samedi 30 octobre 2021

Les grilles du parc Chanot (Joseph Lajarrige architecte)

En février 1923, Adrien Artaud (1859-1935) – député de Marseille et commissaire général de l’Exposition coloniale qui vient de s’achever – décide d’ouvrir un concours à tous les architectes et ferronniers d’art français pour le projet définitif de grilles et d’entrée monumentale du parc des expositions au rond-point du Prado. Un budget de 800 000 à 900 000 francs est envisagé pour cet ouvrage.
Le programme du concours est mis à la disposition des compétiteurs le 12 février pour un rendu fixé au 31 mars, dernier délai. 
Le jugement du concours est rendu à la fin du mois d’avril. Trois primes (6 000, 5 000 et 4 000 francs) étaient initialement prévues pour gratifier les trois meilleurs projets. Cependant, étant donné la haute tenue de la compétition et la qualité des concurrents, une quatrième prime (3 000 francs) est décernée. Celle-ci récompense trois lauréats du prix de Rome, encore pensionnaires de la villa Médicis : les architectes Jacques Carlu (1890-1976) et Robert Giroud (1890-1943) ainsi que le sculpteur Alfred Janniot (1889-1969). La troisième place revient Marius Dallest (1880-?), architecte à Marseille et au ferronnier Edgar Brandt (1880-1960) qui deviendra l’un des chantres de l’art déco.

Georges Feray et Joseph Hiriart, Projet de grilles pour le parc Chanot, 1923
Ensemble et porte centrale
Publié dans La construction moderne, 27 avril 1924

Le deuxième prix échoit Georges Feray (1892-1965) et Joseph Hiriart (1888-1946), architectes à Paris, en collaboration avec les ferronniers d’art de l’atelier parisien Schwartz-Haumont et Claude Gros, serrurier constructeur à Marseille.

Joseph Lajarrige et Louis Trichard père et fils, Projet de grilles pour le parc Chanot, 1923
Document publié sur Twitter par le journaliste David Coquille (@DavidLaMars)

Quant aux lauréats du concours, il s’agit de l’architecte marseillais Joseph Lajarrige (1892-?) et Louis Trichard père et fils, ferronnier d’art à Marseille. C’est à eux que revient la réalisation des grilles, d'un goût très art déco avec ses paons et ses corbeilles de fruits stylisées. Toutefois, Louis-Joseph Trichard (1861-1923) décède le 7 novembre de la même année, laissant à son fils Louis Trichard (1893-?) la charge de la construction.

Ouvriers devant le chantier des grilles, photographie, 1924

Adrien Artaud et Siméon Flaissières à l’inauguration des grilles, photographie, 9 mars 1924
Documents publiés sur Twitter par le journaliste David Coquille (@DavidLaMars)

Le 9 mars 1924, Adrien Artaud remet officiellement les nouvelles grilles du parc Chanot au maire Siméon Flaissières (1851-1931) pour leur inauguration solennelle.

Joseph Lajarrige et Louis Trichard père et fils, Grilles du parc Chanot, fer forgé, 1924
Signatures et vues de détail

mercredi 20 octobre 2021

Joseph Frugoni

Josyane et Jean-Louis Bessière, L’Ange et la Madone.
La guerre des monuments aux morts, 2021

J’ai reçu ce mois-ci un livre de Josyane et Jean-Louis Bessière consacré à l’érection des deux monuments aux morts de Fontès (Hérault), l’un érigé par le curé et l’autre par la mairie anticléricale. Si je parle de ce livre, c’est que le sculpteur du bas-relief placé dans l’église – Joseph Frugoni (1854-1923) – est actif à Marseille à la Belle Époque.

Acte de décès de Joseph Frugoni
Archives municipales de Marseille

Jusqu’à dernièrement, on ne connaissait de cet artiste que ses années d’activité dans la cité phocéenne. À la demande des auteurs du livre, j’ai effectué des recherches aux archives municipales de Marseille où j’ai découvert son acte de décès et d’autres actes concernant ses descendants. Grâce à cela, il est désormais possible d’étoffer sa biographie.
Giuseppe Frugoni naît en Italie, dans la province de Massa-Carrara où se trouvent Carrare et ses célèbres carrières de marbre blanc, le 27 avril 1854. Il est le fils de Luigi Frugoni, un sculpteur ; c’est probablement auprès de son père qu’il se forme au métier.
Il est difficile de savoir précisément les raisons de son émigration en France. Elles sont vraisemblablement économiques. Son départ s’effectue à la toute fin du XIXe siècle. Il est alors marié et père d’au moins un enfant, Umberto Frugoni, né à Carrare le 21 novembre 1884. Très probablement, il trouve du travail dans l’une des nombreuses marbreries marseillaises ; la présence des marbriers Ermenegildo Garibaldi et Esprit Fossati parmi les témoins d’Umberto lors de son mariage en 1907 avec la fille de Charles Pesetti, un autre marbrier, le laisse supposer.

