vendredi 28 mai 2021

Réouverture des musées marseillais

Après des mois sans culture, les musées marseillais ont enfin rouvert leurs portes … au moins partiellement. Par ailleurs, les musées municipaux ont opté, jusqu’à fin juin, pour la gratuité. C’est l’occasion de (re)découvrir les collections permanentes comme celles du musée d’Histoire. Alléluia !

Antoine Duparc, Gloire, marbre, 1744
Musée d’Histoire de Marseille 1er arrondissement 

Antoine Duparc (Marseille, 1698 – Coutances, Manche, 1755) réalise en 1744 une Gloire ou Mandorle en marbre pour le maître-autel de Saint-Martin, église rasée en 1887 pour la réalisation de la rue Colbert. Ce décor baroque aux nuées mouvementées et aux angelots potelés crée un important jeu d’ombres et de lumières mettant en valeur le tabernacle qui ornait son centre évidé.
Le musée d’Histoire présente également d’autres anges de très belle qualité, sculptés par des artistes anonymes et à la provenance inconnue.

Anonymes, Anges musiciens, bois, XVIIIe siècle
Musée d’Histoire de Marseille 1er arrondissement 

Anonyme, Ange, bois doré, XVIIIe siècle
Musée d’Histoire de Marseille 1er arrondissement 

Anonyme, Angelots, marbre, XVIIIe siècle
Musée d’Histoire de Marseille 1er arrondissement

Anonyme, Séraphins, marbre, XVIIIe siècle
Musée d’Histoire de Marseille 1er arrondissement

vendredi 21 mai 2021

La fontaine d’Homère (Étienne Dantoine sculpteur)

Aujourd’hui, je vous livre une notice issue de mon guide historique des Fontaines de Marseille : la fontaine d’Homère dont il ne reste plus aujourd’hui que la colonne et le buste du chantre de l’Iliade et de l’Odyssée.

Étienne Dantoine, Colonne d’Homère, 1803
Ensemble et détail © Xavier de Jauréguiberry
Angle des rues d’Aubagne et Moustier, 1er arrondissement

Dédiée par « les descendants des Phocéens à Homère » selon la volonté du préfet Charles Delacroix, cette fontaine vient s’ajouter en 1803 à l’angle des rues d’Aubagne et Moustier à un lavoir préexistant. Sa colonne, provenant de Saint-Victor, est surmontée d’un chapiteau ionique et d’un buste en hermès d’Homère que Delacroix voulait « d’après l’antique », œuvre d’Étienne Dantoine (Carpentras, 1737- Marseille, 1809). L’inscription au revers du piédestal, à la gloire des consuls et du préfet, a été retirée en 1814. 

A. Karl, La fontaine d’Homère, gravure
Musée d’Histoire de Marseille, 81_2_14

Marius Guindon (1831-1919), Un coin du Vieux-Marseille, peinture, 1888
Musée Gassendi, Digne (carte postale)

Émile Henry (1853-1920), Laveuses à la colonne d’Homère, aquarelle
En vente à Marseille le 9 juin 2021, maison R&C (lot 169 - estimé 120/150 € / vendu 220 €)

Il s’agit de l’une des rares fontaines du Consulat qui se trouve à sa place originelle. Toutefois, le lavoir provoque des nuisances. Le 18 juin 1858, un riverain écrit au maire pour se plaindre : « […] cette petite place ornée du buste d’Homère, ombragée par un beau platane, serait charmante sans ce réservoir source de propos sales et dégoutants quotidiens lorsqu’ils ne sont pas suivis de disputes entre les mégères qui fréquentent ce lavoir. » Peu à peu, la fontaine s’assèche : elle perd d’abord son lavoir en 1898, puis son bassin rond en 1920.

Albert Perrin, La fontaine d’Homère, 1944

Située dans un quartier populaire, elle a inspiré un roman à Albert Perrin : La Fontaine d’Homère (1944).

mercredi 12 mai 2021

L’immeuble des Arts et des Saisons (Antoine Maïssa sculpteur ?)

En 2005, mon amie Florence Marciano a étudié l’un des immeubles les plus décorés de Marseille dans le cadre de l’exposition Figures en façades. Le décor sculpté privé à Marseille (septembre 2005, préfecture des Bouches-du-Rhône). En 2017, les historiens Georges Reynaud et Régis Bertrand en ont poursuivi l’étude, identifiant même le sculpteur qui a probablement réalisé ce saisissant ensemble.

