dimanche 24 décembre 2023

La Veille de Noël (Berthe Girardet sculptrice)

Pour fêter Noël sur mon blog, j’ai la sculpture adéquate :

Berthe Girardet, La Veille de Noël, statue, régule à double patine, vers 1898-1901
H. 40 cm – L. 20 cm – P. 26 cm, signée sur la terrasse B. Girardet
Collection personnelle

Berthe Girardet, née Imer (1861-1948), expose au Salon des artistes français de 1898 une statue en plâtre intitulée La Veille de Noël (n°3459). L’œuvre figure un jeune enfant agenouillé près d’un soulier, les mains jointes, le regard baissé dans une attitude de recueillement et d’espérance ; la plinthe de la terrasse s’orne de clochettes, de branches de houx et d’angelots apportant des jouets par les cheminées.
Bien qu’elle soit une figure générique d’enfant et aucunement un portrait, Berthe Girardet a pu être inspirée par une vision de son fils Jean-Paul (1894-1917), surnommé Bob, alors âgé de quatre ans. Le peintre-graveur suisse Paul-Armand Girardet (1859-1915), le mari de la sculptrice, expose à l’exposition de Monaco de 1901 un étain intitulé Le Petit Noël (n°482) ; on peut donc imaginer une inspiration commune des deux époux.
Il est probable que ce régule soit une réduction du plâtre, édité entre le Salon de 1898 et 1901.

samedi 16 décembre 2023

La Vierge de Lequesne dans l’art liturgique

Comme le montre l’exposition qui débute demain – La Bonne Mère de Marseille. Effigies de Notre Dame de la Garde – la Vierge monumentale d’Eugène Lequesne (1815-1887) engendre depuis 150 ans la commercialisation d’une multitude d’objets de dévotion (statuettes, médailles, cartes lithographiées …), de remerciement (ex-voto), de souvenirs plus ou moins kitchs (cartes postales, mugs, boules à neige…). Pour l’exemple, je vous montre le charmant ex-voto sculpté de l’actrice de boulevard Gabrielle Elluini (1849-1922).

D’après Eugène Lequesne, Notre-Dame de la Garde, bronze argenté, marbre et émail, 1881
Collection de la basilique © Xavier de Jauréguiberry

Parmi tous ces produits dérivés, on trouve des vêtements liturgiques et de l’orfèvrerie religieuse ayant appartenu à des prélats, fervents dévots de Notre Dame de la Garde comme Mgr Joseph-Antoine Fabre (1844-1923), évêque de Marseille de 1909 à sa mort. Quelques-uns de ces trésors figurent en bonne place dans l’exposition.

Chasuble blanche de Mgr Fabre, moire de soie peinte, vers 1900-1920
Collection de la basilique © Xavier de Jauréguiberry


Au centre de la croix, l’image de la statue monumentale de Notre Dame de la Garde trône dans les nuées sous le regard d’anges inspirés de la Madone Sixtine de Raphaël (1483-1520).


Étole, drap d’or brodé, fin XIXe-début XXe siècle
Collection de la basilique © Xavier de Jauréguiberry

Ici, le motif de Notre Dame de la Garde est peint à l’aiguille, c’est-à-dire brodé de fils de soie à l’imitation de la peinture.

Berger-Nesme, Bougeoir, aiguière, bassin et crosse épiscopale de Mgr Fabre, vermeil, argent émail et pierres précieuses, 1909-1914
Collection de la basilique © Xavier de Jauréguiberry

Les orfèvre lyonnais Charles-Frédéric Berger et Henri Nesme s’associent entre 1889 et 1924 pour réaliser de l’orfèvrerie sacrée et civile. Cet ensemble somptueux présente trois petites effigies en argent de Notre Dame de la Garde. Par ailleurs, la crosse de style néogothique propose, de l’autre côté de la mandorle en émail rouge, un ange présentant la maquette de la basilique.


Anonyme, Croix pectorale épiscopale, or, émail, améthystes et diamants, début du XXe siècle
Collection de la basilique © Xavier de Jauréguiberry

Cette belle croix à pour particularité de montrer les deux faces de la Vierge de Lequesne.

dimanche 10 décembre 2023

Le concours et l’érection de la statue du clocher de Notre-Dame-de-la-Garde

La Bonne Mère de Marseille, les effigies de Notre Dame de la Garde
Affiche de l’exposition

La Bonne Mère de Marseille, effigies de Notre Dame de la Garde
Couverture du livre

Dimanche 17 février, à 11h30, aura lieu au musée de Notre-Dame-de-la-Garde le vernissage d’une exposition dont je suis l’un des commissaires et la présentation du livre qui l’accompagne : La Bonne Mère de Marseille, les effigies de Notre Dame de la Garde. Dans les deux cas, il s’agit d’évoquer les différentes statues portant le vocable de Notre Dame de la Garde. C’est l’occasion pour moi de revenir aujourd’hui sur le concours qui a opposé trois grands artistes pour l’érection de la Vierge monumentale du clocher.

