jeudi 22 février 2024

François Roume

L’apparition sur le marché de l’art de deux œuvres de François Roume m’a poussé à approfondir la notice très incomplète, voire erronée (je l’avais baptisé de son second prénom, Antoine), du Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur.

Roume Antoine François (Marseille, 18 mars 1873 – Buenos Aires, Argentine, 1er mars 1960), sculpteur

Fils d’un tapissier d’ameublement et d’une sage-femme, François Roume se marie le 18 juin 1892 avec Estelle Arnaud (1875-1930). Le mariage des deux époux mineurs a pour but d’éviter le déshonneur à une jeune fille enceinte : le 9 janvier suivant naît un fils prénommé Henri (1893-1970). François Roume est alors l’élève d’Émile Aldebert (1828-1924) à l’école des beaux-arts de Marseille. Ainsi, en 1891, remporte-t-il un 1er prix pour une académie d’après l’antique et le prix Cantini du buste d’après nature d’une valeur de 100 francs[1]. Parallèlement, il expose aux expositions de l’Association des artistes marseillais : un Buste, plâtre, en 1891 (sans doute son prix Cantini) et une Tête d’étude, plâtre, en 1893.

François Roume, Héraclès et Hermès, masques décoratifs, pierre, 1900
253-255 rue Paradis, 6e arrondissement

Après ses études artistiques, il entame une carrière de sculpteur ornemaniste. Un exemple de son travail est encore visible sur un immeuble double, aux 253 et 255 rue Paradis, construit par l’architecte Jean Rasonglès (1870-1934). François Roume signe les deux paires de masques mythologiques qui ornent les pilastres sous les bow-windows. Ses interprétations d’Héraclès coiffé de la léonté et d’Hermès coiffé du pétase ailé s’éloignent de la tradition classique.
En 1904, il s’associe à Jules Ollive pour fonder la galerie Roume-Ollive, au 7 boulevard Longchamp. Celle-ci propose des tableaux de maîtres anciens et modernes (expertise, vente et restauration), des bronzes d’art inédits, des cadeaux artistiques en marbre, des bustes, médailles et médaillons sur commande. Sans doute pour promouvoir cette activité, François Roume expose un cadre contenant trois médaillons en bronze, à Paris, au Salon des artistes français de 1905 : Portrait de M. Jules Ollive, son associé ; Portrait de M. Baudouin ; Portrait de M. Roume, un autoportrait. Ces médailles, exposées au Salon toulonnais cette même année, remportent une 1ère médaille et sont commentées dans Art et Soleil (n°15, 1905, p.45) : « Voici, de M. Roume, une série de bronzes hautement expressifs. Le Portrait de l’auteur et M. Baudoin [sic], médailles de bronze brut, sont deux profils énergiquement indiqués et se détachent avec vigueur. Nous pourrions encore citer d’autres envois intéressants du même artiste, si nous n’étions obligés, dans notre compte rendu, d’être aussi bref que possible. »
L’association ne tient pas. Dès 1906, la galerie ne porte plus que le nom de Jules Ollive dans l’Indicateur marseillais. Par ailleurs, François Roume divorce de son épouse en 1908. Enfin, à partir de 1911, il n’apparaît plus dans le même Indicateur marseillais. Il est possible qu’il émigre en Argentine à cette époque même s’il se remarie à Marseille le 15 décembre 1913 avec Éléonore Pellenc ou Pellene. Il pourrait ainsi être le sculpteur Francisco Roume qui déclare, à Buenos Aires, la naissance de son fils Carlos Roume (1923-2009), futur illustrateur, peintre et sculpteur argentin.
François Roume revient périodiquement en France. Dans les années 1930, il loge au moins à deux reprises dans une propriété familiale à Allauch, la Campagne Roume. Il en profite pour exposer au Salon de l’Union des artistes de Provence : trois médaillons (sculpture), un portrait (peinture) et L’Escaillon (étude) en 1933 ; trois médaillons en 1935.

François Roume, Homme nu chevauchant un cheval de labour, groupe, plâtre
Galerie Jamie Mulherron, Lyon

C’est sans doute de cette époque, voire des années 1940-1950, que date les deux sculptures proposées à la vente par le marchand d’art Jamie Mulherron. La première représente un Homme nu chevauchant un cheval de labour. Elle est signée sur la terrasse FA Roume.

François Roume, Gyptis et Protis, groupe, plâtre
Galerie Jamie Mulherron, Lyon

La seconde n’est pas signée mais est plus intéressante par son sujet : Gyptis et Protis. L’iconographie évoque la fondation de Marseille lorsque Gyptis, princesse des Ségobriges, offre la coupe nuptiale au Phocéen Protis. La dot de ce mariage est la terre où sera fondée la cité des colons grecs. Par sa mise en page, l’œuvre doit être rapprochée des projets de monuments réalisés dans les années 1950 par Raymond Servian (1903-1953) ou Louis Botinelly (1883-1962). Peut-être ce sujet-là s’inscrit-il dans une sorte de concours informel pour doter Marseille d’un tel monument.


