Affichage des articles dont le libellé est Carli Auguste (S). Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Carli Auguste (S). Afficher tous les articles

jeudi 6 juin 2024

Marguerite Varigard

Il y a quelque temps, je suis entré en contact avec la petite-fille d’un légataire de Marguerite Varigard : celle-ci, n’ayant pas eu d’enfant, a en effet légué l’une de ses propriétés et son contenu à un couple qu’elle hébergeait au début de la guerre. Cela me permet d’affiner sa notice biographique que j’avais commencée dans mon article « Formation et carrière des sculptrices marseillaises » (cf. article du 7 février 2023).

Varigard Marguerite Louise Antoinette Suzanne, née Castang (Alès, 17 janvier 1865-Cannes ?, 22 août 1940), sculptrice
Marguerite Castang épouse Léon Varigard (1857-1914), entrepreneur en travaux publics et fils du maire d’Alleins (Bouches-du-Rhône), le 21 octobre 1884, à Alès. Le couple réside à Marseille entre 1888 et 1898[1]. Marguerite y fréquente le meilleur monde. Parallèlement, elle se perfectionne à la peinture auprès de la très mondaine Fernande de Mertens (1850-1924), présentant même à l’Exposition des Dames organisée par le Cercle artistique en 1893 un « ravissant tableau […] d’une excellente composition, d’une venue bien personnelle et d’un dessin très correct, c’est une œuvre qui dénote une nature des mieux douées et vraiment artistique »[2]. Son professeur de peinture réalise, par ailleurs, son portrait au pastel qui est exposé au Salon de l’Association des artistes marseillais de 1894 : Portrait de Mme M. V… (pastel, n°352).

Fernande de Mertens, Marguerite Varigard, pastel, 1894
Collection particulière

Toutefois, la prédilection artistique de Marguerite Varigard va à la sculpture. Elle apprend le modelage avec Charles Cordier (1827-1905), très vraisemblablement lors de ses villégiatures dur la Côte-d’Azur. Rapidement, elle exhibe sa production aux manifestations de l’Association des artistes marseillais : Mme C. C. (buste, n°394) et Mlle M. (bas-relief, n°395) en 1894 ; Buste de femme (n°389) en 1896 ; Tête de vieillard (n°349) et Tête d’enfant (n°350) en 1898.
À la fin du siècle, les Varigard déménagent à Paris et voyagent tout autour du monde. Marguerite se passionne pour la photographie, immortalisant ses pérégrinations sur plusieurs centaines de plaques de verre. Dans la capitale française, elle prend le Marseillais Auguste Carli (1868-1930) comme nouveau professeur de sculpture après le décès de Cordier ; elle photographie d’ailleurs l’atelier du maître en 1906.

Marguerite Varigard, Atelier d’Auguste Carli, photographie sur verre, 1906
Collection particulière

Elle expose au Salon de la Société des artistes français entre 1906 et 1914 : En prière (buste plâtre, 1906, n°3579), En prière (buste bronze, 1908, n°3696), Mlle Marcelle M… (buste plâtre, 1911, n°3862), Portrait de Mlle M..., en Japonaise (buste bronze, 1912, n°4115), Un bon cliché (1914, n°4454). La presse commente quelques-uns de ses envois comme en 1908 : « Un pur et calme sentiment de paix religieuse attire dans En prière, buste en bronze par Mme Varigard. »[3]

Anonyme, Marguerite Varigard dans son atelier avec le plâtre d’En prière, plaques de verre, 1906
Collection particulière

Marguerite Varigard, Portrait de Mlle M… en Japonaise, buste bronze, 1910
Vente Var Enchères (lot 270), Saint-Raphaël, 13 février 2016
Il s’agit du portrait de la soprano Marthe Davelli (1881-1953) dans le rôle de Mme Butterfly. 

