vendredi 24 avril 2020

Le décor sculpté, joyau de l’église Saint-Louis 1

Église Saint-Louis de Marseille vue du cimetière
© Xavier de Jauréguiberry

Si l’église Saint-Louis de Marseille conserve aujourd’hui encore une certaine aura dans l’histoire de l’architecture, elle le doit en grande partie à son décor statuaire. Pourtant le pari n’était pas gagné d’avance : la sculpture est un art somptuaire onéreux, difficilement accessible à une paroisse populaire ne disposant que d’un budget modeste. Cela dit, l’abbé Pourtal nourrit de grandes ambitions pour l’édification de son sanctuaire et charge Jean-Louis Sourdeau[1] (1889-1976) de résoudre cette équation quasi impossible. L’architecte sollicite alors, au début de 1934, le sculpteur toulousain Carlo Sarrabezolles (1888-1971).
C’est l’artiste providentiel ! Lui seul peut répondre aux désirs décoratifs du commanditaire. En effet, Sarrabezolles est l’inventeur d’un procédé permettant une réalisation rapide et à moindre coût d’œuvres monumentales : la taille directe dans le béton frais. Il expérimente cette technique sur le campanile de l’église de Villemomble (Seine-Saint-Denis), érigé en 1926 par l’architecte marseillais Paul Tournon (1881-1964). […]
Le talent et la renommée de Sarrabezolles flattent l’abbé Pourtal qui, avec son architecte, a élaboré un programme iconographique riche pour les façades sud et ouest de l’église. Sur la première, le curé souhaite un majestueux Christ Rédempteur crucifié ; puis, après discussion avec l’artiste, il enrichit le décor d’une frise d’anges adorateurs de part et d’autre de la croix. Sur la seconde, il imagine l’effigie ainsi qu’une scène de la vie du roi de France Saint Louis comme un écho au vocable du lieu de culte et du quartier. Enfin, pour tisser un lien entre les deux façades, une statue-flèche doit couronner le clocher ; elle figure l’archange Gabriel brandissant la Couronne d’Épines, la plus sacrée des reliques de la Passion acquise par Louis IX. Toutefois, le projet apparaît d’emblée trop ambitieux pour le budget alloué à la construction de l’édifice. Aussi est-il rapidement décidé non pas d’abandonner l’ornementation du mur occidental mais de la repousser à une date ultérieure. Un grand cadre en réserve sera donc laissé vide dans l’attente de jours meilleurs.

Carlo Sarrabezolles, esquisse au 1/20e du Christ Rédempteur et des anges adorateurs
Publiée dans Les Églises de France illustrées, n°4, avril 1935, p. 26

Carlo Sarrabezolles, maquette en plâtre de l’église Saint-Louis
Archives privées

De prime abord, le sculpteur se montre enthousiaste. Néanmoins, de vives tensions surgissent bientôt avec le commanditaire qui tente de lui imposer plusieurs clauses difficilement acceptables. Excédé, Sarrabezolles lui écrit le 17 juillet 1934 : « Cher Monsieur le Curé, les conditions que vous me faites sont trop écrasantes pour que je puisse les accueillir. »[2] Déjà, le 12 juin 1934, il avait accepté de réduire ses émoluments à 50 000 francs pour un travail qu’il facturerait 130 000 francs à une municipalité ou à l’État. Cette concession ne tient qu’à la promesse expresse de lui confier dès que possible la réalisation de la façade ouest. Non content de ce rabais conséquent, l’abbé Pourtal désire que l’artiste endosse en plus les dépenses d’échafaudage, de bâchage, de coffrage, de coulage et de décoffrage qui relèvent normalement des frais de l’entreprise générale. En outre, il demande des facilités de paiement, notamment de régler la deuxième moitié du salaire en dix annuités aux intérêts de 5 %, ce qui reviendrait à lui verser une rente annuelle ridicule.
« Vous ne pouvez pas avoir, Monsieur le Curé, la qualité pour rien. Or moi, au prix de cinquante mille francs, c’est presque pour rien que, poussé par de hauts sentiments, je vous ai offert de tailler dans le béton de votre église.
Réfléchissez qualitativement et non quantitativement et pensez que, pour honorer Dieu, il faut commencer par lui offrir un petit commencement de tribut pécuniaire lorsque l’artiste, lui, ne demande pas du gâteau mais du simple pain sec »[3].
Finalement, l’architecte intervient pour raisonner le religieux et obtient gain de cause comme il l’écrit au statuaire le 26 juillet 1934 : « Votre talent a pesé dans la balance de son juste poids et a remporté la décision. »[4] Ceci dit, ce n’est que le 12 février 1935 que le curé de l’église Saint-Louis et l’artiste signent un contrat de gré à gré pour la réalisation des sculptures. Les clauses litigieuses sont évoquées : Sarrabezolles obtient l’assurance d’exécuter ultérieurement la décoration de la façade ouest et se voit dégagé des frais ne relevant pas directement de son art. Quant aux acomptes de sa rémunération, ils sont clairement définis : il touchera 15 000 francs à son arrivée sur le chantier, 10 000 francs à l’achèvement total des œuvres et 25 000 francs dans les douze mois suivant à raison de 6 250 francs par trimestre.


