vendredi 27 mai 2022

Le Faune (Pierre Puget sculpteur)

D’après Pierre Puget, Le Faune, statuette, bronze à cire perdue
Lot 10 de la vente  Crait + Müller - vendu 3 840 €

Le 3 juin prochain, la maison parisienne Crait + Müller propose aux enchères une réduction en bronze du Faune de Pierre Puget (1620-1694). Cette cire perdue, haute de 52 cm, est l’œuvre du fondeur d’art Adrien-Aurélien Hébrard (1865-1937) ; l’œuvre porte le cachet du fondeur – CIRE PERDUE A.A. HEBRARD – et un numéro – A16. Par ailleurs, elle est également signée PIERRE PUGET.
La sculpture est estimée entre 3 000 et 4 000 €. Pour ordre d’idée, un autre exemplaire s’est vendu chez Sotheby’s Londres (lot 64) le 9 décembre 2020 : estimé entre 4 000 et 6 000 GBP, il est parti à 7 560 GBP (8 880,51 €).

Pierre Puget, Le Faune, statue, marbre, vers 1692
Musée des beaux-arts de Marseille, 4e arrondissement

Cette vente est l’occasion de s’intéresser à l’historique de cette œuvre magistrale conçue par Puget. Il ne s’agit apparemment pas d’une commande ; le sculpteur semble la destiner dès l’origine au pavillon de Fongate, sa bastide marseillaise. Haute de 1,57 m, elle se dressait au milieu du perron en fer à cheval donnant accès à la villa. La divinité des bois et des jardins joue de la musique : il souffle dans une syrinx (flûte de pan) et tient dans sa main droite des crotales (cymbales). Son rendu est inachevé mais cet inachèvement paraît volontaire : la main droite et les pieds, notamment, laissent apparaître les stries du ciseau et n’ont pas été polis. Ce non finito évoque l’art de Michel-Ange (1475-1564) qu’il admire.
Le musée des beaux-arts de Marseille conserve également une maquette en terre cuite de l’œuvre. Les deux sculptures ont la même provenance : en 1758, Louis Borély (1692-1768), grand collectionneur marseillais, les acquiert directement du petit-fils de l’artiste Pierre-Paul Puget. Elles demeurent dans la famille jusqu’à ce que la dernière héritière des Borély – Louise de Panisse-Passis – cède le château Borély et ses collections à Paulin Talabot (1799-1885) en 1856. Ce dernier, alors directeur du PLM, entreprend en 1869 un échange de terrains avec la mairie de Marseille pour pouvoir continuer sa ligne ferroviaire en direction de Toulon ; la cité phocéenne devient ainsi propriétaire du château Borély et de tout ce qu’il contient. Finalement, en 1871, les deux versions du Faune intègrent le Musée des beaux-arts de Marseille.

D’après Pierre Puget, Le Faune, statuette, céramique craquelée
Lot 251 de la vente Vichy Enchères

Addendum du 5 juillet 2022 : Il existe également une édition en céramique craquelée du Faune de Puget. Un exemplaire, haut de 51 cm, se vendra le 4 août prochain à Vichy (estimation : 150 / 200 €).

mercredi 18 mai 2022

Ary Bitter

Ary Bitter, Faons, groupe en plâtre émaillé blanc
Nabecor Enchères, Nancy, 19 mai 2022
Lot 53, estimé 100/150 €

Ary Bitter, Éléphants, serre-livres en bronze et bois, vers 1925
Armor Enchères, Saint-Brieuc, 21 mai 2022
Lot 152, estimé 2 500/3 500 €

Les jours prochains, deux sculptures d’Ary Bitter passent en vente publique. À cette occasion, j’en profite pour remettre en ligne la notice que je lui ai consacrée dans le Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur :

Alphonse Moutte (1840-1913), Ary Bitter, huile/toile, vers 1902
Portrait publié sur le site http://ary.bitter.free.fr/

Bitter Ary Jean Léon (Marseille, 29 mai 1883 – Paris, 14 juin 1973), sculpteur

Élève d’Émile Aldebert (1827-1924), il obtient une bourse municipale pour poursuivre ses études à Paris. Là, il fréquente les ateliers d’Ernest Barrias (1841-1905), de Jules Coutan (1848-1939) et Victor Peter (1840-1918). Il expose au Salon des artistes français de 1910 à 1939 où il remporte de nombreuses récompenses : mention honorable en 1910 (Enfant au chevreau, groupe plâtre), médaille de bronze en 1913 (Chant, cantate, groupe plâtre, et Fontaine, marbre), d’argent en 1921 (Bacchus, statue, et Pastorale, fillette et cabris, groupe) et d’or en 1924 (Diane, statue, pierre). Par ailleurs, il obtient une médaille d’or à l’exposition internationale de Paris en 1937.

Ary Bitter, Diane, statue, pierre, 1924 (carte postale)
Musée de La Piscine, Roubaix

Durant l’entre-deux-guerres, il réalise plusieurs monuments aux morts à Marseille (Saint-Jérôme, Saint-Louis, Mazargues) ainsi que ceux de Bargemon (Var), de Houdan (Yvelines), Rilly-la-Montagne (Marne), de Sanary-sur-Mer (Var), de Vauvert (Gard).