Durant sa période parisienne, Marguerite Varigard s’inscrit dans l’Annuaire du commerce Firmin Didot en tant que sculpteur-statuaire. Pour autant, cette volonté de professionnalisme ne convainc pas les principaux commanditaires que sont l’État et les communes : elle ne reçoit aucune commande et même le Monument aux morts qu’elle réalise pour l’église d’Alleins, fief de sa belle-famille, n’est pas un achat mais un don de l’artiste.

Marguerite Varigard, Monument aux morts pour la France 1914-1918, bas-relief, plâtre, 1920
Église d’Alleins (Bouches-du-Rhône)


[1] Les Varigard habitent d’abord boulevard du Nord (n°15 en 1888), puis rue Sylvabelle (n°77 en 1889 et n°108 à partir de 1896). Au demeurant, ils partent en villégiature à Juan-les-Pins, dans leur villa La Girelle.
[2] Anonyme, La Vedette, 24 juin 1893, p.396.
[3] Léon de Saint-Valéry, « La sculpture à la Société des artistes français (suite) », La Revue des beaux-arts, juin 1908, p.3.

jeudi 9 mai 2024

Fontaine d’Amphitrite (Auguste Carli sculpteur)

Fernande de Mertens (1850-1924), Henriette Albrand, huile/toile, 1905
Actuellement en vente sur Le Bon Coin

Fille de l’armateur Joseph Étienne et veuve du docteur en médecine Louis Albrand, Henriette Albrand (1821-1907) connaît une aisance financière dont elle use, à la fin de sa vie, afin de promouvoir les arts. En 1901-1902, elle fait construire par Frédéric Lombard (1850-1906) un petit hôtel sur l’avenue du Prado (n°84, aujourd’hui n°130) pour accueillir le siège de la Société des architectes des Bouches-du-Rhône et les expositions d’art industriel ou d’art décoratif que cette dernière organise. De plus, elle fonde un prix annuel de 500 francs destiné au lauréat d’un concours ouvert aux élèves architectes et aux architectes de moins de 28 ans du département.
En 1904, elle désire à la fois commémorer le souvenir de son père et embellir sa ville natale. Elle choisit pour emplacement de son monument la place Dumarsais aux abords de laquelle l’armateur célébré vécut durant 60 ans. Elle commande une fontaine au sculpteur marseillais Auguste Carli (1868-1930), secondé pour le piédestal du groupe principal par un architecte méconnu (pour ne pas dire inconnu) du nom de Roure. Ce dernier ne figure pas dans l’Indicateur marseillais de 1904. Il est probable que ce soit un étudiant lauréat d’un concours de la Société des architectes des Bouches-du-Rhône ; en effet, un « E. Roure architecte » apparaît dans l’Indicateur marseillais de 1906. Ce choix semble cohérent avec la personnalité de la mécène. Il est donc possible que le projet de fontaine soit antérieur à la sélection du statuaire.

Croquis de la maquette de Carli, Le Petit Marseillais, 3 avril 1904
(exemplaire des Archives municipales de Marseille ; la version numérisée sur www.retronews.fr ne présente pas cet article)

La maquette de Carli est achevée en mars 1904 ; Le Petit Marseillais en publie un croquis dans l’article d’E. Thomas, le 3 avril 1904. Le monument envisagé prévoit 6 mètres de hauteur : au centre d’une bordure en granit formant un carré quadrilobé s’élèvera un piédestal en pierre de Lens sur lequel reposera le motif sculpté fondu en bronze et haut de 2,50 mètres. Quant au devis, il a été soumis par l’artiste à sa commanditaire le 12 mars 1904 : il prévoit un coût de 20 000 francs pour le groupe en bronze et de 15 000 francs pour le piédestal, soit un budget de 35 000 francs.
Par délibération en date du 22 avril 1904, le conseil municipal accepte le don d’Henriette Albrand. Dans la foulée, il décide de rebaptiser la place Dumarsais « place Étienne-Albrand ». Un décret présidentiel, daté du 21 mai, approuve la décision. Néanmoins, cette attention gêne la donatrice plus qu’elle ne la réjouit : en offrant une fontaine monumentale célébrant son père, elle n’entendait pas glorifier son propre nom. Le 24 juin, elle envoie donc à la mairie un courrier exprimant le souhait que son patronyme ne figure pas sur les plaques toponymiques. Sa volonté est aussitôt prise en compte et le lieu devient simplement la « place Joseph-Étienne ».