[1] « La distribution des prix à l’école des beaux-arts », Le Sémaphore de Marseille, 19 juillet 1891.

vendredi 16 février 2024

Héraclès et la léonté dans la sculpture marseillaise

Hier, je suis intervenu dans la classe de CM2 de Grégory Zins, à l’école Maurice Korsec (1er arrondissement), qui participe à un programme d’éducation artistique et culturel. Le thème choisi cette année – qui donnera lieu à la réalisation d’un film documentaire – est Porter la flamme : Marseille 2024, année olympique. Mémoire vive, mémoire à venir
Mon intervention portait sur les images d’athlètes antiques et modernes dans la sculpture marseillaise, en tout premier lieu Héraclès/Hercule. En effet, le demi-dieu est censé être l’inventeur des jeux olympiques ou plutôt des jeux panhelléniques puisque, dans l’antiquité, plusieurs cités grecques organisaient ce type de manifestations : Olympie (jeux olympiques), Delphes (jeux pythiques), Corinthe (jeux isthmiques) et Némée (jeux néméens). D’ailleurs, la ville de Némée, en Argolide, est directement impliquée dans le mythe, étant donné que le premier des douze travaux du héros s’y déroule : vaincre le Lion de Némée qui semait la terreur dans la région. Héraclès remporte le combat et la peau du félin – la léonté – devient son principal attribut.

Pierre Puget (1620-1694), Hercule gaulois, statue, marbre, 1661-1662
Musée du Louvre, Paris

Le sculpteur marseillais réalise cette œuvre pour le surintendant des Finances Nicolas Fouquet (1615-1680). Il ne représente pas un épisode précis ; il choisit un moment plus trivial et figure Héraclès en athlète au repos. Seules la massue et la léonté permettent l’identification du personnage mythologique.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, certains bourgeois phocéens optent de placer la tête d’Héraclès, coiffée de la léonté, au-dessus de la porte d’entrée de leur immeuble ou hôtel particulier. C’est un moyen de s’attribuer la force herculéenne du fils de Zeus et de signifier au passant : ici vit quelqu’un de puissant, que ce soit par sa fortune ou par son pouvoir politique.

Anonyme, Héraclès à la léonté, XVIIIe siècle
6, place des Augustines (2e arrondissement)


Anonyme, Héraclès à la léonté, XVIIIe siècle

40, La Canebière (1er arrondissement)


Adolphe Royan (1869-1925), Héraclès à la léonté, 1889

1, rue Colbert (1er arrondissement)


François Roume (1873-1960), Héraclès à la léonté, 1900

255, rue Paradis (6e arrondissement)


Au demeurant, plusieurs personnages féminins peuvent accaparer les attributs d’Héraclès. C’est le cas de la reine de Lydie Omphale dans les différentes versions qu’en donne le sculpteur marseillais Auguste Carli (1868-1930 – cf. notice du 8 mars 2021).

Auguste Carli, Omphale, statue, pierre, Salon des artistes français, 1923 (carte postale)
Jusqu’en 2021, la statue décorait le parc d’une bastide de Saint-Barnabé (13e arrondissement)


C’est également le cas de l’allégorie de La Force du sculpteur aixois Marius Ramus (1805-1888). L’artiste reçoit cette commande pour l’ornementation arrière du Palais de Justice en 1860 moyennant 6 000 francs. La sculpture, achevée en 1862, déplut par sa lourdeur. Il est vrai qu’elle fait un peu femme des cavernes avec sa massue et la dépouille léonine sur sa poitrine !

Marius Ramus, La Force, haut-relief, pierre, 1862

Façade arrière du Palais de Justice, rue Grignan (6e arrondissement)

dimanche 11 février 2024

Les travaux de la place Castellane

Le prolongement de la ligne 3 du tram jusqu’à La Gaye, dans le 9e arrondissement, perturbe la circulation dans Marseille. L’un des points qui va le plus changer est la place Castellane avec la piétonisation partielle du site. Les travaux débutés en 2023 s’achèveront en 2025. 

Projections du nouvel aménagement de la place
© Métropole Aix-Marseille

Parallèlement à ce chantier, la municipalité phocéenne a voté un budget de 725 000 € pour la remise en eau de la fontaine Cantini. J’espère que cette somme comprend également sa restauration ! Si les sculptures de marbre d’André Allar (1845-1926) sont globalement en bon état, ce n’est pas le cas de sa grille et de ses vases en fonte de fer. Certains vases ont été déposés dans un dépôt municipal ; que ce ne soit pas ad vitam aeternam !

Grilles et vases, fonte de fer, 1911
© Olivier Liardet

D’après un récent article de La Provence, les travaux dureront neuf mois. Souhaitons que cet accouchement en vaille la peine ! J’en profite pour signaler au journaliste qui a rédigé l’article que la fontaine Cantini n’a pas été érigée entre 1911 et 1913 puisqu’elle est achevée et inaugurée le 7 décembre 1911.

La Provence, 29 janvier 2024