Joseph Frugoni, Danseuse au voile, marbre
Vente chez maître Damien Leclère, à Marseille, le 24 juin 2015

Joseph Frugoni, Diane, marbre
Vente chez maître Sophie Himbaut, à Aix-en-Provence, le 10 novembre 2017

Joseph Frugoni, Enfant souriant au chapeau de paille, marbre
Collection Josyane et Jean-Louis Bessière

Giuseppe Frugoni francise son prénom en Joseph et apparaît pour la première fois dans l’Indicateur marseillais en 1897. Il se présente alors comme sculpteur. Son atelier se situe au 101, rue Saint-Pierre. Il produit essentiellement des statuettes et des portraits pour une clientèle privée. Il réalise sans doute également des monuments funéraires pour les cimetières. Enfin, il est l’auteur de monuments aux morts. Il reçoit la commande de celui de Fontès en 1919 – le curé avait déjà fait appel à son talent pour la taille de deux anges de marbre pour encadrer l’autel en 1915 – moyennant 3 200 francs ; l’inauguration a lieu le 2 août 1920. L’année suivante, il exécute celui de Lourmarin, dans le Vaucluse, dont le coût total s’élève à 15 140 francs ; le monument est inauguré en septembre 1921.

Joseph Frugoni, Monument aux morts, bas-relief, marbre, 1920
Église de Fontès, Hérault (carte postale)

Joseph Frugoni, Monument aux morts, statue, marbre, 1921
Lourmarin, Vaucluse (carte postale)

dimanche 10 octobre 2021

Les sculptures présentées dans l’exposition « Marseille l’Italienne »

J’ai visité hier la nouvelle exposition des archives municipales intitulées Marseille l’Italienne. Certes, elle est petite ; les lieux ne se prêtent pas à des expos-fleuves. Pour autant, elle est passionnante. J’ai été très intéressé notamment par les traités passés entre la cité phocéenne et plusieurs villes-états italiennes au moyen-âge.
L’exposition présente essentiellement des documents d’archives. Néanmoins, elle compte quelques sculptures :

Jules Latil, Dominique Piazza, médaillon, bronze, 1919
Archives municipales de Marseille

Le graveur marseillais Jules Latil (1868-1934) – officier de l’Instruction publique, installé au 46 rue Vacon à partir de 1897 – est sollicité en 1919 pour portraiturer Dominique Piazza (1860-1941). Ce fils d’immigré sarde devient un entrepreneur prospère. Il est par ailleurs l’inventeur de la carte postale photographique et le cofondateur de l’association des Excursionnistes marseillais. Pendant la Grande Guerre, avec son association « La Famille », il vient en aide à de nombreux réfugiés. Ces derniers, reconnaissants, offre ledit portrait en médaillon à leur bienfaiteur.

Jules Cantini, Fontaine Cantini, dessin, 1911
Musée des beaux-arts de Marseille

Jules Cantini, Diane, buste en marbres polychromes et porphyre
Musée des beaux-arts de Marseille

Jules Cantini, Femme assise se lamentant, marbre jaune de Sienne
Musée des beaux-arts de Marseille

Parmi les descendants d’Italiens, le marbrier Jules Cantini (1826-1916) est l’un des plus célèbres. Il est représenté dans l’exposition par un dessin de la Fontaine Cantini (partie inférieure) et par deux sculptures polychromes provenant des réserves du musée des beaux-arts.

Jean-Baptiste Dellepiane, Miroir, bois
Collection particulière

L’exposition montre également la production de deux artistes génois qui se forment à l’école des beaux-arts de Marseille : le peintre Davide Dellepiane (1866-1932) et son frère Jean-Baptiste Dellepiane (1864-1946), sculpteur sur bois. Les œuvres de ce dernier sont rarement exposées. C’est dommage car le Miroir d’inspiration art nouveau, avec son décor de libellule et d’ajoncs, est une petite merveille.

César, Main de Gaston Defferre, bronze-
Musée d’art contemporain de Marseille

L’exposition s’achève avec une œuvre méconnue de César Baldaccini, dit simplement César (1921-1998). Il s’agit d’un tirage en bronze du moulage de la main droite de Gaston Defferre (1910-1986). L’œuvre a été offerte à la ville le 18 juillet 2014 par d’Edmonde Charles-Roux (1920-2016), veuve de l’ancien maire de Marseille.