Projet de modification du terre-plein de la place Dumarsais à l’occasion de l’édification d’une fontaine monumentale – plan (don de Mme Vve Albrand), 8 avril 1904
Archives départementales des Bouches-du-Rhône 7 O 20/87

Le chef de service des travaux neufs pense aménager, au centre de la place Dumarsais, une zone circulaire recouverte de gazon, d’arbustes et de fleurs servant d’écrin au monument. Il prévoit une grille pour défendre l’accès au tapis végétal mais suffisamment discrète pour ne pas nuire à la mise en scène. Le nivellement du terrain induit par ailleurs la suppression d’un mur de soutènement de la chaussée latérale raccordant la rue des Lices à la place. L’espace agrandi sera alors planté d’arbres pour l’agrémenter et offrir de l’ombre aux promeneurs ; en même temps, cela évitera que la fontaine semble écrasée par les maisons alentours. Au demeurant, l’eau doit y arriver en abondance via le bassin d’approvisionnement de la colline Puget, ce qui implique des travaux restreints de raccordement.
La délibération du 22 avril 1904 chiffre et budgétise le coût des travaux à entreprendre pour accueillir le nouveau monument : 6 500 francs sont prévus pour le nivellement de la place Dumarsais et pour la plantation d’arbres ; 3 000 francs sont alloués pour les conduits et appareils de distribution d’eau. Au total, c’est une somme de 9 500 francs qui est imputée au crédit affecté à l’établissement des voies nouvelles.

Marguerite Varigard (1865-1940), Atelier d’Auguste Carli, photographies sur verre, vers 1906
Collection particulière
Élève de Carli, la sculptrice photographie l’intimité de l’atelier du maître en train de tailler un buste tandis qu’un praticien agrandit le groupe principal de la fontaine d’Amphitrite

Au fil du temps, le projet évolue vers une fontaine entièrement en marbre pour un financement de 50 000 francs, sans modification de l’iconographie.
Le groupe principal représente Le Triomphe d’Amphitrite. La déesse de la mer, à demi-nue, débout sur une valve de bénitier, tient son trident de la main gauche et ordonne aux flots déchaînés de se calmer d’un geste impérieux. À ses pieds, le dieu marin Triton, au torse puissant et au bas du corps pisciforme, souffle dans un coquillage pour proclamer la volonté de sa mère. Il y a d’infimes modifications entre la maquette et la réalisation finale. D’abord, l’orientation du trident change : pointé vers le bas à l’origine, l’attribut se dresse finalement vers le ciel. Par ailleurs, la simple écharpe qui cachait pudiquement le sexe de la néréide est remplacée par un drapé plus conséquent. Enfin, une conque se substitue à la trompe originelle du messager.
Quatre larges ouïes, situées sous le groupe, permettent à l’eau de la fontaine de s’écouler dans le bassin. Le sommet du piédestal de section carrée présente des concrétions. Sa base se transforme en quatre rostres de navire antique surmontés d’une tête de bélier. Les bateaux sont enchaînés les uns aux autres par des chaînes et des guirlandes de coquillages. Un cartouche indique leurs noms : Le Cèdre, La Clarisse-Louise, Le Goéland et Le Nicolas Etienne Jeune. Ce sont les possessions de l’armateur, négociant en douelles de tonneaux. La face principale du piédestal accueille la dédicace : à la mémoire / de / Joseph Hippolyte Etienne / 1790-1881 / sa fille / Htte Albrand née Etienne / 1906.