Immeuble, 46 bd de la Liberté, 1er arrondissement
Le pan coupé

L’immeuble construit au 46 bd de la Liberté occupe une situation privilégiée. Il est édifié sur une parcelle trapézoïdale à l’intersection du boulevard et de la rue des Héros. Le terrain est acquis le 25 avril 1861 pour 21 625,25 francs par Joseph Bienaimé Boyer (1824-1866), un ébéniste reconverti en marchand de bois et entrepreneur en menuiserie ; l’immeuble est édifié en 1862. Le propriétaire y habite un étage et loue les autres.

Antoine Maïssa ?, La Sculpture et La Peinture, 1862-1863
Pan coupé du 46 bd de la Liberté, 1er arrondissement 

Le pan coupé accueille huit bas-reliefs sur un programme iconographique double : les Arts et les Saisons. Au premier étage, deux majestueux médaillons enrubannés exhibent les allégories de la Sculpture et de la Peinture. À gauche, un génie ailé rend hommage à la statuaire du siècle de Louis XIV (buste dévoilé) et pose la main droite sur la tête de Milon de Crotone (allusion au chef-d’œuvre de Pierre Puget, 1620-1694) ; à ses pieds, un putto s’exerce au dessin ou à la gravure. À droite, un second génie ailé, plus mature, soulève un drapé et dévoile les attributs du peintre (palette, pinceaux, modèle à copier) tandis qu’un putto lui tend une équerre.

Antoine Maïssa ?, L’Architecture et La Musique, 1862-1863
Pan coupé du 46 bd de la Liberté, 1er arrondissement

Au dernier étage, on trouve deux autres putti. L’un symbolise l’Architecture avec un té, un plan roulé et un traité ; le second représente la Musique avec une mandoline et une partition.

Antoine Maïssa ?, Les Saisons, 1862-1863
Pan coupé du 46 bd de la Liberté, 1er arrondissement

Les étages intermédiaires proposent un second thème : les quatre Saisons. Au deuxième, le Printemps (reconnaissable à ses bouquets de fleurs et son arrosoir) et l’Été (identifiable à sa faucille, ses épis de blé et sa corne d’abondance) se font face. Au troisième, se sont l’Automne (reconnaissable à son raisin vendangé et son pichet de vin) et l’Hiver (emmitouflé dans son manteau près d’un braséro) qui s’affrontent.

Antoine Maïssa ?, Atlantes, 1862-1863
46 bd de la Liberté, 1er arrondissement

L’entrée de l’immeuble qui se situe sur le boulevard de la Liberté est magnifiée par la présence de deux atlantes musculeux d’esprit baroque, sans doute une autre référence à Puget. Ils encadrent un dessus-de-porte rectangulaire dans lequel deux putti, entourés des attributs de l’Architecture (règle, équerre, compas), consultent un plan… assurément celui de l’immeuble qu’ils décorent.

Antoine Maïssa ?, Têtes, 1862-1863
46 bd de la Liberté, 1er arrondissement

Enfin, de nombreux bustes d’hommes, de femmes, de vieillards habitent les deux façades principales. Sur le pan coupé comme sur les cinq travées du boulevard de la Liberté, ils logent dans des frontons triangulaires ou circulaires.
Dans leur article (Marseille, n°255, août 2017), Georges Reynaud et Régis Bertrand attribuent potentiellement ce riche décor sculpté à Antoine Maïssa (Clans, 1825-Nice, 1867). En effet, les deux historiens ont trouvé dans l’inventaire après décès de Joseph Bienaimé Boyer une reconnaissance de dette de 750 francs envers ce sculpteur originaire du comté de Nice. Maïssa qui francise parfois son nom en « Maisse » est actif à Marseille entre 1853 et 1864. À partir de 1856, il installe son atelier au 17 de la rue des Héros, tout proche du terrain que Boyer va lotir. En 1861, il s’associe avec Rosario Bagnasco (Palerme, 1810-1879) et partage un atelier avec son confrère au 11 rue de la Rotonde, toujours dans le même quartier. Toutefois, Bagnasco séjournant en Sicile entre 1861 et 1863, le décor foisonnant du fameux immeuble n’est vraisemblablement pas une collaboration des deux artistes. En tous cas, quel que soit l’auteur de ces sculptures, il utilise les façades pour montrer son talent à tout un chacun.