jeudi 26 août 2021

Gyptis et Ophélie (Lucy + Jorge Orta sculpteurs)

Dans la programmation de Marseille-Provence 2013 – capitale européenne de la culture, plusieurs projets sculpturaux ont vu le jour. J’ai déjà parlé des Rendez-vous au(x) David(s) (cf. notice du 30 juillet 2021) ; aujourd’hui, j’ai décidé de présenter Le Chemin des fées – et plus particulièrement la statue d’Ondine – du Studio Orta.
Il s’agit d’une initiative conjointe des Nouveaux commanditaires de la Fondation de France et de l’association Rives et Cultures qui anime la vie culturelle de la vallée de l’Huveaune. La commande est passée à un couple d’artistes internationaux alors installé à Paris, Lucy (née en 1966 à Sutton Coldfield, Royaume-Uni) et Jorge Orta (en 1953 à Rosario, Argentine). Ceux-ci fondent en 1992 le Studio Orta et signent leurs œuvres  Lucy + Jorge Orta.
Le Chemin des fées constitue un parcours de cinq sculptures disséminées le long de l’Huveaune, petit fleuve côtier se jetant dans la Méditerranée à Marseille. Ces statues féminines représentent des génies protecteurs de la nature contemporains inspirés par les légendes et les récits locaux. On trouve ainsi Marie, la fée de la source, à Saint-Zacharie ; Ubelka, la fée du pont, à Auriol ; Manon, la fée des berges, à Aubagne. Quant à la cité phocéenne, elle accueille deux figures pour la fin du parcours.

Lucy + Jorge Orta, Gyptis, aluminium polychrome, 2012
Anciennement dans le Parc du vieux moulin, 75 Traverse de la Roue, 10e arrondissement

La première des fées marseillaise s’appelle Gyptis. Elle évoque la fondation de Marseille, née de l’union de la princesse celto-ligure Gyptis et du navigateur grec Protis. Les sculpteurs Lucy + Jorge Orta en ont fait un symbole d’accueil et de fraternité. La statue apparaît impassible et sereine en attendant l’arrivée de ses hôtes. Par ailleurs, dans le cycle de l’eau, elle est associée à la condensation, quand la vapeur d’eau devient rosée.
Cette sculpture est la première à être érigée sur les berges du cours d’eau. Elle est inaugurée le 13 octobre 2012, à l’occasion de la Fête de l’Huveaune. Malheureusement, elle est volée dans la nuit du 26 au 27 mai 2014. Un appel aux dons a été lancé dans la foulée pour financer une nouvelle fonte de la figure d’aluminium. J’avoue ne pas avoir eu le courage de me rendre à Saint-Loup pour voir si elle avait retrouvé sa place ; j’en doute cependant.

Lucy + Jorge Orta, Ophélie, aluminium polychrome, 2013
Parc Borély, 8e arrondissement

La dernière fée, celle du lac, se nomme Ophélie. Elle renvoie au mythe d’Ophélie, héroïne du Hamlet (1603) de William Shakespeare (1564-1616). Ici, la jeune femme ni ne sombre dans la folie, ni ne se noie ; sensible à la pollution, elle se penche sur les eaux lacustres comme pour les purifier avant qu’elles ne s’écoulent vers la Méditerranée. Dans le cycle de l’eau, elle représente l’évaporation. De fait, elle incarne également un retour aux origines : l’eau chauffée par le soleil s’évapore pour retomber plus tard en pluie et former de nouvelles rivières.

jeudi 19 août 2021

Couronnement du palais de la Bourse (Armand Toussaint sculpteur)

Le 11 août 1857, la Chambre de Commerce entérine le choix des sculpteurs devant décorer le palais de la Bourse construit par Pascal Coste (1787-1879). Le Parisien Armand Toussaint (1806-1862) reçoit une commande globale de 38 000 francs, répartie comme il suit : 25 000 francs pour la réalisation de la frise sise derrière la colonnade (cf. notice du 3 décembre 2018 – L’imaginaire du Canal de Suez dans la sculpture marseillaise 1) et 13 000 francs pour le couronnement de l’attique.

Armand Toussaint, Poséidon et Amphitrite, fronton, pierre, 1860
Palais de la Bourse, 9 La Canebière, 1er arrondissement

Toussaint commence le chantier par les figures du couronnement de l’attique, soit un fronton (Poséidon et Amphitrite dit aussi L’Océan et la Mer) et deux acrotères (Amours). Ses praticiens travaillent sur place à partir de mai 1859 ; le sculpteur, lui, descend à Marseille le 5 septembre et achève le couronnement le 9. Toutefois, il ne signe et date ses œuvres à l’extrême fin du chantier : A. Toussaint 1860.

Armand Toussaint et Félix Guis, Amour, acrotère, pierre et béton, 1860/vers 1945-1950
Palais de la Bourse, 9 La Canebière, 1er arrondissement

En août 1944, alors que Marseille se libère du joug nazi, plusieurs obus endommagent le palais de la Bourse, notamment les Amours des acrotères. La Chambre de Commerce sollicite le sculpteur Félix Guis (1887-1972) pour restaurer les deux sculptures… sans doute dans l’urgence au vu de la méthode employée. L’Amour de droite, défiguré, est affublé d’un masque en béton aux traits figés, voire grotesques, loin de la joliesse que Toussaint apporte à ses putti.

Armand Toussaint, La Force, pierre, 1857
Palais du Louvre, aile Daru, Paris

Le sort de l’Amour de gauche est pire. Les obus l’ont trop abimé pour que Guis puisse réemployer quoi que ce soit. Il réinterprète donc le motif original dans la pierre ou le béton. Le rendu tranche par un aspect massif (visage inexpressif, ailes épaisses, anatomie simplifiée, attitude raide) caractéristique du XXe siècle. La nouvelle sculpture est replacée sur son acrotère qui conserve les traces de la signature de Toussaint. Désormais, la signature de Félix Guis rappelle, à qui sait la découvrir, l’histoire mouvementée de ce décor.

Félix Guis, Amour, acrotère, pierre ou béton, vers 1945-1950
Palais de la Bourse, 9 La Canebière, 1er arrondissement

mercredi 11 août 2021

Pouce (César sculpteur)

César Baldaccini, dit César (1921-1998), travaille sur le thème du pouce dès le milieu des années 1960 : il en présente un, agrandi, pour la première fois en 1965. En 1988, il réalise un Pouce en bronze doré – même si la patine doré tend aujourd’hui à s’estomper – d’une hauteur de six mètres et pesant plus de quatre tonnes ; celui-ci est envoyé en Corée pour être présenté au Parc des Olympiades de Séoul.
Ce même Pouce est ensuite exposé à la Vieille Charité, en 1993, lors d’une rétrospective de l’œuvre de César. Lors de l’ouverture du MAC (Musée d’Art Contemporain de Marseille) en 1994, il trouve enfin sa place définitive dans le paysage urbain marseillais, au milieu du rond-point Pierre Guerre, à seulement vingt mètres dudit musée.

César, Pouce, bronze, 1988
Rond-point Pierre Guerre, 8e arrondissement

Il existe trois autres exemplaires de cette taille, un à Séoul, un au Plessis-Robinson et un troisième qui a été acheté aux enchères par un particulier en 2007 (1 200 000 €). Il existe également une version de douze mètres installée place Carpeaux, à la Défense. Enfin, on trouve des versions plus petites notamment dans le hall d’entrée d’Acropolis (le palais des Congrès de Nice) ou dans le MAC lui-même.