Auguste Carli, Fontaine d’Amphitrite, cartes postales, vers 1906-1910

Le 10 avril 1906, l’architecte Roure demande l’installation de la grille de protection autour de la fontaine comme cela a été prévu dès l’origine. Celle-ci apparaît sur les cartes postales de l’époque. En revanche, on ignore la date à laquelle ladite grille et le parterre végétal ont été supprimés.
Au mois de septembre suivant, le frère du sculpteur – François Carli (1872-1957) – et un groupe de ses admirateurs projettent de faire inaugurer la fontaine à l’occasion de la venue à Marseille du ministre de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et Cultes Aristide Briand. La démarche est entreprise mais le temps compté de l’homme politique ne permet pas d’inscrire l’inauguration au programme. Il fait cependant la promesse de revenir pour remplir cette tâche. L’a-t-il tenue ? La presse locale n’en fait pas mention.

Auguste Carli, Fontaine d’Amphitrite, marbre, 1906 (état actuel)
Place Étienne-Albrand, 7e arrondissement © Olivier Liardet

vendredi 16 février 2024

Héraclès et la léonté dans la sculpture marseillaise

Hier, je suis intervenu dans la classe de CM2 de Grégory Zins, à l’école Maurice Korsec (1er arrondissement), qui participe à un programme d’éducation artistique et culturel. Le thème choisi cette année – qui donnera lieu à la réalisation d’un film documentaire – est Porter la flamme : Marseille 2024, année olympique. Mémoire vive, mémoire à venir
Mon intervention portait sur les images d’athlètes antiques et modernes dans la sculpture marseillaise, en tout premier lieu Héraclès/Hercule. En effet, le demi-dieu est censé être l’inventeur des jeux olympiques ou plutôt des jeux panhelléniques puisque, dans l’antiquité, plusieurs cités grecques organisaient ce type de manifestations : Olympie (jeux olympiques), Delphes (jeux pythiques), Corinthe (jeux isthmiques) et Némée (jeux néméens). D’ailleurs, la ville de Némée, en Argolide, est directement impliquée dans le mythe, étant donné que le premier des douze travaux du héros s’y déroule : vaincre le Lion de Némée qui semait la terreur dans la région. Héraclès remporte le combat et la peau du félin – la léonté – devient son principal attribut.

Pierre Puget (1620-1694), Hercule gaulois, statue, marbre, 1661-1662
Musée du Louvre, Paris

Le sculpteur marseillais réalise cette œuvre pour le surintendant des Finances Nicolas Fouquet (1615-1680). Il ne représente pas un épisode précis ; il choisit un moment plus trivial et figure Héraclès en athlète au repos. Seules la massue et la léonté permettent l’identification du personnage mythologique.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, certains bourgeois phocéens optent de placer la tête d’Héraclès, coiffée de la léonté, au-dessus de la porte d’entrée de leur immeuble ou hôtel particulier. C’est un moyen de s’attribuer la force herculéenne du fils de Zeus et de signifier au passant : ici vit quelqu’un de puissant, que ce soit par sa fortune ou par son pouvoir politique.

Anonyme, Héraclès à la léonté, XVIIIe siècle
6, place des Augustines (2e arrondissement)


Anonyme, Héraclès à la léonté, XVIIIe siècle

40, La Canebière (1er arrondissement)


Adolphe Royan (1869-1925), Héraclès à la léonté, 1889

1, rue Colbert (1er arrondissement)


François Roume (1873-1960), Héraclès à la léonté, 1900

255, rue Paradis (6e arrondissement)


Au demeurant, plusieurs personnages féminins peuvent accaparer les attributs d’Héraclès. C’est le cas de la reine de Lydie Omphale dans les différentes versions qu’en donne le sculpteur marseillais Auguste Carli (1868-1930 – cf. notice du 8 mars 2021).

Auguste Carli, Omphale, statue, pierre, Salon des artistes français, 1923 (carte postale)
Jusqu’en 2021, la statue décorait le parc d’une bastide de Saint-Barnabé (13e arrondissement)


C’est également le cas de l’allégorie de La Force du sculpteur aixois Marius Ramus (1805-1888). L’artiste reçoit cette commande pour l’ornementation arrière du Palais de Justice en 1860 moyennant 6 000 francs. La sculpture, achevée en 1862, déplut par sa lourdeur. Il est vrai qu’elle fait un peu femme des cavernes avec sa massue et la dépouille léonine sur sa poitrine !

