jeudi 27 février 2020

Les dégâts de la Commune à la Préfecture des Bouches-du-Rhône

La Préfecture des Bouches-du-Rhône, photos, vers 1870
Collection particulière

Dès le mois d’août 1870, peu après le déclenchement de la guerre franco-prussienne, la cité phocéenne est secouée par des troubles insurrectionnels sporadiques. Dans l’après-midi du dimanche 4 septembre, jour de proclamation de la IIIe République, le peuple se précipite dans la rue Saint-Ferréol en direction de la Préfecture. Sur son passage, il enlève les aigles qui surmontent les hampes des drapeaux. Il investit le bâtiment et s’en prend au symbole du régime déchu : la statue équestre de Napoléon III, sculptée par Eugène Guillaume (1822-1905), chute dans le vide… l’effigie en pied de l’ex-empereur du palais de la Bourse, par Auguste Ottin (1811-1880) ayant été préalablement étêtée.

Bombardement de la Préfecture depuis Notre-Dame de la Garde
le 4 avril 1871, gravure publiée dans L’Illustration

Toutefois, les troubles atteignent leur paroxysme lors de la Commune de Marseille, du 23 mars au 4 avril 1871. En cela, elle suit l’exemple de Paris qui s’insurge, à partir du 18 mars, contre les conditions de l’armistice de janvier 1871 et la nouvelle Assemblée nationale à dominante royaliste et pacifiste. Le 23 mars, un défilé de gardes nationaux dégénère en manifestation ; la foule envahit à nouveau la Préfecture des Bouches-du-Rhône sans effusion de sang et y demeure. Le préfet Paul Crosnier est retenu prisonnier dans ses appartements tandis que le drapeau rouge de la République sociale flotte désormais au balcon d’honneur. Le 28 mars, le général Espivent de la Villeboisnet, chef militaire du département déclare les Bouches-du-Rhône en état de guerre : le 3 avril, il fait marcher ses troupes contre Marseille. La lutte s’engage le lendemain matin. Bientôt, il parvient aux barricades entourant la Préfecture où se sont réfugiés les défenseurs de l’insurrection. Vers midi, il fait bombarder le quartier depuis les hauteurs de Notre-Dame de la Garde ; la Préfecture tombe à l’aube du 5 avril.
Outre les vies humaines perdues, les dégâts matériels sont nombreux. Plus de 280 boulets se sont abattus sur le bâtiment. Les toitures, les façades sont criblées d’impacts ; la statue de Saint Trophime, sculptée par Charles Gumery (1827-1871) pour la façade de la rue Montaux (aujourd’hui Edmond Rostand) se retrouve décapitée.

La Préfecture des Bouches-du-Rhône, photo, vers 1871-1877
(après la destruction de la statue de Napoléon III et avant le percement de la fenêtre)
Collection particulière

Pavillon central de la Préfecture des Bouches-du-Rhône
Boulevard Paul Peytral, 6e arrondissement

Très vite, l’architecte du département Joseph Letz (1837-1890) rédige des rapports sur les dégâts subis. Mais il faut attendre plusieurs années avant que des restaurations soient engagées. Ainsi, Le Sémaphore de Marseille annonce-t-il seulement le 18 septembre 1877 que l’on va percer une fenêtre à l’emplacement de la statue équestre et que son ornementation est confiée à Auguste Royan (1837-1908). Quant au chantier des façades, il échoie à l’entreprise en sculpture, décoration et plâtrerie de Marius Garaudy ; les travaux sont effectués courant 1878.

Affiche du concours pour remplacer la statue de Saint Trophime

Stanislas Clastrier, Charles Barbaroux, pierre, 1895
Préfecture des Bouches-du-Rhône, rue Edmond Rostand, 6e arrondissement

Il faut encore attendre le 27 décembre 1893 avant que l’on se décide à remplacer la statue de Gumery. Cependant, on écarte l’idée de remettre en place une effigie du premier évêque d’Arles. Le choix du révolutionnaire marseillais Charles Barbaroux (1767-1794) apparaît comme un moyen détourné d’évoquer les troubles de la Commune. À l’issue du concours, quatre maquettes sont soumises à l’examen du jury, lequel désigne Stanislas Clastrier (1857-1925) lauréat. L’artiste achève son œuvre en 1895, moyennant 5000 francs.

samedi 22 février 2020

Nouvel accrochage des salles XIXe au Palais Longchamp

Pour fêter le 150e anniversaire de l’inauguration du Palais Longchamp (1869-2019), le musée des beaux-arts a réaménagé les espaces du premier étage consacré à l’art du XIXe siècle et du début du XXe. Évidemment, il n’était pas question de recréer la scénographie de 1910 avec les statues en rang d’oignon et les tableaux aux cimaises.

Palais Longchamp, galerie des sculptures
Carte postale, vers 1910

Toutefois, cela a été l’occasion d’une importante campagne de restauration et de sortir des tableaux et des sculptures qui n’avaient pas reçu l’hommage du public depuis longtemps.