Ary Bitter, Monument aux morts de Mazargues, pierre et bronze, 1926
Cimetière de Mazargues, 9e arrondissement

Il collabore en outre au décor de l’escalier monumental de la gare Saint-Charles à Marseille : deux groupes de Lion et Enfant (1926). Il décore également de nombreux bâtiments éphémères : le Pavillon de l’Alimentation (Exposition nationale suisse de Berne, 1914), La Verrerie pour le Palais de la Céramique et Héraklès pour le Palais du Métal (Exposition internationale de Paris, 1937)…

Ary Bitter, Lion et Enfant, groupes, marbre, 1926
Escalier de la gare Saint-Charles, 1er arrondissement

Mais il travaille surtout pour l’édition, notamment les bronziers Susses frères (29 œuvres éditées) et la Manufacture nationale de Sèvres (Diane, éditée en 1926, en biscuit, en grès et en terre cuite.

Ary Bitter, Diane, statuette, bronze

Ary Bitter, Éléphants, serre-livres, bronze

Ary Bitter, Le Secret du bonheur, groupe, bronze
Publicités du fondeur Susse Frères publiées dans L’Illustration en 1926

Après la Seconde Guerre mondiale, il se fait plus discret, ne sculptant guère que le Monument à Edmond Rostand de Cambo-les-Bains (1949-1952). Toutefois, il est promu membre de la Société d’encouragement à l’art et à l’industrie (1949) ; d’autre part, il est chevalier de la Légion d’honneur depuis 1932. 

Ary Bitter, Monument à Edmond Rostand, pierre, 1952
Cambo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques)

jeudi 12 mai 2022

Les Galinier, une dynastie de marbriers-sculpteurs marseillais

Pour mes travaux de recherche, je me suis beaucoup intéressé aux frères Pierre (1808-1850) et Jules Cantini (1826-1916). Toutefois, à la même époque, une autre famille de marbriers-sculpteurs occupe le devant de la scène artistique et économique phocéenne : les Galinier.
L’entreprise familiale est fondée à la fin du XVIIIe siècle en 1787.
En 1816, un Galinier – sans doute Nicolas Galinier (1790-1860), fils du fondateur – expose au Salon marseillais. Il se dit statuaire et ancien élève de l’école de dessin de Marseille. Il est le seul exposant de la section sculpture où il présente un buste en marbre de S. M. Louis XVIII (n°36) et une étude modelée d’après nature figurant un Athlète au repos (n°37). 

Nicolas Galinier, Louis XIV, buste, marbre, 1822
Façade de l’hôtel de ville, quai du Port, 2e arrondissent

Sous la Restauration, le conseil municipal souhaite le rétablissement du buste de Louis XIV, détruit pendant la Révolution, sur la façade de l’hôtel de ville. Il confie cette tâche à Nicolas Galinier, le buste de Louis XVIII ayant certainement joué en sa faveur pour l’obtention de cette commande. Le buste est inauguré le 25 août 1822.
Dans les années 1830, le conseil municipal décide de rétablir un buste marbre de Bonaparte premier consul sur la colonne dominant le jardin de la Colline (auj. colline Puget). Seuls deux artistes – tous deux marbriers par ailleurs – répondent à l’appel d’offre : un Galinier – probablement Nicolas – propose ses services moyennant 4 000 francs tandis que Pierre Cantini s’engage à réaliser le portrait pour 2 100 francs. Les édiles penchent pour la candidature la plus avantageuse, mais un conseiller juge prudent de solliciter un autre sculpteur marseillais, Jean Garbeille. Finalement, la commande est ajournée.

Amédée Galinier, Chapiteau dorique, classe d’architecture, 1er prix, 1838
Archives municipales de Marseille © Xavier de Jauréguiberry

Amédée Galinier, Académie d’après nature, concours d’émulation, 1842
Archives municipales de Marseille © Xavier de Jauréguiberry

Au fil des années, de nombreux Galinier passent par l’école de dessin – devenu par la suite école des beaux-arts – de Marseille. C’est le cas d’Amédée et de Marius dans les années 1830-1840. L’entreprise se développe sous le nom de Galinier & Fils.

Publicité Galinier & Fils, marbrerie artistique et commerciale, Annuaire Didot Bottin, 1883

Publicité Galinier & Fils, marbrerie, Indicateur marseillais, 1882

La marbrerie Galinier réalise toute sorte de travaux pour meubler les intérieurs bourgeois du Second Empire et de la Troisième République (carrelages, cheminées, escaliers), les églises et chapelles (autels) et les cimetières (tombeaux). Bien que plus ancienne que la maison Cantini, elle ne parvient pas à la surpasser, voire même à l’égaler ! Ses récompenses lors de différentes expositions sont honnêtes, mais sans plus : médaille d’or au concours régional de Marseille en 1861 et médaille de vermeille à l’exposition de la Société statistique des Bouches-du-Rhône en 1868.

Galinier & Fils, Fontaine surmontée d’un groupe en marbre d’H. Lesueur et de Nira (Le Baiser),
Exposition universelle de Paris de 1867
Archives nationales F/12/3238 

La marbrerie est distinguée lors de l’Exposition universelle de 1867, sans que les publicités révèlent la récompense exacte qu’elle reçoit cette année-là. Elle expose notamment une fontaine dont la sculpture a été réalisée par des artistes méconnus, pour ne pas dire inconnus puisque l’on dispose de leur patronyme. Lesueur travaille vraisemblablement à Paris où l’entreprise dispose d’un point de vente ; Nira, quant à lui, est probablement d’origine italienne comme beaucoup de praticiens et de marbriers au XIXe siècle.

Publicité Galinier & Fils, marbrerie, 1909
Repérée sur Delcampe.net sans référence de publication

La maison Galinier & Fils perdure au moins jusqu’en 1914, puisqu’elle figure toujours à la même adresse dans l’Indicateur marseillais. Pour autant, aucun nouveau titre de gloire ne s’est ajouté depuis la chute du Second Empire et bien d’autres entreprises la dépassent désormais en notoriété.