jeudi 25 novembre 2021

Louis Rafer

Dimanche 28 novembre, l’Étude de Provence propose à la vente un ensemble de sculptures d’un artiste marseillais rare dans les collections publiques et sur le marché de l’art : Louis Rafer. C’est pour moi l’occasion d’enrichir la notice que je lui ai consacré dans le Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur :

Jan, caricature de Louis Rafer
Les Tablettes marseillaises, 9 juillet 1914

Rafer Louis (pseudonyme de Louis Ferrat ; Marseille, 25 août 1894 – Marseille, 23 novembre 1966), illustrateur et sculpteur animalier

Louis Rafer, Cachets Tudor
Les Tablettes marseillaises, 16 juillet 1914

Louis Rafer, À la mairie – M. Mariani
Les Tablettes marseillaises, 30 juillet 1914

Louis Rafer, ensemble d’œuvres graphiques, vers 1920-1930

Élève de Marius Guindon (1931-1918) à l’école des beaux-arts de Marseille, il collabore dès 1912 à divers journaux locaux dont Les Tablettes marseillaises en tant que caricaturiste et publicitaire. Par ailleurs, entre 1919 et 1921, il est le caricaturiste attitré de plusieurs music-halls phocéens comme l’Alcazar ou le Palais de Cristal

Louis Rafer, Colley, statuette, pierre, 34 x 40 x 16 cm
Estimation : 1 500 - 2 000 €

De 1922 à 1932, il séjourne aux États-Unis, travaillant comme « cartoonist » ou portraitiste pour le New York Times, le Spur et le Morning Telegraph. De cette période datent deux statuettes en bronze – Fox à poil dur et Berger allemand – exposées à la galerie De Hauke aux côtés d’œuvres du sculpteur Antoine Bourdelle (1861-1929) et du peintre Amedeo Modigliani (1884-1920). Le Colley, très typé art déco, a peut-être été sculpté à cette époque.
De retour à Marseille, il reprend sa carte de presse et travaille pour Le Petit Marseillais, Le Méridional ou Le Soleil. Il délaisse alors ses activités de sculpteur jusqu’en 1957 où, encouragé par Louis Botinelly (1883-1962),  s’y remet. Dès lors, il expose ses ménageries de Fox-terriers – dont il fait l’élevage – de Chats, d’Aigles, de Lions, de Chameaux… dans les galeries marseillaises telles que Jouvène en 1959. Il s’oriente vers des matériaux diversifiés dont le bois.

Louis Rafer, Lion, bois sculpté, H. 48,5 cm
Estimation : 800 – 850 €

Louis Rafer, Petit singe, bois d’olivier sculpté, H. 28 cm
Estimation : 400 – 450 €

Louis Rafer, Singe, bois d’olivier sculpté, H. 43 cm
Estimation : 600 – 650 €

Louis Rafer, Éléphant, bois sculpté, signé, H. 46 cm
Estimation : 500 – 550 €

Il réalise quelques figures humaines, mais elles relèvent plus de la caricature – son fonds de commerce – que du portrait.

Louis Rafer, Tirailleur sénégalais, bois sculpté et teinté, H. 49,5 cm
Estimation : 500 - 550 €

En 1869, peu de temps après sa mort, le muséum d’histoire naturelle de Marseille lui consacre une rétrospective. Aujourd’hui, une place sise près de l’observatoire porte son nom et commémore son souvenir.

vendredi 19 novembre 2021

Alexis Pigalio

Pigalio Alexis Baptistin (Marseille, 6 octobre 1860 – Marseille, 12 octobre 1895), sculpteur
Orphelin de père très jeune, il remplace petit à petit son prénom de baptême – Baptiste, surnommé Baptistin – par celui de son géniteur – Alexis. Dès ses 13 ans (année 1873-1874), il fréquente l’école municipale des beaux-arts de Marseille. Il poursuit ses études à l’école nationale supérieure des beaux-arts de Paris dans les ateliers de François Jouffroy (1806-1882), Ernest Hiolle (1834-1886) et Alexandre Falguière (1831-1900) avec une bourse de 800 francs du conseil général des Bouches-du-Rhône.
Il expose pour la première fois au Salon des arts décoratifs de 1883 : François Boucher (peintre, 1703-1770), bas-relief en terre cuite. Il fréquente par la suite le Salon des artistes français : Mendiant arabe (1885, n°4108, bas-relief plâtre), Mireille (1888, n°4536, statue plâtre), Le Petit Chaperon Rouge (1889, n°4826, statue plâtre), Jeune mère et son enfant (1890, n°4360, bas-relief plâtre – il s’agit probablement de sa femme et de son fils Pierre), Le temps des cerises (1891, n°2816, statue plâtre), La Vierge et l’enfant Jésus (1892, n°2985, bas-relief faïence), Au nom du père (1894, n°3489, bas-relief plâtre).

Alexis Pigalio, Au nom du père, bas-relief bronze, 1895
Vu sur Ebay en septembre 2019

Alexis Pigalio, Mireille, statue en fonte de fer, vers 1900
Catalogue du fondeur Salin

Au nom du père obtient une mention honorable au Salon ; profitant de ce succès, Pigalio édite une réduction en bronze de son œuvre (25 x 19,5 cm). Quelques années plus tôt, il avait déjà confié sa Mireille à un éditeur de fonte de fer pour en faire un mobilier de jardin.