Marius Ramus, La Force, haut-relief, pierre, 1862

Façade arrière du Palais de Justice, rue Grignan (6e arrondissement)

dimanche 26 novembre 2023

Vente aux enchères

Chaque année, à l’automne, la maison parisienne Crait + Müller propose une importante vente aux enchères de sculpture. La prochaine aura lieu à l’Hôtel Drouot, salle 10, le 8 décembre 2023. Cette année encore, plusieurs sculpteurs marseillais sont représentés.

Lot 66 : Auguste Carli, La lutte de Jacob avec l’ange ou Esprit et Matière
Bronze à patine brune fondu par A. Planquette, H. 75 cm – estimation : 2800/3500 €

Auguste Carli (1868-1930) réalise vers 1901 une première version du groupe avec un ange aux ailes déployées. En 1902, il envoie au Salon des artistes français un plâtre colossal (3,65 m) qui obtient une médaille de 1ère classe conjointement avec le marbre du Christ et Sainte Véronique. L’œuvre est acquise par un collectif d’amateurs et d’amis qui l’offre au musée des beaux-arts de Marseille.
Deux fondeurs vont éditer des réductions de la sculpture. Susse frères réalise une version de 1,03 m de haut ; A. Planquette propose une taille plus modeste de 75 cm. Quoi qu’il en soit, ces éditions datent vraisemblablement du début de l’Entre-deux-guerres, au moment où Carli exécute une version en bronze haute de 3,20 m pour la république du Paraguay (1918).

Lot 126 : Thomas Cartier, Chat persan à la pelote
Bronze à patine brun clair nuancé de vert, H. 14,5 cm – estimation : 600/800 €

Lot 127 : Thomas Cartier, Chat angora au collier
Bronze à patine brun clair H. 16 cm – estimation : 800/1000 €

Lot 128 : Thomas Cartier, Chat angora
Bronze doré, H. 14,5 cm – estimation : 700/800 €

Thomas Cartier (1879-1943) se spécialise dans la sculpture animalière qu’il expose assidument au Salon des artistes français entre 1904 et 1935. Dès ses débuts, il présente des chats. Ainsi, en 1908, il obtient une mention honorable pour un Chat se léchant (statuette bronze) associé au groupe en plâtre Agonie et, en 1912, il montre un Chat persan en céramique dans la section d’art décoratif.

Lot 130 : Gustave Guétant, Chat à la toilette
Bronze à patine brune, cire perdue de C. Valsuani, H. 8,8 cm – estimation : 1200/1500 €

Le cachet du fondeur Claude Valsuani, actif de 1908 à 1923, est conservé par son fils et successeur Marcel Valsuani. De fait, ce Chat à la toilette de Gustave Guétant (1873-1953) est probablement postérieur à 1923 puisque le Marseillais se tourne tardivement vers la sculpture animalière : dans les années 1930, il expose essentiellement des lions et des lionnes.

Lot 180 : Marcel Damboise, Portrait de Danielle Damboise
Tête en marbre sur une base en bois naturel, H. 19 cm – estimation : 3000/4000 €

Crait + Müller disperse depuis plusieurs années le fonds d’atelier de Marcel Damboise (1903-1992). Cette fois, il s’agit d’une petite tête en marbre blanc. Il s’agit d’un portrait de Danielle, la fille de l’artiste. Cette petite œuvre rappelle que Damboise, issu d’une modeste famille marseillaise, a abandonné sa formation à l’École des beaux-arts pour devenir tailleur de pierre.

samedi 21 octobre 2023

Gaston Cadenat

Un sculpteur rare en ventes publiques passe prochainement aux enchères. C’est l’occasion de donner la notice que je lui ai consacrée dans le Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur :

Cadenat Gaston Jules Louis (Marseille, 26 juin 1906 – Clichy, Hauts-de-Seine, 14 juin 1966), sculpteur

Élève d’Auguste Carli (1868-1930), Jules Coutan (1848-1939), Paul Landowski (1875-1961) et Marcel Gaumont (1880-1962), il obtient le 2e second prix de Rome en 1930 avec une statue, Le Lanceur de javelot.

