l’expose au Salon de la Société des artistes français en 1898 (n°3616, Apollon). Elle figure ensuite aux expositions universelles de Paris (1900, n°421) et de Gand (1913, n°45). L’État l’acquiert le 27 août 1909 pour 800 francs et la destine au Musée du Luxembourg (LUX335) où elle entre le 21 octobre suivant. Longtemps non localisée, elle est retrouvée au début du XXIe siècle et déposée au Musée Granet d’Aix-en-Provence en 2002.

jeudi 10 juillet 2025

Le rocailleur Stanislas Cailhol

Le 10 mai dernier, j’ai donné une notice consacrée au sculpteur François-Marius Cailhol (1810-1853). Toutefois, son frère Stanislas Cailhol (1814-1891?) est une personnalité tout aussi intéressante.
Plâtrier, cimentier et rocailleur, il apparaît tardivement dans l’Indicateur marseillais – en 1867, l’année même où la rubrique professionnelle des rocailleurs apparaît dans cet annuaire – et y figure jusqu’en 1891. Toutefois, à 50 ans passé, Stanislas Cailhol possède une longue expérience dans le décor architectural en ciment comme il l’explique lui-même dans un courrier au maire de Marseille justement en 1867 (archives municipales de Marseille 10M19). Il y énumère de nombreux travaux dans les propriétés phocéennes parmi lesquelles l’oratoire de M. Falque au Aygalades, les ruines de M. Berteaut à la Blancarde, la volière du presbytère de Sainte-Marguerite, la façade gothique sur jardin de M. Honnorat à la rue Sylvabelle… Toutefois, le premier chantier qu’il cite est celui du temple de l’entrepreneur Désiré Michel à l’Estaque.

Stanislas Cailhol, Temple, façade en ciment, 1864
Bastide Désiré Michel, 15 impasse du Bon Coin, 16e arrondissement

En 1859, Désiré Michel acquiert une bastide à l’Estaque qu’il entreprend d’agrandir. Dans ce cadre, le rocailleur Cailhol crée la façade du temple, la signe et la date de 1864.
Désiré Michel fonde en 1839 la Société Michel, Armand et Cie – qui devient par la suite Société des ciments de la Méditerranée Désiré Michel – pour promouvoir le ciment dans l’ornementation de l’architecture. En 1858, il annonce la construction du siège de son entreprise, sis traverse du Chapitre (auj. rue Frédéric Chevillon, 1er arrondissement), en trois mois seulement (juillet/septembre 1858) pour montrer les propriété plastique du ciment. Il est donc probable que Stanislas Cailhol ait – au moins pour un temps – travaillé dans la société de Désiré Michel comme sculpteur rocailleur avant de prendre son indépendance. Cela expliquerait son apparition tardive dans l’Indicateur marseillais.
En 1861, il obtient une médaille de bronze lors de l’exposition du Concours régional de Marseille. En 1867, il expose à la Société artistique des Bouches-du-Rhône une fontaine gothique en ciment (n°381). Par chance, à l’automne 1867, il en demande un emplacement au maire pour l’installer dans l’espace public en joignant un croquis à son courrier

Stanislas Cailhol, Fontaine gothique en ciment, aquarelle, 1867
Archives municipales de Marseille 10M19

Il réclame deux espaces sur la place Royale (place Charles de Gaulle, 1er arrondissement) : « Mon intention serait de creuser, au milieu du premier massif-gazon, un bassin de 2m00 de diamètre et d’y élever une Fontaine gothique, de 6m00 de hauteur, à jeux d’eaux intérieurs, le tout fouillé à jour et ciselé, comme peut vous en donner une faible idée l’aquarelle bien imparfaite que je joins à ma demande ; plus, sur le bord de l’allée, d’ornementer un kiosque pour la vente de journaux, dont on pourrait tirer parti pour la location. […] Enfant de Marseille, j’ai à cœur, depuis que mon talent s’est muri, de créer sur une de nos places un spécimen de mon travail, qui, d’après l’opinion du public artiste, n’est pas dépourvu d’originalité. / La Ville me fournira les matériaux, voilà tout et je serai trop heureux de pouvoir trouver ma récompense dans votre approbation et dans les félicitations de mes compatriotes. » Hélas, sa requête reste lettre morte ! 
L’œuvre de Stanislas Cailhol reste très largement à redécouvrir…

jeudi 3 juillet 2025

Agonie (Thomas Cartier sculpteur)

Aujourd’hui, j’ai acheté un groupe en terre cuite du sculpteur animalier Thomas Cartier (1879-1936) qui passait en vente publique à Antibes (Métayer-Mermoz, lot 129). Les œuvres de cet artiste marseillais ne sont absolument pas rares ; celle-ci toutefois sort du lot pour son importance dans la carrière de Cartier.