Henri Lombard et Jules Cantini, Hélène
Statue en marbres polychromes et onyx, 1885

Le public est désormais accueilli dès la billetterie par la statue de la reine de Sparte, la belle Hélène, œuvre conjointe du sculpteur marseillais Henri Lombard (1855-1929) et du marbrier Jules Cantini (1826-1916). Cette œuvre hiératique, réalisée à Rome pendant le pensionnat de l’artiste à la Villa Médicis (1884-1888), a récemment triomphée à Paris comme tête d’affiche de l’exposition La sculpture polychrome en France 1850-1910 (musée d’Orsay, 12 juin-9 septembre 2018).

Antoine-Louis Barye, Fauves, groupes en plâtre, vers 1865

À l’étage, l’entrée des salles d’exposition est scandée par deux paires de groupes animaliers. Il s’agit des maquettes des sculptures surmontant les piliers du jardin du Palais Longchamp. Commandées le 24 juin 1864 à Antoine-Louis Barye (1795-1875), elles figurent à gauche un Lion terrassant un bouquetin et un Tigre terrassant une biche puis à droite, un Lion terrassant un sanglier et un Tigre terrassant une gazelle.

Barthélemy Chardigny, Le Mariage samnite, groupe en plâtre, 1802

Dans les salles, parmi les sculptures nouvelles sorties des réserves on trouve Le Mariage samnite de Barthélemy Chardigny (1757-1813), une œuvre néoclassique que le statuaire rouennais expose au Salon de Marseille – où il réside alors – en l’an XI (1803).

André Allar, Hécube et Polydore, bronze galvanoplastique, 1873

Le sculpteur toulonnais André Allar (1845-1926) réalise ce bas-relief, pour sa version en plâtre, à la Villa Médicis en 1871. Il s’agit de l’envoi de sa première année à Rome. Il a choisi un épisode mythologique, tiré des Métamorphoses d’Ovide, figurant Hécube, la reine de Troie, retrouvant Polydore, le plus jeune de ses enfants, mort sur la plage. Ce sujet fait écho à sa propre vie puisqu’il vient de perdre son fils Ernest à peine âgé de trois ans. Le coulage du bronze galvanoplastique est une commande de la ville de Marseille du 7 janvier 1873.

Henri Allouard, Jeune femme Peul, statuette en onyx, verre et pierre, vers 1904

L’artiste parisien Henri Allouard (1844-1929) est célèbre pour ses créations polychromes. Au début du XXe siècle, il conçoit une Jeune femme Peul avec un œil d’ethnologue autant que de sculpteur. C’est une belle surprise que cette statuette !

Henri Lombard, Rosine la Florentine, bronze, vers 1885-1900

Bouclons la boucle avec Henri Lombard et son superbe buste d’Italienne en bronze. Le musée ne sait pas grand-chose de son histoire. Pour ma part, je connais d’autres exemplaires de cette jeune femme, mais de moins belle facture. La fille du sculpteur en conservait un que j’ai pu voir à son domicile en 1995. C’est ainsi que j’ai appris que ce buste s’intitulait Rosine la Florentine. Lombard a certainement rencontré son modèle lors de son séjour romain et l’a repris par la suite à plusieurs reprises.

lundi 10 février 2020

Pierre Puget (Paul Gondard sculpteur)

Cette nouvelle année correspond au quatrième centenaire de la naissance de Pierre Puget (1620-1694). Je reviendrai ultérieurement sur la carrière de cet artiste complet. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est commémoration de l’anniversaire.

Paul Gondard, Pierre Puget, buste en bronze, 1920
H 58 cm – L. 46 cm – P. 23 cm
Collection personnelle

Ainsi, il y a un siècle, à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Pierre Puget, le sculpteur marseillais Paul Gondard (1884-1953) a-t-il réalisé un buste de son glorieux concitoyen. Le modèle en plâtre patiné bronze, conservé dans une collection particulière monégasque, est d’ailleurs daté contrairement à mon exemplaire en bronze.
J’ignore quelle était la destination finale de cette œuvre. En tous les cas, son traitement plastique diffère du reste de sa production par son aspect esquissé. On devine encore les boules de glaise ajoutées ici, écrasées là avant son moulage. Cela contraste fortement avec ses autres portraits, très polis, très lisses.
Paul Gondard considérait cependant ce buste comme une œuvre aboutie et non comme une ébauche. Il a en effet pris soin de la signer, de la photographier (cf. Archives municipales de Marseille 95 II 5), de la fondre en bronze et, concernant mon exemplaire, de lui concevoir un imposant socle sur mesure en noyer massif.

Addenda du 27 mars 2020 : Paul Gondard expose son Étude de Puget en bronze au Salon de lAssociation des artistes marseillais de 1921 (n°388).