dimanche 22 mars 2020

Francis Warrain

J’ai vu dernièrement en vente une œuvre et une photographie du sculpteur marseillais Francis Warrain dans son atelier. C’est l’occasion pour moi d’étoffer la notice que je lui avais consacrée dans le Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur : en effet, je n’y parlais que de son activité de sculpteur ce qui, au vu de mes connaissances actuelles, s’avère trop réducteur.

Francis Warrain dans son atelier de sculpture, photographie, vers 1900
L’artiste est entouré de moulages ; seule la statuette en terre
sur la sellette à sa gauche semble de sa main.
En vente actuellement sur Ebay pour 65 €

Warrain Francis (Marseille, 10 octobre 1867 – Vasouy, Calvados, 24 février 1940), sculpteur
Il prépare le concours de la Cour des Comptes avant de se tourner vers la sculpture. Élève de Louis Noël (1839-1925) à Paris, il expose au Salon de la Société des artistes français entre 1901 et 1923 : M. de B… (buste marbre, 1901), Mme X… (médaillon marbre, 1902), Brünhild (statue marbre, 1903 – musée des beaux-arts de Marseille), Tête d’ascète (plâtre, 1906), Sainte Cécile et les anges (petit groupe bronze, 1923 – église de Pennedepie, Calvados). Il participe également aux expositions de la Société nationale des beaux-arts : Étude pour une Freia [sic] (bronze) et Tête de jeune fille (1907), Harpiste (statue plâtre, 1908). Par contre, il se fait rare dans sa ville natale : Freya (statuette bronze, Exposition coloniale, 1906). Il est, par ailleurs, l’auteur de la statue de Pierre Berthelot qui orne l’Église Sainte-Catherine de Honfleur.

Francis Warrain, Mme X…, médaillon marbre (D. 25 cm), 1902
En vente actuellement chez un antiquaire de Rennes (La Botte Dorée) pour 690 €

Francis Warrain, Harpiste, statue plâtre, photographie, 1908

Ceci étant, il convient d’ajouter que Francis Warrain appartient à la haute-bourgeoisie marseillaise à l’instar de Charles Delanglade (1870-1952) avec lequel il partage l’amour de la musique wagnérienne[1] et auquel il est apparenté : sa cousine germaine Marie Warrain (1874-1936) est en effet l’épouse du médecin Édouard Delanglade (1868-1917), frère de Charles. Francis Warrain épouse le 12 avril 1888 Alix Baillehache-Lamotte (1866-1943), issue de la noblesse normande. Par sa femme, il devient châtelain du Val-La-Reine, à Vasouy, et se consacre à la mise en valeur de la culture normande.
Parallèlement, son goût pour l’art et l’esthétique le conduit bientôt à la philosophie, puis à la métaphysique et aux mathématiques auxquelles il consacre plusieurs ouvrages. Enfin, engagé volontaire en octobre 1914, il part au front avec le grade de lieutenant et finit la guerre capitaine, honoré de la Croix de guerre et de la Légion d’honneur.


[1] Plusieurs sculptures en témoignent comme Brünhild ou Freya.

mardi 17 mars 2020

Le ciseleur Guérin, graveur en médailles et orfèvre

Pierre Jean, Le maître-orfèvre, huile sur panneau, 37 x 46 cm
Œuvre vendue à Marseille pour 620 € le 15 mars 2020

Avant-hier, le commissaire-priseur François Fleck a vendu aux enchères – via Internet et téléphone pour cause de coronavirus – une huile sur panneau représentant un maître-orfèvre dans son atelier par le peintre Pierre Jean (Noé, Haute-Garonne, 1857 - ?, après 1925), professeur de peinture à l’école des beaux-arts de Marseille. Je pense que le modèle est l’orfèvre, ciseleur et médailleur Jean-Baptiste Guérin (Marseille, 3 juin 1865 - ?, vers 1930).
En effet, il ressemble à un autre portrait du Ciseleur Guérin par Pierre Jean que j’ai eu l’occasion d’acheter il y a quelque temps. Ce second tableau a été exposé à deux reprises au Salon de l’Association des artistes marseillais, en 1908 (n°82 : Le ciseleur Guérin) et en 1913 pour une rétrospective du peintre (n°122 : Portrait de Guérin, ciseleur). C’est l’occasion de parler aujourd’hui de l’œuvre de Jean-Baptiste Guérin

Pierre Jean, Le ciseleur Guérin, huile/toile, 1908
Collection personnelle

Jean-Baptiste Guérin – qui signe ses œuvres J. Guerin – débute sa carrière comme graveur vers 1894. Il produit alors des insignes et des médailles, qu’il frappe et cisèle dans son atelier. Ce sont de petits objets n’excédant pas 5 cm de diamètre. Les particuliers, les clubs divers et variés, la municipalité recourent à son talent pour une commémoration ou un prix à décerner.