Gaston Cadenat, Débardeurs, bas-relief, plâtre, 28,5 x 62 cm, vers 1935
Hôtel Drouot, 7 novembre 2023 (maître Nicolas Nouvelet, lot 260, estimation 200€-300€)

Par ailleurs, il expose au Salon des artistes français entre 1930 et 1935 : il y obtient des médailles de bronze (Réveil, n°3327, statue, plâtre) et d’argent en 1935 (Débardeurs, n°3287, bas-relief).

Gaston Cadenat, Archer, statuette, bronze à cire perdue, 1933
Réserves des musées de Marseille, 3e arrondissement

En outre, la ville de Marseille y acquiert en 1933 sa statuette en bronze d’Archer (n°3828). Il reçoit également plusieurs commandes : des bas-reliefs pour le palais de Chaillot (Paris, 1937), un Athlète en pierre pour le stade de Puteaux (Hauts-de-Seine, 1946), une Sirène en terre cuite pour Fréjus (1949-1951), La Marne pour le pont de Nogent (haut-relief, vers 1960)... Pour sa ville natale, il réalise un bas-relief intitulé Jeux de Sirènes (50 rue de Rome, 1954), des décors en céramique pour le hall d’un immeuble de la Reconstruction (lequel ?) et le chemin de croix en céramique de l'église de Saint-Mitre (13e arrondissement).

Gaston Cadenat, Jeux de Sirènes, bas-relief, pierre, 1954
50 rue de Rome, 6e arrondissement

Gaston Cadenat, Neptune et trois sirènes, bas-relief, céramique
2e arrondissement

Gaston Cadenat, Héros et deux chevaux marins, bas-relief, céramique
2e arrondissement

Gaston Cadenat, Deux sirènes, bas-relief, céramique
2e arrondissement

Gaston Cadenat, Naïade sur un cheval marin, bas-relief, céramique
2e arrondissement

mardi 7 février 2023

Formation et carrière des sculptrices marseillaises aux XIXe et XXe siècles - 2

Joséphine Mouren-Bontoux, Portrait de femme, médaillon, terre cuite
Vente aux enchères (lot 157), Brescia (Italie), 13 octobre 2020

Étrangement, Sophie Clar ne participe pas aux manifestations artistiques phocéennes, à la différence des quelques sculptrices présentes dans la métropole méditerranéenne à cette époque. Par exemple, la Marseillaise Joséphine Mouren-Bontoux (1832-1897), fille du professeur de sculpture à l’école municipale des beaux-arts Antoine Bontoux (1805-1892) et épouse du sculpteur Jean-Baptiste Mouren (1833-1900), expose ponctuellement des portraits en médaillon. En 1886, on la croise au concours régional de Marseille (n°511- Mlle E. S.) ou dans la vitrine d’Henri Wooght[1] (Antoine Bontoux, « belle figure de ce vieillard de 83 ans, encore pétillante de gaieté »[2]).
Pour autant, durant les deux dernières décennies du XIXe siècle, la formation de statuaire n’est guère accessible aux femmes : si l’école des beaux-arts de Marseille crée une classe pour les demoiselles en 1882, la sculpture ne fait pas partie de leur cursus[3]. De fait, les pratiquantes de cet art appartiennent soit à la famille d’un sculpteur, soit à la grande bourgeoisie. En effet, les membres de l’élite, cosmopolite et touche-à-tout, ont les moyens financiers de prendre des cours particuliers auprès d’un maître.