Alexis Pigalio, Jeune femme, médaillon terre cuite, signé B. Pigalio, 1884
Vente aux enchères Osenat des 18-21 décembre 2020 (lot 186 – invendu)

Alexis Pigalio, Fillette aux rubans, buste plâtre patiné terre cuite, 1890
DS Antiquités, 5675 route d’Avignon, 13540 Aix-en-Provence

Alexis Pigalio, Thérèse Lacroix, statue pierre, vers 1893
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement

Le sculpteur expose quelques-unes de ses mêmes œuvres aux expositions de l’Association des artistes marseillais : Bas-relief plâtre – très vraisemblablement Jeune mère et son enfant – et Chaperon Rouge, statue (1891, n°487 et 488) ; Mireille aux champs, statue pierre (1893, n°465). Il y présente également des portraits, l’une de ses principales ressources : Médaillon (1891, n°489) ; Mme N. C…, buste terre cuite (1893, n°464) ; Mme V…, buste (1895, n°311A)

Alexis Pigalio, Saint Pierre, Saint Barnabé et Saint Jules, statues pierre, 1895
Église Saint-Barnabé, 5 place Caire, 12e arrondissement

L’année 1895 marque le début de sa reconnaissance avec deux commandes importantes du clergé marseillais : d’une part, les figures de Saint Pierre, Saint Barnabé et Saint Jules pour le clocher de l’église Saint-Barnabé dont il présente les modèles à l’exposition de l’Association des artistes marseillais de 1895 (n°311) ; d’autre part, la chair de Saint-Vincent-de-Paul – Les Réformés. Hélas, le cancer le foudroie en pleine ascension à l’âge de 35 ans. Trois jours après sa mort, le conseil municipal décide d’acheter le plâtre d’Au nom du père (133 x 100 cm) pour musée des beaux-arts de Marseille ; une somme de 1 800 francs est dévolue à cet achat par délibération du 29 octobre 1895.
Malgré la maladie qui le ronge des années durant, Alexis Pigalio écrit un roman autobiographique plein de dérision, en langue occitane, publié en feuilleton dans le journal La Sartan : « Lei memòris d’un pasta-mortier » (« Les mémoires d’un gâche-mortier », 37 épisodes du 19 novembre 1892 au 26 août 1893). Il écrit également sous différents pseudonymes – Lo pasta-mortier (Le gâche-mortier), Mèste Alèxis (Maître Alexis), Jan lo Pipi (Jean le Proxénète) – des poèmes et une chanson intitulée « Leis estrancis d’un fregit » (« Les inquiétudes de quelqu’un qui a envie de quelque chose »).

Paris-midi, 3 avril 1914

Pour conclure, je signale juste que Pierre Pigalio, fils du sculpteur, se retrouve au cœur d’un fait-divers en avril 1914 : il tue par coups de feu son beau-père violent.

lundi 8 novembre 2021

Le Faune au tambourin (Louis Toncini sculpteur)

Lorsque l’on pense à Louis Toncini (Marseille, 30 novembre 1907 – Marseille, 27 décembre 2002), on pense immédiatement à un artiste peintre précoce qui participe en 1928 – il a alors 20 ans et est élève à l’école municipale des beaux-arts – à la présentation de la Jeune Peinture marseillaise dans sa galerie-librairie d’art Guibert, sise au cours Pierre Puget. En 1931, il fonde avec Léon Cadenel (1903-1985), Antoine Serra (1908-1995), Jean Tognetti (1910-1987) et François Diana (1903-1993) le groupe des peintres prolétariens. La revue Taches d’encres, publication desdits peintres prolétariens, le présente le 1er mars 1931, comme un peintre cherchant avant tout « la matière et le volume dans la sobriété. » À cette époque, ses sujets sont principalement urbains : usines, gares, ports, maisons entassées…
Cependant, c’est en tant que sculpteur qu’il débute sa carrière artistique et c’est encore cette profession qu’il indique sur l’acte de décès de son père, en 1934. Hélas, peu d’œuvres sculptées témoignent aujourd’hui de son activité d’ornemaniste.

Louis Toncini, Le Faune au tambourin, bas-relief, plâtre, 1930
Hall d’immeuble, 15 cours Joseph Thierry, 1er arrondissement

Un exemple de sa production sculptée subsiste à l’intérieur d’un immeuble construit en 1929 par les architectes Eugène Sénès (1875-1960) et Lafon au 15 cours Joseph Thierry (anciennement 43-45 cour du Chapitre). Il représente un Faune jouant du tambourin. Les lignes géométrisées et les formes stylisées sont caractéristiques du style art déco qui anime chaque détail du bâtiment.

Anonyme, mosaïque et vitraux, 1929-1930
Hall d’immeuble, 15 cours Joseph Thierry, 1er arrondissement

Cette scène d’inspiration mythologique, tout comme le phénix de la mosaïque, évoque un certain âge d’or classique ; en parallèle, les vitraux figurant les moyens de transport (avions, paquebot, automobile) évoque l’avènement d’un âge d’or moderne.

Louis Toncini, Le Faune au tambourin, bas-relief, plâtre, 1930
Hall d’immeuble, 15 cours Joseph Thierry, 1er arrondissement
Détail de la signature

Le Faune au tambourin tranche avec la production picturale  de Toncini. Mais il est vrai qu’il s’agit ici d’une commande et non d’une œuvre personnelle. Néanmoins, il la signe, preuve qu’il ne renie pas ce travail alimentaire.