dimanche 30 août 2020

Cascade de la colline Puget

Si le Premier Empire aménage la colline Bonaparte en parc paysager, le site fait l’objet de remaniements et d’embellissements conséquents sous le Second Empire. À ce propos, le creusement d’une citerne au sommet de la colline en 1851-1852, à l’instar de celle creusée sous l’actuelle place des Moulins, permet d’envisager la création de jeux d’eau, notamment une spectaculaire cascade, dans l’axe du cours Bonaparte (auj. Puget). Les premiers projets surgissent dès 1855 mais le Conseil municipal se penche plus sérieusement, le 15 juin 1857, sur les plans d’Étienne Delestrac (1817- ?) prévoyant une cascade de rocaille, un bassin de réception ainsi qu’un bassin inférieur, au niveau de la rue, orné de sculptures.

Étienne Delestrac ?, Colline Bonaparte - projet de l’entrée du jardin
Dessin (détail de l’élévation), vers 1857-1859
Archives municipales de Marseille 30 M 3

Delestrac s’associe à Auguste Ottin (1811-1890) pour la partie sculptée. Fin 1858, l’artiste propose une allégorie un peu trop sensuelle pour être de bon goût aux abords de Notre-Dame de la Garde : la déesse de la Fraîcheur sortant des eaux, portée par des génies. Le 2 août 1859, il soumet une nouvelle iconographie plus passe-partout : un groupe de trois enfants chevauchant des dauphins dans une vasque soutenue par trois tritons. Afin d’en favoriser la réalisation, Ottin soumet deux tarifs, l’un à 12 000 francs pour une exécution en pierre tendre et l’autre à 23 000 francs pour une œuvre alliant le marbre et le bronze galvanique. Toutefois, après bien des tergiversations, les élus renoncent à ce décor somptuaire et offrent au statuaire une indemnité de 5 000 francs, le 11 septembre 1862, pour enterrer le projet.

Jean-Barnabé Amy, Fontaine du cours Puget, dessin sur calque, 1881
Archives municipales de Marseille 31 Fi 59

Jean-Barnabé Amy, Fontaine du cours Puget, dessin aquarellé sur calque, 1881
Archives municipales de Marseille, 31 Fi 60

Seuls la cascade et ses deux bassins sont construits. La chute d’eau, saisissant aboutissement d’une scénographie naturaliste qui débute avec le jaillissement d’une source rocailleuse et qui se poursuit avec l’écoulement d’un ru le long des allées pentues, est finalement mise en valeur par l’érection de grilles monumentales, dues à Auguste Gassend (1814-1889) d’après les études de Delestrac. Néanmoins, cela laisse un goût d’inachevé que le sculpteur Jean-Barnabé Amy (1839-1907) souhaite estomper en septembre 1881 : il imagine une fontaine célébrant Pierre Puget, flanqué de la Renommée et de l’Histoire. En vain !

Cascade de la colline Puget
Cours Puget, 7e arrondissement

Le bassin inférieur disparaît à une date incertaine, au XXe siècle, vraisemblablement victime de l’augmentation de la circulation automobile. Quant à l’eau de la cascade, elle chute aujourd’hui avec moins de fracas sur les rochers artificiels.

mercredi 19 août 2020

Fontaine aux oiseaux (Jean-Michel Folon sculpteur)

Aujourd’hui, je vous livre une notice enrichie de mon guide historique des Fontaines de Marseille. 


Jean-Michel Folon, Fontaine aux oiseaux, bronze, 1994
statue et dédicace
Parc Borély, 8e arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry

Au milieu des années 1990, renouant avec la tradition des fontaines d’artistes, la municipalité marseillaise invite plusieurs plasticiens à investir les parcs de la ville afin d’y réaliser des fontaines. Le sculpteur belge Jean-Michel Folon (1934-2005) est l’un d’entre eux. S’adossant à un mur en rocaille du parc Borély, il imagine une fontaine « naturelle » dont le bassin serait parsemé de rochers offrant perchoirs et abris aux oiseaux et autres volatiles du parc. Sur l’un d’entre eux, il dispose une figure humaine grandeur nature : un homme de bronze représenté en pied, vêtu d’un élégant par-dessus et coiffé d’un chapeau, tendant un bras et ouvrant sa main, comme pour inviter les oiseaux à se poser et y picorer une nourriture imaginaire. La dimension poétique de la mise en scène de Jean-Michel Folon est renforcée par la présence d’oiseaux disposés çà et là autour de l’homme et d’un chat qui, sur un rocher voisin, semble guetter les poissons évoluant dans l’eau du bassin. On reconnaît bien là la poésie de cet artiste célèbre pour son générique d’Antenne 2 dans les années 1970.