Marie Fournier del Florido, Tête d’enfant, pastel, 1902-1903
Musée Gassendi, Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence)

Marie Fournier del Florido[4] (1858-1935) est de celles-là. À la fin du siècle, elle partage son temps entre Paris, l’Italie et la Villa Florido (chemin du Roi d’Espagne, à Mazargues). Peintre, illustratrice et poétesse, elle s’essaye au modelage auprès d’un artiste catalan, Josep Cusachs (1851-1908). Ses rares œuvres sculptées connues sont mentionnées dans les catalogues d’expositions de l’Association des artistes marseillais[5] au côté de ses peintures et de ses dessins : L’hiver (bas-relief, n°299) et le Portrait d’Armand Duboul (buste ?, n°300) en 1897 ; Menu : Fillette au plat (terre cuite, n°344 ) et Menu : Jeune femme buvant (terre cuite ?, n°345) en 1898 ; Fronton de chapelle (terre cuite, n°176) en 1900.

Marguerite Varigard, Portrait de Mlle M. en Japonaise, buste, bronze, 1910
Salon de la Société des artistes français de 1912, n°4115
Vente Var Enchères (lot 270), Saint-Raphaël, 13 février 2016

Pour sa part, Marguerite Varigard[6] (1865-1940) réside à Marseille entre 1888 et 1898[7] où elle fréquente le meilleur monde. Parallèlement, elle se perfectionne à la peinture auprès de la très mondaine Fernande de Mertens (1850-1924), présentant même à l’Exposition des Dames organisée par le Cercle artistique en 1893 un « ravissant tableau […] d’une excellente composition, d’une venue bien personnelle et d’un dessin très correct, c’est une œuvre qui dénote une nature des mieux douées et vraiment artistique »[8]. Toutefois, sa prédilection va rapidement à la sculpture qu’elle apprend successivement avec Charles Cordier (1827-1905) et Auguste Carli (1868-1930). Elle exhibe dès lors des portraits aux manifestations de l’Association des artistes marseillais : Mme C. C. (buste, n°394) et Mlle M. (bas-relief, n°395) en 1894 ; Buste de femme (n°389) en 1896 ; Tête de vieillard (n°349) et Tête d’enfant (n°350) en 1898. Cette vocation se poursuit à Paris où elle participe au Salon de la Société des artistes français entre 1906 et 1914.

Marguerite Varigard, Monument aux morts pour la France 1914-1918, bas-relief, plâtre, 1920
Église d'Alleins (Bouches-du-Rhône)

Durant sa période parisienne, Marguerite Varigard s’inscrit dans l’Annuaire du commerce Firmin Didot en tant que sculpteur-statuaire. Pour autant, cette volonté de professionnalisme ne convainc pas les principaux commanditaires que sont l’État et les communes : elle ne reçoit aucune commande et même le Monument aux morts qu’elle réalise pour l’église d’Alleins, fief de sa belle-famille, n’est pas un achat mais un don de l’artiste.

Berthe Girardet, La Vieille (Femme de l’Oberland bernois), buste, terre cuite, vers 1900
Un exemplaire actuellement en vente sur Ebay

Berthe Girardet[9], née Imer (1861-1948) appartient elle aussi à la meilleure société. Fille d’un Suisse importateur de pétrole[10] et d’une Américaine, elle vit dans l’aisance. Elle se forme à la sculpture auprès d’Émile Aldebert (1828-1924), alors professeur à l’école municipale des beaux-arts, et exhibe ses œuvres aux expositions de l’Association des artistes marseillais : Tête d’étude (n°349) et Femme arabe (n°350) en 1890 ; Vieille Génoise (buste, plâtre, n°475), Pêcheur du Tréport (buste, plâtre, n°476) et Étude d’enfant (buste, plâtre, n°477) en 1891 ; Impression d’enfant (esquisse, plâtre, n°456) et Dénicheur d’oiseaux (buste, plâtre, n°457) en 1892. Dès ses débuts, on note un intérêt pour l’enfance et pour les types ethniques qui l’accompagneront tout au long de sa carrière. Aussi, la Vieille Génoise – dont l’iconographie est aujourd’hui inconnue – fait-elle écho par son intitulé à La Vieille femme de l’Oberland bernois dont le plâtre lui vaut une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1900 (n°9 de la section suisse de sculpture).

