samedi 29 octobre 2022

Vente d'un fonds photographique des œuvres de Louis Botinelly

Louis Botinelly dans son atelier, vers 1960-1962, collection personnelle
Le sculpteur est entouré de la statue plâtre de Régine (1925), du buste plâtre de Saint Bruno (vers 1954), du bas-relief plâtre de Sainte Fortunée vierge et martyre (1935) et d’un Cheval de trait en plâtre (1941)

Le 21 octobre dernier, j’ai acquis aux enchères publiques (R&C Marseille, lot 272) un ensemble de photographies, de négatifs et de plaques de verre illustrant le travail du sculpteur Louis Botinelly (1883-1962) entre 1913 et 1962. De nombreux clichés de sculptures en élaboration, de maquettes, de modèles en plâtre et autres documentent moult monuments et décors marseillais. En voici un échantillon :

Louis Botinelly, Dresseur d’oursons, groupe bronze au Salon des artistes français de 1913
Photo annotée par Botinelly
Aujourd’hui placé sur l’esplanade de la Tourette, 2e arrondissement

Louis Botinelly, Les Colonies d’Afrique et d’Asie, groupes plâtre, vers 1925-1926
Modèles des sculptures de l’escalier de la gare Saint-Charles, 1er arrondissement

Louis Botinelly, Le Christ d’après le Saint Suaire de Turin, statue marbre, 1931
Église Saint-Vincent-de-Paul (Les Réformés), 1er arrondissement

Louis Botinelly, La Loi et la Justice protégeant le Droit, groupe pierre de Sénezan, 1933
Photographie annotée et signée par le sculpteur
Salon d’honneur du Tribunal de Commerce, 6e arrondissement

Louis Botinelly, Les Quatre Évangélistes : Saint Mathieu, Saint Luc, Saint Marc et Saint Jean
 Statues colossales en plâtre, 1935
Cathédrale Sainte-Marie Majeure (La Major), place de la Major, 2e arrondissement

Louis Botinelly, Massilia, statue pierre, 1942
Niche de l’escalier d’honneur de l’hôtel de ville, 2e arrondissement

Louis Botinelly, Jeanne d’Arc écoutant ses voix, statue pierre, 1943
Photographie de l’inauguration du monument, le 9 mai 1943
Église Saint-Vincent-de-Paul (Les Réformés), 1er arrondissement

Louis Botinelly, Pietà, groupe pierre, 1949
Église du Sacré-Cœur, 81 avenue du Prado, 8e arrondissement

Louis Botinelly, La Camargue, frise pierre, 1951
Embrasure d’une porte d’entrée d’immeuble, 24 rue de la Loge, 2e arrondissement

Louis Botinelly, Abbé Jean-Baptiste Fouque (1851-1926), buste plâtre, 1951 ?
Hôpital Saint-Joseph, 8e arrondissement
L’abbé Fouque, fondateur de l’hôpital Saint-Joseph en 1921, a été béatifié le 30 septembre 2018.

Louis Botinelly, Saint Bruno, statue pierre, 1954
Église Sainte-Marie-Madeleine des Chartreux, 4e arrondissement

dimanche 16 octobre 2022

André Barelier

Voici une nouvelle notice mise à jour de mon Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur 

André Barelier – Exposition hommage à la Ruche (septembre 2021)

Barelier André (Plan-de-Cuques, Bouches-du-Rhône, 25 mai 1934 – Paris, 16 avril 2021), sculpteur
Fils d’un ébéniste, il quitte l’école communale à 15 ans. Après deux ans d’apprentissage chez Louis Botinelly (1883-1962), il intègre l’école des beaux-arts de Marseille. À 19 ans, il entre à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, devenant l’élève d’Alfred Janniot (1889-1969) et de Louis Leygue (1905-1992). Ses moyens sont modestes ; César (1921-1998), cependant, lui cède son local du Quartier latin pour s’agrandir du côté de Montparnasse.

