vendredi 27 septembre 2019

Alexandre Dumas fils et Jacques Offenbach (Stanislas Clastrier sculpteur)

Les Variétés
37, rue Vincent Scotto, 1er arrondissement

La rue Vincent Scotto (ex-rue de l’Arbre) accueille depuis près de 160 ans une salle de spectacle. Au XIXe siècle, se succèdent ici le Casino (1857) et les Folies Marseillaises (1878) avant la construction du Théâtre des Variétés par l’architecte Joseph Letz (1838-1890). Ce dernier – dont il nous reste aujourd’hui la façade – est inauguré le 8 octobre 1887. Son décor, bien que modeste, rappelle encore sa programmation d’opérettes et de vaudevilles : à droite figure le profil de Jacques Offenbach (1819-1880), compositeur fétiche du Second Empire identifiable à ses lorgnons et à son collier de barbe ; à gauche se présente Alexandre Dumas fils (1824-1895), auteur dont les pièces aux accents réalistes se rattachent néanmoins au théâtre de boulevard et que l’on différencie de son père par le port d’une moustache fournie.

Stanislas Clastrier, Jacques Offenbach et Alexandre Dumas fils
37, rue Vincent Scotto, 1er arrondissement

Les deux médaillons, couronnés d’une lyre et reposant sur du chêne et du laurier, sont vraisemblablement l’œuvre de Stanislas Clastrier (1857-1925), régulièrement sollicité à cette époque pour ce type d’ornementation. Le discours se poursuit ensuite par l’évocation de quelques noms : le compositeur d’opérettes Robert Planquette (1848-1903), le librettiste Joseph Méry (1798-1866) et le dramaturge Léon Gozlan (1803-1866), ces deux derniers étant marseillais.
Mais les modes changent. En 1906, pour lui donner une nouvelle jeunesse, l’architecte Joseph Huot (1871-?) transforme l’intérieur du théâtre en music-hall. Il devient alors le Variété-Casino où l’on programme, dans les premiers temps, des opérettes précédées d’un concert ; rapidement, on évolue vers la revue légère. Le déclin amorcé ne s’achève qu’à la fin des années 1990 lorsque le cinéma pornographique des Variétés cède la place à un cinéma d’art et d’essai. Un nouveau décor est alors plaqué sur la façade de 1887 : le nom des lieux s’affiche en néons roses fluorescents et un œil lumineux enserre l’effigie de Dumas, symbole d’un regard nouveau sur le septième art… et sur la sculpture ! Heureusement, on est revenu depuis peu à la sobre élégance de la façade originale.

mercredi 11 septembre 2019

Jean Bérengier

BÉrengier Jean (Marseille, 4 février 1881 – Marseille, 25 septembre 1938), sculpteur
Petit-fils et fils des architectes Pierre-Marius Bérengier (1808-1876) et Louis Bérengier (1848-1905), il se forme à la sculpture à Paris, à l’école nationale supérieure des beaux-arts auprès de Jules Thomas (1824-1905) et Jean-Antoine Injalbert (1845-1933). Il participe au Salon des artistes français de 1907 à 1911 où il reçoit une mention honorable pour un groupe en plâtre pittoresque (Sambre-et-Meuse, 1910). Il expose également au Salon des indépendants de 1906 à 1908 ; là, il présente des peintures, des portraits sculptés, des statuettes teintes ou en céramique, de l’art décoratif (La Chute, cendrier bronze ; L’Énigme, cachet céramique et bronze, 1908). Le musée Cantini conserve de lui une statuette du ténor Lucien Muratore.
La production de Jean Bérengier se compose essentiellement de petits formats, excepté ses envois au Salon des artistes français. Il ne reste hélas quasiment rien de ces grandes statues.

Jean Bérengier, Le pêcheur à la « traficho », plâtre

Jean Bérengier, Le pêcheur à la « traficho », bronze

Salon de 1907 – Le pêcheur à la « traficho », statue plâtre (n°2531)
Bérengier présente une version en bronze de cette statue lors de l’Exposition internationale de l’électricité qui se tient à Marseille en 1908.

Jean Bérengier, Fatalité, plâtre

Salon de 1908 – Fatalité, statue plâtre (n°2840)

Jean Bérengier, Sambre-et-Meuse

Salon de 1910 – Sambre-et-Meuse, statue plâtre (n°3289)
Cette œuvre représente une cantinière du régiment de Sambre-et-Meuse assise sur son âne et clamant un chant patriotique[1]. Elle obtient une mention honorable au Salon puis, en février 1911, intègre les collections du musée des beaux-arts de Marseille. Aujourd’hui elle ne s’y trouve plus ; sans doute a-t-elle été détruite !