Jean-Michel Folon, Fontaine aux oiseaux, bronze, 1994
Exemplaire 1/8, étude Kohn, 27 mai 2015

Depuis 1995, les Marseillais profitent de ce chef-d’œuvre dont certains exemplaires ont récemment pulvérisé les records en salle des ventes. Ainsi, le mercredi 27 mai 2015, un exemplaire en bronze à patine verte, grandeur nature (178 x 180 x 130 cm), datée de 1994 et tiré en huit exemplaires par le fondeur Romain Barelier (né en 1964), fils des sculpteurs André Barelier (1934-2021) et Brigitte Baumas (1937-2014), a-t-il obtenu une enchère à 275 440 € frais compris (étude Kohn, record mondial pour Folon). 


Jean-Michel Folon, Fontaine aux oiseaux, bronze, 2000
Exemplaire 4/8, Artcurial, 31 mai 2017

Deux ans plus tard, le 31 mai 2017, une fonte de même format, toujours due au fondeur Romain Barelier mais plus récente, a été adjugée 169 000 € chez Arcurial.

dimanche 9 août 2020

Groupes Louis XIV (Charles Delanglade sculpteur)

En 1911, le banquier marseillais Joseph Bonnasse restructure le parc de sa bastide de sa bastide du Cabot, le château de La Rouvière. Outre la plantation de conifères et le réaménagement des parterres à la françaises, il commande à son oncle par alliance, le sculpteur Charles Delanglade (1870-1952), un ensemble de trois groupes dans le goût du XVIIe siècle pour décorer le grand bassin.
Il s’agit là de la commande monumentale la plus importante de l’artiste. Il commence par le motif central composé d’une jeune femme jouant avec trois enfants. L’œuvre mesure 3,5 m de long sur 1,30 m de profondeur ; quant à la hauteur, elle avoisine les 1,5 m. Le modèle en plâtre est confié à la Société du Val d’Osne pour y être fondu en bronze, au début de l’année 1912, moyennant 6060 francs.

Charles Delanglade, Groupe Louis XIV – Femme et enfants
Modèle plâtre, archives de la Société du Val d’Osne

Charles Delanglade, Groupe Louis XIV – Femme et enfants
Bronze, 83 boulevard du Redon, 9e arrondissement

Les deux groupes complémentaires, de moindre ampleur, sont modelés en 1913. Il figure chacun un enfant et un dauphin. Un premier putto chevauche son poisson, représentation traditionnelle du dauphin dans l’iconographie classique ; le second l’étreint de son bras droit. Les deux groupes mesurent 1,55 m de long pour 0,90 m de hauteur. La Société du Val d’Osne les fond en bronze en janvier 1914 pour 1800 francs.

Charles Delanglade, Groupe Louis XIV – Enfants et dauphins
Modèles plâtre, archives de la Société du Val d’Osne

Charles Delanglade, Groupe Louis XIV – Enfant et dauphin n°1
Bronze, 83 boulevard du Redon, 9e arrondissement

Charles Delanglade, Groupe Louis XIV – Enfant et dauphin n°2
Bronze, 83 boulevard du Redon, 9e arrondissement

Aujourd’hui, le château de La Rouvière a disparu et cédé la place à des barres d’immeubles. Seuls le bassin et ses sculptures gardent encore le souvenir de cette bastide. On sent que ce patrimoine est considéré, mais sa mise en valeur laisse malheureusement à désirer : les spots posés directement sur les bronzes et les tuyaux d’arrosage les transformant en fontaine ne sont pas du meilleur goût et bien trop visibles !