vendredi 28 janvier 2022

L’enseignement de la sculpture à Marseille au XIXe siècle – 2

Henry Espérandieu, École des beaux-arts – bibliothèque
Place Carli, 1er arrondissement
Carte postale

Depuis le Directoire, le couvent des Bernardines accueille à la fois la bibliothèque, le musée, le muséum, le conservatoire, le lycée et l’école de dessin. Ces locaux exigus perdurent jusqu’à la fin du Second Empire. Aussi le nouveau cours ne peut-il décemment pas loger in situ. La municipalité loue donc successivement des espaces à proximité – le sous-sol de la faculté des sciences (1846), le n° 2 de la rue Ferrari (1857), le n° 23 du boulevard du Musée (1867) – avant que la sculpture rejoigne les autres arts en 1874 dans le bâtiment neuf de l’école des Beaux-Arts édifié par Henry Espérandieu (1829-1874). La salle attribuée à son enseignement mesure 22,10 m de long pour 7,80 de largeur. Un hémicycle rompt l’un des longs côtés. Trente-deux becs de gaz en assurent l’éclairage. Une fontaine dessert chaque extrémité de la classe. Le mobilier fait l’objet du même soin. En 1877, la Revue générale de l’architecture et des travaux publics publie les planches des différents meubles avec plans, coupes et élévations. Sept tables de 5,30 m sur 1,10 occupent l’espace et se répartissent comme suit : deux pour les principes, deux pour la section du buste, trois pour l’ornement copié et l’ornement d’après la gravure. Les quatre premières tables peuvent accueillir chacune seize élèves, tandis que les autres ont une capacité de douze places. Chaque étudiant possède un tabouret. Une centaine de jeunes gens suivent ainsi de concert les conseils du maître. Enfin, trente sellettes, douze pour l’académie d’après le plâtre et dix-huit pour le modèle vivant, complètent l’ensemble. Les cours d’académie se tiennent dans l’hémicycle.

« École des beaux-arts de Marseille. Mobilier de la classe de sculpture »
Revue générale de l’architecture et des travaux publics,
38e année, 4e série, vol. 4, 1877, pl. 17-18
Ensemble et détails

Bontoux professe seul, de 18 à 21 heures [1], durant quasiment trente ans en s’inspirant de l’apprentissage du dessin. Il pourvoit ses élèves en modèles de sa main et en moulages à partir desquels il enseigne tour à tour les fragments de figure, le médaillon, le buste, le torse, l’académie et le modèle vivant. De plus, à l’aide de masques constitués de boulettes amalgamées et d’écorchés, il aborde les rudiments de l’anatomie humaine. En 1874, l’appropriation du bâtiment d’Espérandieu s’accompagne d’un accroissement du corps professoral. Cette année-là, Émile Aldebert (1827-1924) est nommé professeur de modelage. En 1881, Bontoux fait valoir ses droits à la retraite et Ingénu Frétigny (1831-1891) le remplace. Ce dernier ne reste pas longtemps : il démissionne le 4 mai 1884. Aldebert assure l’intérim dans la classe de sculpture, qu’il garde à la nomination de Pierre Rey (1839-1923) comme professeur adjoint chargé de l’ornement, le 10 février 1885.


[1] Les séances sont prolongées jusqu’à 22 heures à partir du 21 juillet 1869.

vendredi 21 janvier 2022

L’enseignement de la sculpture à Marseille au XIXe siècle – 1

Lorsqu’on parle de sculpture à Marseille, Pierre Puget (1620-1694) s’impose dans tous les esprits : bien qu’il incarne l’archétype de l’artiste complet, le souvenir du sculpteur domine souvent celui de l’architecte et du peintre. Pour autant, la période faste de la sculpture marseillaise n’est pas le XVIIe mais le XIXe siècle. Ainsi, entre 1867 et 1896, six sculpteurs issus de l’École municipale des beaux-arts sont-ils récompensés d’un prix de Rome ([1]). Aucune autre époque, antérieure ou postérieure, n’obtient une telle densité de lauréats au prestigieux concours. Ce taux de réussite, circonscrit dans un court laps de temps, trouve en partie sa réponse dans la politique artistique menée par les édiles marseillais dans la deuxième moitié du XIXe siècle.

La fondation d’une classe municipale de sculpture

Étonnamment, la cité phocéenne ne s’intéresse que tardivement à la formation de ses sculpteurs et ornemanistes. Au XVIIIe siècle, c’est l’Académie de peinture de Marseille qui dispense cet enseignement sous la férule d’un artiste nommé Nicolas, à partir de 1756. Cependant, en 1793, la Révolution y met un terme et, lorsque l’école gratuite de dessin est instituée par le peintre Joachim Guenin en 1796, la statuaire ne figure plus au programme. Les aspirants sculpteurs crayonnent à l’école et pratiquent dans l’atelier d’un maître. Or, sous la Restauration et la monarchie de Juillet, la métropole connaît une pénurie criante de décorateurs qualifiés, si bien que les registres de l’école ne dévoilent aucun nom connu, hormis ceux de marbriers-sculpteurs tels que les frères Pierre (1808-1850) et Jules Cantini (1826-1916) ou la famille Galinier.