Salon de 1911 – Éclosion, statue plâtre (n°3103)
Cette œuvre, haute de 1,80 m, a été offerte par l’artiste au musée Gassendi de Digne en 1911. Malheureusement, la majorité des plâtres – pour ne pas dire la totalité – a été détruite par vandalisme ou par négligence à la fin des années 1960.


[1] Le Régiment de Sambre-et-Meuse est un chant patriotique français composé à la suite de la défaite militaire lors de la Guerre franco-prussienne de 1870. Il évoque l’armée de Sambre-et-Meuse formée après la victoire française de Fleurus (1794) sur les Autrichiens dans ce qui deviendra le département belge de Sambre-et-Meuse, réuni à la France de 1795 à 1814. C’est la musique militaire française la plus jouée après La Marseillaise et le Chant du départ ; elle figure chaque année au défilé du 14 juillet.

dimanche 1 septembre 2019

L’Abbé Allemand (François Carli sculpteur)

À 18 ans, le Marseillais Jean-Joseph Allemand (1772-1836) exprime son désir de devenir prêtre contre l’avis de ses parents. Il est vrai que la Révolution vient d’éclater et que, bientôt, une vocation ecclésiastique pourrait conduire à l’échafaud ! À 20 ans, il entame donc sa formation en cachette, auprès de l’abbé Reimonet qui l’accueille sous son toit. En 1797, le traité de Tolentino signe la paix entre la République française et les États pontificaux ; de fait, l’évêque de Grasse, Mgr Prunières, peut désormais venir à Marseille et ordonner le jeune homme le 19 juillet 1798.
Cet apaisement, renforcé par le concordat de 1801, permet au nouveau prêtre d’organiser des activités pour les jeunes dès 1799. Ce sont les prémices de l’Œuvre de Jeunesse, devenue avec le temps l’Œuvre Allemand. Malgré des tensions politiques – l’Œuvre est fermée entre 1809 et 1814 mais poursuit ses activités de façon clandestine – et de multiples déménagements, l’institution grandit sous le regard bienveillant de son fondateur. Enfin, en 1820, elle s’installe dans une grande ferme – transformée par la suite en bastide – aux abords de la rue Saint-Savournin, site qu’elle occupe toujours.

François Carli, L’Abbé Allemand, statue, marbre, 1899
Œuvre Allemand, 41 rue St-Savournin, 5e arrondissement

À l’occasion du centenaire de l’Œuvre en 1899, une statue en marbre du prêtre fondateur est commandée au sculpteur catholique François Carli (1872-1957). Le littérateur Elzéard Rougier (1857-1926) la décrit de la sorte dans Le Petit Marseillais du 9 mai 1899 : « Le saint prêtre est représenté grandeur nature, assis au bord de son pauvre fauteuil, le buste penché, la figure illuminée par la pensée intérieure, dans la pose qui lui fut habituelle. Sous la soutane, on distingue la maigre anatomie de son corps usé par les veilles et les privations. Ses mains sont longues et minces, d’un modèle admirable. De l’ensemble de l’œuvre, il se dégage une harmonie sincèrement religieuse, une vérité d'expression extraordinaire. C’est bien l'abbé Allemand ascétique et détaché de toutes les choses d’ici-bas. » La bénédiction et l’inauguration officielle se déroulent le lendemain 10 mai.

François Carli, L’Abbé Allemand, esquisse, terre cuite, vers 1899
Œuvre Allemand, 41 rue St-Savournin, 5e arrondissement

Comme à son habitude, François Carli – qui est également mouleur – moule la maquette en terre cuite de statue. Ces modèles réduits, en plâtre et d’une trentaine de centimètres de hauteur, sont vendus 10 francs. S’il s’agit de souvenirs pour les acquéreurs, c’est sans doute également un moyen de financer la taille du marbre.
Au sortir de la 1ère Guerre mondiale, alors que de nombreux enfants se retrouvent orphelins, le l’Œuvre de jeunesse de Jean-Joseph Allemand prend sans doute une importance inégalée jusqu’alors. Cela explique vraisemblablement pourquoi le sculpteur décide de l’exposer à Paris, au Salon de la Société des artistes français, en 1920. La sculpture y est remarquée et le jury lui accorde une médaille de bronze. Une inscription sous le dossier de la chaise rappelle cet épisode… mais avec une erreur de date pour l’exposition !