Thomas Cartier, Agonie, groupe en terre cuite, circa 1910-1920
Vente Métayer-Mermoz, lot 129, acheté 60€

Le groupe s’intitule Agonie… quoique, à dessein ou inconsciemment, la maison de vente l’ait pudiquement rebaptisé Homme au chien, peut-être pour le rendre plus commercial ! Ce titre me paraît ridicule en plus d’être erroné : d’abord, on compte deux chiens et non un ; ensuite, il semble difficile de voir un homme dans ce corps d’enfant nu !

Thomas Cartier, Agonie, groupe en plâtre, 1908
Carte postale (Salon de 1908)

Le plâtre d’Agonie apparaît pour la première fois au Salon de la Société des artistes français en 1908 (n°2949) où il obtient une mention honorable. La sculpture reparaît en marbre au Salon de 1910 (n°3391) et remporte une médaille de 2e classe.

Thomas Cartier, Agonie, groupe en terre cuite, circa 1910-1920
Vente Métayer-Mermoz, lot 129

Cette version, d’un format conséquent (40 x 61 x 36 cm), n’est assurément pas une esquisse. Il s’agit plus vraisemblablement d’un surmoulage (manque de finesse de la chevelure du garçon, des pattes des chiens ou de la signature !) ayant donné lieu à une édition en terre cuite après le succès de l’œuvre au Salon de 1910. Néanmoins, il n’est pas à exclure qu’elle ait connu un regain d’intérêt après la Première Guerre mondiale : en effet, cette scène où deux chiens, l’un hurlant à la mort et l’autre abattu de tristesse, veillent sur leur malheureux maître a pu être perçu comme une allégorie du destin tragique de milliers de jeunes hommes fauchés par la guerre !

mercredi 25 juin 2025

Étiennette Gilles

Cette semaine, la Société …?Prouvenço !... a fait don au Musée d’histoire de Marseille d’un buste en plâtre patiné de Frédéric Mistral (1830-1914) par Étiennette Gilles. Cet événement me donne l’occasion de donner la notice biographique de cette artiste que j’ai publiée dans Marseillaises. Le dictionnaire (éditions Gaussen, 2025, p.217-218).

Gilles Joseph Étiennette (Marseille, 18 novembre 1894 – Marseille, 14 décembre 1981)
Artiste pluridisciplinaire, elle est élève à l’École municipale des Beaux-Arts pendant la Première Guerre mondiale où elle se forme exclusivement au dessin et à la peinture. Elle y obtient plusieurs récompenses dont un 1er prix d’après la bosse en 1916. Son goût pour la statuaire se développe plus tardivement : elle s’y initie dans l’atelier de Paul Gondard (1884-1953) vers 1920. Dès lors, elle mène de front une carrière de peintre et de sculptrice quoiqu’elle expose davantage d’œuvres sculptées : Le Christ à Gethsémani et Virginité (bustes, Salon de l’Art chrétien à Paris, 1921, et exposition des Artistes marseillais, 1921) ; Docteur Max Gilles – buste de son père – et Provençale à la fontaine – peinture (exposition des Artistes marseillais, 1923) ; La Vierge aux lavandes (statue décorative, saison d’art, Aix, 1926) ; Mas provençal à Eyragues – peinture – et buste de l’Amiral Courbet (Union des artistes de Provence, 1928) ; Clochettes marseillaises et L’Amour des livres (sculptures, Salon rhodanien, 1933) ; Émile Ripert (buste, Salon artistique, 1941)… En 1931, elle participe au concours du Monument à Frédéric Mistral, destiné au plateau Longchamp et remporté par Louis Botinelly (1883-1962, cf. notice du 20 mars 2021) ; elle se classe troisième et reçoit une prime de 500 francs.

