jeudi 29 septembre 2022

Monument à Jeanne d’Arc 1

Cette notice est un extrait d’une communication – « Jeanne d’Arc sculptée à Marseille » – publiée en 2012 dans les actes du colloque Jeanne d’Arc entre la terre et le ciel du Midi (Montpellier, 10 et 11 avril 2012, Michel Houdiard éditeur) :

La Première Guerre mondiale s’avère un effroyable désastre humain. Une partie de la population se tourne alors vers la religion, provoquant un regain de foi. La canonisation de Jeanne d’Arc, le 30 mai 1920, suivie par son élévation au rang de sainte patronne secondaire de la France en 1922, participe pleinement à ce renouveau catholique. […] Celui-ci est renforcé, en 1925, par la béatification de Bernadette Soubirous et les canonisations de plusieurs religieux français tels que Jean Eudes, le curé d’Ars Jean-Marie Vianney ou Thérèse de Lisieux dite de l’Enfant Jésus. À Marseille, l’Église entreprend une vaste opération de rechristianisation du territoire. Cela se traduit par une plus grande visibilité des catholiques : par exemple, Paul Gonzalès (1856-1938), comparse des frères Carli (Auguste, 1868-1930, et François, 1872-1957) lors de leurs expositions de Vierges, est président de la section d’art chrétien à l’Exposition coloniale de 1922.

Paul Gonzalès, Jeanne d’Arc, bas-relief pierre, Salon des artistes français de 1909
Gonzalès sculpte cette œuvre au moment de la béatification de Jeanne d’Arc.

Treize années plus tard, l’Église triomphante organise une grande manifestation : l’Exposition catholique de 1935. Parallèlement, elle se lance dans de nombreux chantiers de sculpture, chantiers somptuaires où le marbre domine, afin de peupler les chapelles et autels nouveaux. C’est dans ce contexte particulier que le journal hebdomadaire d’action catholique, L’Éveil provençal, daté du 13 février 1932, fait l’éloge du décor sculpté de l’Ossuaire de Douaumont, sis près de Verdun. Les statues sont l’œuvre du Marseillais Élie-Jean Vézien (1890-1982), élève des Carli et grand prix de Rome en 1921. L’effigie de la Jeanne d’Arc de Douaumont illustre l’article.

Élie-Jean Vézien, Jeanne d’Arc, statue marbre, 1932
Ossuaire de Douaumont (Meuse) – photographie, collection personnelle

En conclusion, le journaliste annonce que l’on peut admirer, du même artiste, la maquette d’une statue équestre de la sainte dans la sacristie de Notre-Dame-de-la-Garde ; son auteur l’imagine sur l’esplanade de la célèbre basilique. « Est-il admissible, en effet, que la seconde ville de France ne possède pas une statue de la Sainte de la Patrie ? » [1]

Élie-Jean Vézien, Jeanne d’Arc, maquette plâtre de 1 m de haut, 1932
Photographies, collection personnelle

Une souscription est ouverte. Le 7 mai 1932, la veille des fêtes johanniques, L’Éveil provençal présente enfin le projet de statue équestre de Vézien. L’iconographie conquérante reflète les ambitions du clergé phocéen. Le monument, prévu en bronze pour le parvis de Notre-Dame-de-la-Garde, se révèle toutefois colossal – pas moins de 7,50 m de haut – et onéreux ; il ne voit finalement pas le jour. […]

Addendum du 29 novembre 2022 : la maquette de la Jeanne d’Arc équestre de Vézien est conservée dans les réserves de Notre-Dame-de-la-Garde.


[1] Ch. B. P., « Les statues de la chapelle de l’Ossuaire de Douaumont. L’œuvre d’un maître marseillais », L’Éveil provençal, 13 février 1932, p.3

lundi 26 septembre 2022

Élie-Jean Vézien

Élie-Jean Vézien dans son atelier, photographie vers 1930
Académie de Marseille

VÉzien Élie-Jean (Marseille, 18 juillet 1890 – Marseille, 7 septembre 1982), sculpteur, médailleur et peintre

En 1904, il entre en apprentissage chez un maître graveur et orfèvre qui le recommande à François Carli (1872-1957) et l’inscrit à l’école des beaux-arts de Marseille. Talentueux, il reçoit très tôt sa première commande, un Saint Michel terrassant le dragon (bas-relief marbre, 1906) pour une façade, à l’angle des rues Tilsit et des Trois Frère Barthélemy.

Élie-Jean Vézien, Saint Michel terrassant le dragon, 1906
Angle des rues Tilsit et des Trois Frères Barthélemy, 6e arrondissement

En 1911, il obtient une bourse pour poursuivre ses études à Paris, mais il est rattrapé par ses obligations militaires ; son service est néanmoins écourté grâce aux relations d’Auguste Carli (1868-1930). Il peut donc enfin présenter le concours d’entrée de l’École nationale supérieure des beaux-arts en mai 1914 ; il est reçu premier. Il entre dans l’atelier de Jules Coutan (1848-1939). Hélas, la guerre éclate et il est mobilisé dès le 2 août. Le 21 mars 1916, il est blessé et fait prisonnier à Verdun. Libéré en octobre 1919, il reprend avec fougue ses études : en 1921, il remporte le grand prix de Rome avec Les Fiançailles (bas-relief plâtre, Ensba).