Jean-Baptiste Guérin, 25e anniversaire de La Phocéenne
– Société de gymnastique et de tir – 1879-1904, bronze

Jean-Baptiste Guérin, Pierre Puget – École des beaux-arts – Marseille, argent

Jean-Baptiste Guérin, Ernest Reyer – Conservatoire
de musique et de déclamation – Marseille, argent

Peu à peu, son travail de ciselure le conduit à la joaillerie. Il expose alors ses créations dans différentes manifestations artistiques phocéennes du début du XXe siècle : Le Char d’Amphitrite, collier ciselé or, brillants et émaux translucides (Exposition coloniale, 1906, n°1224) ; Collection de bijoux d’art originaux (Salon de l’Association des artistes marseillais, 1908, n°365). Son talent d’orfèvre est très largement salué : « Les bijoux de Guérin, d’une ciselure si fine et d’un cachet d’art si personnel, sont un des grands attraits de la section des arts décoratifs. » (Louis Sabarin, La Vedette, 27 février 1908, p.103) ; « La collection de bijoux d’art ciselés par J. Guérin, passé maître en la délicatissime matière, s’épanouit entre les attractions les meilleures du Salon. » (Elzéard Rougier, Le Petit Marseillais, 27 février 1908). Sa réputation lui acquiert rapidement les honneurs : il est fait officier d’Académie en 1903 puis officier de l’Instruction publique en 1907.
Il n’abandonne pas la frappe de médailles pour autant. Outre sa propre production, il frappe les œuvres de quelques confrères, comme la médaille du Professeur Louis Villeneuve de Charles Delanglade (1870-1952) en 1909. Par ailleurs, durant la Première Guerre mondiale, il émet des monnaies de nécessité pour le compte de la Chambre de Commerce de Marseille ; ces petits jetons, tolérés par le ministère des Finances à l’échelle nationale dès le 16 août 1914, ont pour but de pallier le manque de numéraire pendant le conflit.


Jean-Baptiste Guérin, 5 et 10 centimes, cupro-nickel, 1916

Jean-Baptiste Guérin disparaît de l’Indicateur marseillais en 1931, vraisemblablement suite à son décès. Son domicile et son activité de joaillier sont alors repris par son apprenti et gendre Louis Descoms.

mardi 10 mars 2020

Fabienne Bérengier

Voici une nouvelle notice biographique du Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur :

Fabienne Bérengier dans son atelier, photos, sans date
Archives municipales de Marseille, 30 II 172

BÉrengier Fabienne (Marseille, 25 mai 1900 – Marseille, 25 mai 1975), sculptrice

Petite-fille de Pierre-Marius Bérengier (1808-1876) et fille de Paul Bérengier (1855-1930), tous deux architectes, elle est la dernière représentante d’une famille d’artistes. Elle entre à l’école des beaux-arts de Marseille en octobre 1917 pour apprendre la sculpture. Elle suit alors les cours de dessin de Marie Magaud (1855-1933) et ceux de modelage d’Henri Raybaud (1879-1942). Douée, elle obtient dès 1918 le prix Cantini, premier d’une longue liste. Elle reçoit ainsi la bourse Aletti-Dumoulin, décernée par la Société des beaux-arts de France et d’Outre-Mer, qui lui permet de découvrir l’Afrique du Nord, contrée qui la marque profondément.

Fabienne Bérengier, L’Afrique Occidentale, diorama, 1922
Photo, Archives municipales de Marseille, 30 II 172

La Chambre de commerce fait alors appel à son talent, déjà manifeste, pour illustrer, dans le cadre de l’Exposition coloniale de 1922, des scènes de la vie quotidienne en Afrique Occidentale avec des figures grandeur nature.

Fabienne Bérengier, Africaine avec une céramique sur la tête, bronze
Photos, sans date, Archives municipales de Marseille, 30 II 172

La sculpture ethnographique occupe d’ailleurs une place importante dans son œuvre (Antillaise, Jeune Soudanaise, statues bronze ; Potier arabe, statuette terre cuite…).
Par ailleurs fidèle à une foi religieuse héritée d’une famille très pieuse, elle met son talent au service de l’Église. En 1935, un Saint François d’Assise la représente à l’Exposition catholique de Marseille. Après-guerre, elle supervise les élèves de l’académie Allar – fondée par Marguerite Allar (1899-1974) – pour l’exécution des sculptures en terre cuite de la chapelle Saint-Lucien des Goudes (cachet Atelier Allar-Bérangier). Enfin, elle réalise le monumental Saint Jean Eudes pour l’église du Sacré-Cœur de Marseille.

Fabienne Bérengier, Faune, statue pierre
Photos, sans date, Archives municipales de Marseille, 30 II 172

Pour autant, elle ne néglige pas la commande privée et peut sculpter avec autant de passion une Ondine pour une pièce d’eau du château de Calas ou un Faune pour un jardin à Éguilles. Au demeurant, elle participe au Salon des artistes français à Paris (1930, Nausicaa, statuette plâtre ; 1931 ; 1934 ; 1939) ainsi qu’aux expositions des Artistes provençaux. Plus rarement, elle montre ses sculptures dans  des galeries : chez Jouvène en 1934 avec des peintures de Marguerite Allar et en 1956 avec des œuvres de Louis Audibert (1880-1983) ; chez Sauveur Stammegna en 1970 et 1974.
De nombreux prix jalonnent sa carrière. En 1941, elle est gratifiée du 1er prix des Traditions occitanes avec la statuette d’un Gardian. En 1954, elle obtient le 1er prix du Conseil général des Bouches-du-Rhône. Enfin, en 1971, le prix Gontard et Desplaux la récompense une dernière fois.