Berthe Girardet, L’Enfant malade, groupe, marbre, 1904
Dépôt du Petit Palais (Paris) au musée de la Médecine (Rouen) en 2022 

Berthe Girardet, La Bénédiction de l’aïeule, groupe, grès flammé de Sèvres, 1904
Musée Petiet, Limoux (Aude)

Dans le paysage culturel phocéen, Berthe Girardet fait exception en abordant très tôt son art comme une profession plutôt que comme un hobby. D’ailleurs, dans le couple qu’elle forme avec le peintre-graveur Paul-Armand Girardet (1859-1915), c’est elle qui revendique le statut d’artiste tandis que son époux se dit dilettante. Ses prétentions se justifient par ses prix dans les expositions, par ses achats et commandes publiques : ainsi, au même Salon de la Société des artistes français de 1902, la ville de Paris lui achète le plâtre de L’Enfant malade (n°2513) et lui réclame sa traduction en marbre tandis que l’État acquiert La Bénédiction de l’aïeule (n°2514) pour la traduire en grès[11].

[1] Henri Wooght tient une boutique de fournitures pour artistes au 22 rue de la Darse (aujourd’hui rue Francis-Davso). Il expose régulièrement dans sa vitrine, à l’instar d’autres boutiquiers du quartier Saint-Ferréol, les œuvres de ses clients. La presse locale en rend compte régulièrement.
[2] Anonymes, « Nos vitrines », La Vedette, 20 novembre 1886, p.734.
L’auteur commet deux erreurs en faisant de Joséphine Mouren-Bontoux la petite-fille de son modèle et en vieillissant celui-ci de deux ans.
[3] L’école des beaux-arts de Marseille accueille les femmes à partir du 15 décembre 1882. À la fin du siècle, les demoiselles s’y initient au dessin, puis progressivement à la peinture, aux arts décoratifs et à la céramique.
[4] On ignore le nom de jeune fille de cette Marseillaise qui épouse en Italie Fiorillo Fournier del Florido, un Napolitain d’origine lyonnaise.
[5] L’Association des artistes marseillais est fondée en 1888. Elle organise vingt-cinq expositions entre 1889 et 1924.
[6] Née Marguerite Castang à Alès (Gard), elle y épouse Léon Varigard (1857-1914), entrepreneur en travaux publics et fils du maire d’Alleins (Bouches-du-Rhône), le 21 octobre 1884.
[7] Les Varigard habitent d’abord boulevard du Nord (n°15 en 1888), puis rue Sylvabelle (n°77 en 1889 et n°108 à partir de 1896). Par la suite, ils déménagent à Paris et partent en villégiature à Juan-les-Pins, dans leur villa La Girelle.
[8] Anonyme, La Vedette, 24 juin 1893, p.396.
[9] Cette marseillaise a fait l’objet, l’an passé, d’une remarquable étude qui devrait être publiée prochainement : Sandrine Dequin, Berthe Girardet, née Imer (1861-1948). Une sculptrice portant un regard empreint d’un dévouement familial, religieux et philanthropique sur la réalité, mémoire de master 2, École du Louvre, mai 2022.
[10] L’entreprise Imer Frères, fondée à Marseille en 1808 par le grand-père de la sculptrice, s’illustre d’abord dans le commerce du textile. Son père et son oncle réorientent ses activités : elle devient, en 1863, Imer, Fraissinet & Baux – Compagnie générale des pétroles pour l’éclairage et l’industrie.
[11] L’Enfant malade en plâtre est acheté 1 500 francs le 9 juillet 1902 ; la commande du marbre est effectuée le 25 avril 1903 moyennant 3 500 francs. La Bénédiction de l’aïeule est acquise pour 2 500 francs, ce prix comprenant sa traduction en grès officialisée le 4 février 1904.