Élie-Jean Vézien, Les Fiançailles, bas-relief plâtre, 1921
Photographie, collection personnelle

Cette même année, il débute au Salon des artistes français qu’il fréquente jusqu’en 1937. Il y glane plusieurs récompenses : mention honorable en 1921 (Le Printemps, bas-relief plâtre devant décorer une fontaine), médaille d’argent en 1924 (L’Éveil, haut-relief décoratif) et médaille d’or en 1930 (Fille d’Ève, statue marbre, et Vierge accueillante, groupe marbre, Ossuaire de Douaumont). Il obtient une autre médaille d’or lors de l’Exposition internationale de Paris en 1937 (Nu au turban).

Élie-Jean Vézien, Le Printemps, bas-relief plâtre, 1921
Carte postale

Élie-Jean Vézien, L’Éveil, haut-relief décoratif, 1924
Photographie, collection personnelle

Élie-Jean Vézien,
Fille d’Ève, statue marbre, 1930
Carte postale

Élie-Jean Vézien devant le plâtre du Nu au turban, photographie, 1937
Collection personnelle

Par ailleurs, il est fait chevalier de la Légion d’honneur en 1935. Sa carrière connaît un formidable essor dans l’entre-deux-guerres, tant en France (décor de la chapelle de l’ossuaire de Douaumont (1930) ; sculptures pour l’église Saint-Antoine de Padoue à Paris (1936) ; La Peinture pour le palais de Chaillot (1937) ; monuments à Gustave Ganay (1938), à Alexandre Ier de Yougoslavie et Louis Barthou (1938) et de Pierre Antoine Berryer (1947) pour Marseille ; statue du Bailli de Suffren pour Saint-Cannat…) qu’à l’étranger (statues du Cardinal de Lavigerie pour Tunis et Alger ; buste de Champlain pour Port-Champlain au Canada ; chemins de croix pour l’école des Frères d’Alexandrie en Égypte et pour l’Institut catholique de Rome ; Le Jugement de Paris installé en 1935 au bord d’une piscine de Los Angeles…). Après la Deuxième Guerre mondiale, il participe à la reconstruction de Marseille, notamment autour du Vieux-Port (Neptune calmant les flots pour un immeuble construit au 70 rue Caisserie, 2e arrondissement, par Jean Crozet, 1909-1986).

Élie-Jean Vézien, Vierge accueillante, groupe marbre, 1930
Ossuaire de Douaumont (Meuse) – carte postale

Élie-Jean Vézien, Saint Joseph et Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, statues  pierre, 1936
Église Saint-Antoine de Padoue, Paris – cartes postales

Élie-Jean Vézien, La Peinture, relief pierre, 1937
Palais de Chaillot, Paris

Élie-Jean Vézien, Le Cardinal de Lavigerie, modèle plâtre, 1925
Musée de Saint-Jean-de-Latran, Rome - photographie, collection personnelle

Élie-Jean Vézien, Le Jugement de Paris (dernier envoi de Rome), statue marbre, 1926
Los Angeles, USA - photographie, collection personnelle

Élie-Jean Vézien, Neptune calmant les flots, dessin, vers 1950
Académie de Marseille

Élie-Jean Vézien, Neptune calmant les flots, relief en glaise, vers 1950
photographie retouchée, collection personnelle

S’il maîtrise l’art le plus monumental comme pour La Source, une figure de 8m de hauteur décorant la façade du pavillon de la France à l’exposition internationale de Liège en 1939, il se révèle aussi excellent médailleur. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il remporte le concours national des nouvelles monnaies de l’État (pièces de 10 et 20 francs). On lui doit en outre de nombreuses médailles telles que les professeurs Cornil, Tian ou Roger, Le Débarquement des alliés à Saint-Tropez, La Provence ou encore La Fondation de Marseille, médaille d’honneur de la cité phocéenne.

Élie-Jean Vézien, 10 francs (avers et revers), pièce, 1941

Élie-Jean Vézien, La Fondation de Marseille (avers et revers), médaille bronze

Enfin, il se consacre à l’enseignement : professeur de sculpture à l’école des beaux-arts de Marseille, il exerce les fonctions de directeur de 1942 à 1961 puis, à partir de 1962, de directeur honoraire. Depuis 1943, il occupe le siège laissé vacant par le décès de Constant Roux (1865-1942) à l’Académie de Marseille. Il est également membre correspondant de l’Institut ainsi que président d’honneur de l’Union des artistes de Provence et vice-président de la revue Arts et Livres de Provence.

vendredi 9 septembre 2022

Bruno Catalano au musée subaquatique de Marseille

Lundi 5 septembre 2022, une dixième sculpture a enrichi le musée subaquatique de Marseille à l’occasion de son deuxième anniversaire. La statue, intitulée Pierre David, est l’œuvre de Bruno Catalano (né en 1960 – Cf. notice du 3 juin 2021). Elle appartient à la série des Voyageurs, ces personnages tronqués attendant avec leurs bagages un hypothétique moyen de transport. Compte tenu de son lieu d’exposition, elle n’a pas été réalisée en bronze mais en ciment marin : elle a été immergée à cinq mètres de profondeur, à une centaine de mètres au large de la plage des Catalans (7e arrondissement), afin d’être visible depuis la surface ou en plongée.

Bruno Catalano, Pierre David (peu avant son immersion), ciment marin, 2022
© photographie Mélanie Frey

Immersion et installation du Pierre David de Bruno Catalano
© photographies G.Ruoppolo/ Wallis.fr / MSM

Avec ses devancières, la statue constitue un récif artificiel et une aire d’expansion pour les organismes vivants car l’un des objectifs du musée est la préservation de la biologie marine. C’est donc une œuvre évolutive qui va peu à peu se recouvrir d’algues et de concrétions.