André Barelier, Hommage à César, bronze, H. 51 cm, 1988
Carvajal SVV (lot 420), Antibes, 11 juin 2022

En 1961, il remporte le grand prix de Rome (La Naissance du jour, haut-relief plâtre, Ensba). À la Villa Médicis, il se lie à Balthus (1908-2001), le nouveau directeur des lieux ; le 6 décembre 1963, il y épouse Brigitte Baumas (1937-2014) dont il aura deux enfants : le fondeur d’art Romain Barelier (né à Rome en 1964) et la créatrice de bijoux Estelle Barelier (née à Marseille).

André Barelier, La Naissance du jour, haut-relief plâtre, 1961
École nationale supérieure des beaux-arts, Paris

À son retour à Paris, il s’installe dans la Ruche, une cité d’artiste du 15e arrondissement. En 1968, il est nommé professeur de dessin à l’École nationale supérieure des beaux-arts ; il y enseigne jusqu’à sa démission en 1982.
Son œuvre hyperréaliste intègre motif et décor, créant des reliefs picturaux comme ses cabines téléphoniques de bronze (Grande Cabine ; Cabine plate…). Le musée Cantini, à Marseille, conserve L’Atelier (relief bronze, 1976).

André Barelier, Cabine téléphonique, statuette bronze, 1978
Cannes enchères (lot 676), 17 décembre 2017

André Barelier, Cabine téléphonique, statuette bronze, 1978-1980
Galerie Gabrielle Laroche, Paris

André Barelier, Le Téléphone, statue bronze, 1999
Esplanade de La Défense, Courbevoie (Hauts-de-Seine)

André Barelier, Le Grand Atelier, bronze, H. 95 cm
Galerie Gabrielle Laroche, Paris

André Barelier, Femme au bain, bronze, H. 70,5 cm, 1974
Galerie Gabrielle Laroche, Paris 

André Barelier, Autoportrait à la salle de bain, bronze, H. 155 cm
Galerie Gabrielle Laroche, Paris

lundi 3 octobre 2022

Monument à Jeanne d’Arc 2

Au cours des années 30 et notamment après l’Exposition catholique de 1935, les fêtes consacrées à Jeanne d’Arc connaissent une ampleur croissante. En mai 1938, pour la première fois, la Fédération nationale catholique érige une figurine en plâtre de la Pucelle sur un autel éphémère dressé sur le parvis de l’église Saint-Vincent-de-Paul-Les-Réformés ; ce faisant, une foule considérable défile devant la sculpture, donnant à la manifestation tout son sens. Dès lors, l’opération est réitérée les années suivantes.
Surviennent alors la guerre, la débâcle puis la partition de la France en zone occupée et zone libre qui relancent le projet avorté de 1932 d’un Monument à Jeanne d’Arc. Au début de l’année 1941, le commandant Dromard prend la présidence d’un comité dont le but est l’érection d’une statue pérenne sur le parvis des Réformés, aboutissement de nombreux groupements et cortèges chrétiens. Louis Botinelly (1883-1962), l’artiste choisi, propose un projet moins grandiose que celui composé par Vézien quelques dix ans auparavant mais plus complexe puisque l’iconographie qui synthétise l’ensemble du cycle johannique comprend une statue (Jeanne d’Arc écoutant ses voix) et quatre bas-reliefs (Jeanne d’Arc et Charles VII, Levée du siège d’Orléans, Sacre de Charles VII, Martyre de Jeanne d’Arc). Le message est clair : la sainte est de nouveau convoquée pour bouter l’ennemi hors des frontières.