Étiennette Gilles, Frédéric Mistral, plâtre patiné, 1931
Désormais conservé dans les réserves du Musée d’Histoire de Marseille 
© Marie-Noëlle Perrin

Dans l’Entre-deux-guerres, Étiennette Gilles épure, voire stylise, son trait pour se faire illustratrice. Pour la Petite histoire familière de la crèche et du santon (Marcel Provence, 1925), elle dessine des santons en noir et blanc, d’une ligne plus âpre et moins naïve que celle de son co-illustrateur David Dellepiane (1866-1932).

Marcel Provence, Petite histoire familière de la crèche et du santon, couverture, 1925

Étiennette Gilles, Santons, terre cuite émaillée, sans date
Vente aux enchères Marseille (De Baecque, lot 35), 30 novembre 2023

Elle réalise ensuite vingt-cinq planches plus fouillées, dans le goût art déco, pour orner la réédition de Lou libre de l’amour de Théodore Aubanel (1928). Elle donne aussi un charmant bois gravé pour accompagner Avec Mistral sur les routes de Provence (Émile Ripert, 1931). Par ailleurs, dans les années 1950, elle exécute des estampes sur des sujets religieux comme Notre-Dame du Rosaire ou Saint Thomas d’Aquin (couvent des Dominicains, Montréal, Canada).
Elle construit une œuvre variée composée de portraits sculptés ou peints, de tableaux de fleurs ou de paysages, de gravures, d’art décoratif (Poupées, céramique, saison d’art, Aix, 1925 – médaille d’argent), de textile (Coussins, saison d’art, Aix, 1926)... Ses thèmes de prédilection sont la religion et la provençalité. Le musée d’Histoire de Marseille conserve d’elle La Vieille servante (peinture) et celui de Notre-Dame de la Garde une tête du Christ à la couronne d’épine (dessin).

Étiennette Gilles, La Vieille servante, h/t, sans date
Musée d’histoire de Marseille © FCAC Ville de Marseille

Étiennette Gilles, Le Christ à la couronne d’épine, dessin, vers 1921
Musée de Notre-Dame de la Garde © Jacqueline Poggi

Étiennette Gilles, La Pieuvre, plaque de cheminée, terre cuite, sans date
Collection particulière

mercredi 11 juin 2025

Les Crapauds (Alain Paris sculpteur)

Maçon de formation, le sculpteur-plasticien marseillais Alain Paris (né en 19..) est l’auteur des Crapauds qui, depuis 2013, colonisent la ville. Ces batraciens étranges sont, selon leur créateur, les premiers habitants de la région, avant même l’arrivée des Grecs de Phocée : à une époque où le paysage local était constitué de marécage, ces amphibiens antédiluviens évoluaient en eau trouble ; leurs grands yeux vides affleurant à la surface, ils ont assisté à l’avènement de l’Homme.
Conçus en plâtre et bariolés de couleurs flashy qui le protègent des intempéries, les Crapauds ont pour objectif initial d’attirer l’attention sur les dégradations urbaines de façon ludique… au risque de subir eux-mêmes ce délabrement. C’est le cas du malheureux du Crapaud relégué dans un coin de la rue Saint Bazile : posé sur une palette, parqué derrière d’inutiles barrières, le batracien rose fluo s’abime dans la plus grande indifférence.

Alain Paris, Crapaud, plâtre polychromé
Rue Saint Bazile, 1er arrondissement

Pour autant, au fil du temps, les Crapauds ont gagné leurs lettres de noblesse. Ils ne sont plus installés sans autorisation dans l’espace public. Ce sont désormais des monuments que l’on met en valeur et inaugure très officiellement tel le Crapaud de l’Escale Borély en avril 2022.

Alain Paris, Crapaud, plâtre polychromé, 2022
Escale Borély, 8e arrondissement

S’il n’a pas encore eu les honneurs du musée, au moins figure-t-il déjà dans certaines institutions comme le commissariat central Noailles, sur la Canebière. En effet, en 2019, Alain Paris lui a offert un Crapaud flic tricolore, haut de 1,60 m et arborant un képi, pour remercier la police nationale de ses missions à Marseille.

Alain Paris, Crapaud flic, plâtre polychromé, 2019
Commissariat central Noailles, 66-68 La Canebière, 1er arrondissement

Quant aux amateurs, ils peuvent eux aussi disposer de leur propre Crapaud en version miniature en se rendant sur le site de l’artiste https://paris-alain.com/ et moyennant environ 90 € !

Alain Paris, La Fiesta, mini Crapaud

Alain Paris, La Connasse, mini Crapaud