[1] Natif du Nord (Ligny, près de Cambrai), Jean-Louis Sourdeau s’installe à Marseille en 1928.
[2] Brouillon de lettre de Carlo Sarrabezolles à l’abbé Pourtal du 17 juillet 1934, archives familiales Sarrabezolles-Appert, Paris.
[3] Ibid.
[4] Lettre de Jean-Louis Sourdeau à Carlo Sarrabezolles du 26 juillet 1934, archives familiales Sarrabezolles-Appert, Paris.

vendredi 17 avril 2020

Publication

En 2012, Jean-Claude Gautier a réuni autour de lui une équipe d’historiens et d’historiens de l’art pour publier un ouvrage consacré à l’église Saint-Louis de Marseille. L’édifice, érigé en 1935 dans un quartier populaire du 15e arrondissement, est un chef-d’œuvre de l’architecture religieuse du XXe siècle.
Ce fut cependant un parcours du combattant pour l’initiateur du projet. Les vicissitudes furent nombreuses : difficultés de trouver certains spécialistes, abandons d’auteurs en cours de route, changements d’éditeurs… Finalement, au bout de huit longues années, l’ouvrage est achevé grâce au travail de graphiste-maquettiste de Vincent Hanrot et à l'association MALTAE (Mémoire à Lire Territoire à l'écoute) qui en est l’éditrice.
Une présentation au public et à la presse avait été programmée pour le 4 avril dernier. Malheureusement, la crise sanitaire du corona virus retarde encore l’événement de quelques mois ! Qu’à cela ne tienne ! J’ai décidé de vous présenter le livre en avant-première : aujourd’hui la couverture et le sommaire ; plus tard, mon article sur le décor sculpté de l’église.

L’église Saint-Louis de Marseille. Une mémoire en devenir
Couverture

Sommaire
            p.7       Préface (Claude Massu)
            p.11     Une mémoire en devenir (Jean-Claude Gautier)
             
Fondation, chantier & environnement
            p.23     Récit de fondation (Christine Breton)
p.35     Des industries et des hommes (Samia Chabani, Anaëlle Chauvet & Marina Sanchez)
            p.45     Un témoignage photographique remarquable (Sophie Audibert)
            p.47     Années 30, à Marseille, une église conformiste ? (Robert Maumet)

            Architecture 
            p.63     L’église Saint-Louis, expression du siècle (Ève Roy)
            p.81     Constructeurs et matériaux (Jean-Claude Gautier)

            Programme décoratif
            p.85     Le décor sculpté, joyau de l’église Saint-Louis (Laurent Noet)
            p.97     Le pavé de verre, une technique au service de l’art et de l’architecture (Christine Blanchet)
            p.105   Le luminaire-lustre en forme de couronne d’épine (Georges Tortel)
            p.107   En suivant le chemin de croix de Jac Martin-Ferrières (Jean-Claude Gautier & Robert Maumet)
            p.121   La restauration des fresques du chemin de croix (Laure Van Ysendyck)

            Annexes
            p.127   Bibliographie sélective
            p.128   Remerciements & crédits iconographiques

mercredi 8 avril 2020

Marius Barneaud

Voici une nouvelle notice actualisée du Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur :

Barneaud François Marie, dit Marius (Marseille, 16 avril 1829 – ?)
Actif à Marseille entre 1863 et 1876 (cf. Indicateur marseillais), il expose entre 1865 et 1869 aux expositions de la Société artistique des Bouches-du-Rhône : L’Enlèvement (bas-relief, n°343 bis, 1865), Le roi David (statuette en bronze doré, n°339, 1866), L’homme au fil de plomb (plâtre, n°379, 1867), Vierge à l’Enfant (n°381, 1869).

Marius Barneaud, Charlemagne, buste, pierre, 1870
Palais des Arts, place Carli, 1er arrondissement

Le 18 octobre 1867, Marius Barneaud est retenu dans la liste des sculpteurs appelés au décor de l’École des Beaux-Arts – Bibliothèque (aujourd’hui Palais des Arts) érigée par Henry Espérandieu (1829-1874). La Ville lui commande un médaillon en plâtre pour l’escalier, moyennant 500 francs, ainsi qu’un buste en pierre de Calissanne, figurant Charlemagne, pour la façade, moyennant 1500 francs. Le modèle en plâtre de son Charlemagne est d’ailleurs exposé à l’exposition de la Société artistique des Bouches-du-Rhône de 1867 (n°380). La version en pierre est réceptionnée par l’architecte le 1er août 1870.

Marius Barnaud, Cariatides, pierre
64 avenue du Prado, 8e arrondissement

Il travaille également pour la clientèle privée. Il est notamment l’auteur de deux cariatides dont les jambes se transforment en rinceaux feuillagés pour un immeuble cossu du Prado.
Enfin, il disparaît de l’Indicateur marseillais en 1877, sans savoir s’il a déménagé dans une autre ville ou s’il est décédé.