Louis Botinelly, Monument à Jeanne d’Arc, statue et reliefs en pierre, 1942
Parvis de l’église des Réformés, 1er arrondissement

Toutefois, lorsque le monument de Louis Botinelly est inauguré le 9 mai 1943, la situation a bien changé : le pays vit désormais tout entier sous le joug de l’occupant nazi. Cela n’empêche pas une cérémonie en grande pompe. Outre les officiels – membres du clergé, édiles, notables –, de nombreuses délégations militantes y participent comme les membres de la Légion française des combattants[1] et les Volontaires de la Révolution nationale[2] brandissant une soixantaine de fanions ou encore ceux de la Milice[3] ; quant aux scouts[4], ils forment une haie d’honneur autour de la statue.

Inauguration du Monument à Jeanne d’Arc, 9 mai 1943
Photographie – collection Ève Botinelly

À cette occasion, deux parchemins sont scellés dans le socle du monument : le premier est un message d’Ève Botinelly, la fillette de l’artiste âgée de dix ans, demandant à la sainte la protection de tous les enfants de France ; le second est une attestation de Mgr Delay, archevêque de Marseille, plaçant la cité phocéenne sous la protection de la bergère de Domrémy en espérant que le pays retrouve sa place au sein de la nouvelle Europe. Enfin, les discours d’inauguration désignent nommément l’ennemi officiel : les Anglais qui, comme un écho à la guerre de Cent Ans, viennent de bombarder Rouen.

Louis Botinelly, Jeanne d’arc écoutant ses voix, statue en terre cuite, 1947
Èglise Saint-Ferréol-les-Augustins, quai des Belges, 1er arrondissement

Pour effacer ce passé douloureux, de nouvelles festivités grandioses sont organisées en mai 1945 pour célébrer la capitulation de l’Allemagne. La coïncidence de l’événement avec la fête de Jeanne d’Arc apparaît, pour les catholiques français et méridionaux, comme un signe divin. De fait, en 1947, Louis Botinelly modèle une version en terre cuite de sa Jeanne d’Arc écoutant ses voix pour l’église Saint-Ferréol-les-Augustins, sur le Vieux-Port. Il s’agit-là de la dernière sculpture érigée en l’honneur de la sainte…
Quoiqu’il faille, en conclusion, évoquer un dernier monument possédant un lien indirect avec la Pucelle d’Orléans. En août 1944 se déroulent les derniers combats pour la libération de Marseille. Les troupes allemandes se sont retranchées à Notre-Dame-de-la-Garde. Au matin du 25 août, les blindés alliés montent à l’assaut de la colline guidés par le char Jeanne d’Arc. Celui-ci débouche sur la montée de l’Oratoire lorsqu’une grenade incendiaire s’abat sur lui. Le char est projeté contre la résidence épiscopale. Deux des cinq occupants s’en extirpent ; les trois autres brûlent vifs à l’intérieur.

Épave du char Jeanne d’Arc, fin août 1944, photographie

Restauré dans la foulée, le char est laissé sur place comme monument commémoratif : l’inauguration solennelle se déroule le 25 août 1946, deux ans jour pour jour après les événements. Le Jeanne d’Arc rend ainsi un ultime aux trois soldats morts brûlés pour libérer la cité phocéenne et plus largement la France, à l’instar de la jeune sainte.

Le char Jeanne d’Arc, monument commémoratif – photo et carte postale de années 1960
Place du Colonel Edon, 7e arrondissement


[1] La Légion française des combattants, créée par la loi du 29 août 1940, fusionne selon les vœux du régime de Vichy toutes les associations d’anciens combattants dans le but de régénérer la Nation par la vertu de l’exemple du sacrifice de 1914-1918.
[2] Les Volontaires de la Révolution nationale sont de jeunes militants d’extrême-droite qui, à partir de novembre 1941, viennent durcir la Légion française des combattants.
[3] La Milice, créée par le régime de Vichy le 30 janvier 1943, est une organisation politique et paramilitaire pour lutter contre la Résistance.
[4] Sous l’Occupation, le scoutisme est le premier mouvement de jeunesse agréé, le 24 juillet 1941, par le régime de Vichy qui en fait un pilier de sa politique envers les adolescents.