Le 7 janvier 1866, comme l’on annonce la fin du chantier dudit clocher dans le courant de l’année, un concours restreint est ouvert entre trois sculpteurs parisiens : Eugène Lequesne (1815-1887 ; prix de Rome en 1843), Aimé Millet (Paris 1819-1891) et Charles Gumery (1827-1871 ; prix de Rome en 1850). Leurs maquettes en plâtre sont alors exposées au Musée pendant dix jours pour être soumises au public tandis qu’un jury est constitué et chargé de se prononcer. Les critères du jugement sont précis : être attentif « au caractère éminemment religieux et traditionnel de la statue » et veiller « à la stricte appropriation des lignes et de la silhouette à toutes les convenances optiques imposées par la composition et la situation du monument » (Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 34 J 7).

Charles Gumery, Notre Dame de la Garde, maquette plâtre, 1866
Aimé Millet, Notre Dame de la Garde, maquette plâtre, 1866
Musée, Notre-Dame-de-la-Garde © Xavier de Jauréguiberry

Le jury n’est pas pleinement satisfait des œuvres soumises. Il reproche à l’esquisse n°1 son manque d’ampleur et son style gothique incohérent avec un bâtiment romano-byzantin. Il reconnaît à la maquette n°2 une certaine monumentalité mais ne lui trouve aucun caractère religieux. Il apprécie le projet n°3 pour son sentiment pieux associé à la convenance de la silhouette aux lignes harmonieuses ; la statuette n°3 – celle de Lequesne – l’emporte à condition d’y apporter quelques modifications précisées ultérieurement. La Vierge, d’une grande noblesse, aux drapés réguliers, n’est pas voilée mais possède en contrepartie une longue chevelure ondulée qui renouvelle quelque peu l’iconographie mariale. Elle porte l’Enfant Jésus côté gauche lequel a les bras levés évoquant déjà la croix et les paumes des mains dirigées vers la terre en signe de bénédiction et de protection.

Eugène Lequesne, Notre Dame de la Garde, statuette d’édition en plâtre, vers 1870-1880
Photo, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 34 J 119 © Xavier de Jauréguiberry

Avant toute réalisation, l’architecte Henry Espérandieu (1829-1874) décide d’ériger un simulacre de la statue à l’aide de charpentes, de toiles et de plâtre afin d’en déterminer les meilleures proportions : la statue devra mesurer autour de 9 m. Reste ensuite à choisir la technique de réalisation la plus appropriée. À l’issue d’une enquête menée auprès de savants et d’architectes, on choisit le cuivre galvanoplastique, procédé nouveau mis au point par la maison Christofle. C’est d’ailleurs à cette manufacture parisienne qu’est confiée, en juin 1867, la réalisation de la statue définitive. La statue, constituée d’une épaisseur de cuivre déposée électrolytiquement sur un moulage de gutta-percha, est réalisée en quatre tronçons de 3 à 8 mm d’épaisseur, chacun étant resté trois ou quatre mois dans des cuves de 45 000 litres de galvanoplastie.

Anonyme, Statue monumentale de Notre Dame de la Garde dans les ateliers Christofle, photographie, 4 octobre 1869
Collection de la basilique © Xavier de Jauréguiberry

Puis les tronçons, montés sur une armature, sont acheminés jusqu’à Marseille par chemin de fer. Par une convention du 4 mars 1870, Christofle garantie la statue jusqu’en 1920. Celle-ci est enfin dorée par Mathieu Ferrari, puis montée sur le clocher et bénite par Mgr Place le 24 septembre 1870, jour de la fête de Notre-Dame de la Merci. Elle aura coûté au total 83 169 francs et sera redorée en 1897, 1936, 1963, 1989 et une nouvelle fois en 2024.

Eugène Lequesne, Notre-Dame de la Garde, statue, bronze galvanoplastique, 1869
Collection de la basilique © Xavier de Jauréguiberry