Pierre Cantini, Académie d’après le modèle vivant, 1824
Archives municipales de Marseille, 26 Fi - © Xavier de Jauréguiberry

Jules Cantini, Buste d’après l’antique, 1841
Archives municipales de Marseille, 26 Fi - © Xavier de Jauréguiberry

Jules Cantini, Bosse d’après l’antique, 1842
Archives municipales de Marseille, 26 Fi - © Xavier de Jauréguiberry

Amédée Galinier, Académie d’après le modèle vivant, concours d’émulation, 1842
Archives municipales de Marseille, 26 Fi - © Xavier de Jauréguiberry

Le directeur Augustin Aubert tente en vain de réintroduire la discipline dans le cursus en 1832. La classe de sculpture est finalement fondée en 1846 sous le directorat d’Émile Loubon alors qu’Aix-en-Provence possède une école spéciale de sculpture depuis 1776, expliquant la prédominance de l’école aixoise dans la première partie du XIXe siècle ([2]). Loubon confie la tâche d’organiser et de diriger la nouvelle classe à Antoine Bontoux (1805-1892). L’homme est le beau-frère de Thomas Clérian, directeur de l’école aixoise. Il a enseigné le dessin en lycée, non la sculpture… art qu’il n’a d’ailleurs pas appris ; il est autodidacte. Leurs détracteurs crient au scandale, prédisent l’échec. Pourtant, la classe est créée et rencontre le succès.


[1]  André Allar (1er accessit, 1867 ; prix de Rome, 1869), Jean-Baptiste Hugues (2e second prix, 1872 ; 1er second prix, 1873 ; prix de Rome, 1875), Jean Turcan (2e second prix, 1876), Henri Lombard (2e second prix, 1882 ; prix de Rome, 1883), Constant Roux (prix de Rome, 1894) et Auguste Carli (2e second prix, 1896).
[2] Aix forme plusieurs sculpteurs lauréats d’un prix de Rome : Marius Ramus (second prix, 1830), Félix Chabaud (prix de Rome de gravure en médaille, 1848), Hippolyte Ferrat (second prix, 1850).

samedi 8 janvier 2022

Sculptures, n°8

La nouvelle année commence avec une nouvelle publication à paraître : le n°8 de la revue Sculptures, publiée au PURH (Presses universitaires de Rouen et du Havre).

Sculptures, n°8, couverture

Voici le sommaire de ce numéro consacré aux « Techniques et matières industrielles » et contenant plusieurs varia (dont mon article) :

Laurent Baridon, Sébastien Clerbois & Denis Laoureux

Francesco Freddolini

 

Angela Dunstan



Pauline Carminati

Isabel Hufschmidt

Élodie Voillot


Éric Sergent

Claire Maingon

Thierry Dufrêne

Tarquin Sinan




Laurent Noet

Stéphane Richemond

Florent Allemand

Hélène Zanin


Nicolas Laurent

Philippe Dufieux

 

 
Introduction

Entre atelier et chantier. Les machines pour transporter et installer la sculpture en marbre à l’époque moderne La sculpture à l’ère de la reproduction mécanique.

James Watt, les techniques de reproduction et les inquiétudes au sujet de l’authenticité au cours du long xixe siècle       

Expérimentations et innovations techniques dans le domaine du moulage au xixe siècle

Le rôle des matériaux dans le succès de la
  commercialisation de la sculpture au xixe siècle en France et en Grande-Bretagne

Un état de la sculpture industrielle. Les fabricants de bronzes parisiens au
xixe siècle

Fonte et tombes. Entre marché de la mort, art et industrie

Le béton. Un matériau de prédilection pour la sculpture monumentale et architecturale

Les années plastique en France

« The Industrial Revolution ». Entre évidences, ruptures et mythes, une lecture des sculptures modernes anglo-saxonnes en métal

Actualité de la recherche
Varia

L’enseignement de la sculpture à Marseille au 
xixe siècle

L’Africaine aux calebasses
de James Pradier. Une œuvre charnière dans la représentation sculpturale du Noir

Femmes fleurs, fatales et médiévales. Image féminine et recherche décorative dans l’œuvre de Camille Alaphilippe

« Votre musée sera la protection de mon œuvre ». Rodin à Dresde, un nouveau regard sur le musée

Mezentsev, Konënkov et Korolëv. Trois sculpteurs au service de la propagande soviétique (1918-1919)

Républicanisme, maçonnerie et libre pensée. La
Liberté de Bartholdi à Roybon

Compte rendu

 
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Dans mes prochaines notices, je donnerai le texte de mon article sur « L’enseignement de la sculpture à Marseille au XIXe siècle ».