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vendredi 21 mai 2021

La fontaine d’Homère (Étienne Dantoine sculpteur)

Aujourd’hui, je vous livre une notice issue de mon guide historique des Fontaines de Marseille : la fontaine d’Homère dont il ne reste plus aujourd’hui que la colonne et le buste du chantre de l’Iliade et de l’Odyssée.

Étienne Dantoine, Colonne d’Homère, 1803
Ensemble et détail © Xavier de Jauréguiberry
Angle des rues d’Aubagne et Moustier, 1er arrondissement

Dédiée par « les descendants des Phocéens à Homère » selon la volonté du préfet Charles Delacroix, cette fontaine vient s’ajouter en 1803 à l’angle des rues d’Aubagne et Moustier à un lavoir préexistant. Sa colonne, provenant de Saint-Victor, est surmontée d’un chapiteau ionique et d’un buste en hermès d’Homère que Delacroix voulait « d’après l’antique », œuvre d’Étienne Dantoine (Carpentras, 1737- Marseille, 1809). L’inscription au revers du piédestal, à la gloire des consuls et du préfet, a été retirée en 1814. 

A. Karl, La fontaine d’Homère, gravure
Musée d’Histoire de Marseille, 81_2_14

Marius Guindon (1831-1919), Un coin du Vieux-Marseille, peinture, 1888
Musée Gassendi, Digne (carte postale)

Émile Henry (1853-1920), Laveuses à la colonne d’Homère, aquarelle
En vente à Marseille le 9 juin 2021, maison R&C (lot 169 - estimé 120/150 € / vendu 220 €)

Il s’agit de l’une des rares fontaines du Consulat qui se trouve à sa place originelle. Toutefois, le lavoir provoque des nuisances. Le 18 juin 1858, un riverain écrit au maire pour se plaindre : « […] cette petite place ornée du buste d’Homère, ombragée par un beau platane, serait charmante sans ce réservoir source de propos sales et dégoutants quotidiens lorsqu’ils ne sont pas suivis de disputes entre les mégères qui fréquentent ce lavoir. » Peu à peu, la fontaine s’assèche : elle perd d’abord son lavoir en 1898, puis son bassin rond en 1920.

Albert Perrin, La fontaine d’Homère, 1944

Située dans un quartier populaire, elle a inspiré un roman à Albert Perrin : La Fontaine d’Homère (1944).

mercredi 6 mars 2019

L’atelier-musée des frères Carli et la promotion de la sculpture religieuse à Marseille 7


Mais cet échec n’est pas imputable à l’artiste ! Dès lors, d’autres commandes municipales suivent, en particulier celle concernant le moulage des œuvres génoises de Pierre Puget. L’idée émane du conservateur du musée Philippe Auquier, relayée par le secrétaire général de la presse marseillaise Louis Fauché. Or Puget est à la mode : la Ville qui inaugure dans les mêmes temps un quatrième monument à la gloire de l’artiste baroque[1] s’enthousiasme pour le projet. François Carli, sollicité pour le travail, part en Italie avec la commission des Beaux-Arts en 1906 ; le 15 février 1907, le Conseil municipal approuve son devis de 17 500 francs. La commande comprend les moules et le tirage de deux épreuves (pour Gênes et Marseille) des œuvres suivantes : l’Assomption de la Vierge de l’Albergo dei Poveri (4 000 francs), Saint Sébastien et le Bienheureux Alessando Sauli de Santa Maria Assunta di Carignano (5 000 francs chacun) et l’Immaculée Conception de l’Oratoire de San Filippo Neri (2 000 francs). Une somme de 1 500 francs est prévue pour l’emballage et le transport à Marseille des moulages alors que les creux sont détruits sur place[2].

François Carli, Saint Sébastien, plâtre, 1908
Carte postale

François Carli, Assomption de la Vierge, plâtre, 1908
Musée Longchamp, 4e arrondissement

François Carli, Bienheureux Alessando Sauli et Immaculée Conception
Plâtre, 1908
Musée Longchamp, 4e arrondissement

Les travaux commencent par 15 jours de chômage pour cause administrative, entraînant un surcoût – une allocation compensatoire de 3 000 francs est d’ailleurs attribuée le 5 février 1908[3] – et durent près de 7 mois. D’autre part, pour la première fois, il est dit que François Carli emploie des collaborateurs.
Ici, la tâche colossale justifie la présence d’ouvriers ; toutefois, à Marseille, il est probable que l’atelier-musée emploie plusieurs personnes. La chance veut que l’un de ces employés ait gravi les échelons jusqu’à l’obtention du Prix de Rome en 1921. Aujourd’hui encore, le curriculum d’Élie-Jean Vézien (1890-1983) atteste ses années de formation : « En 1904- Entre chez le bijoutier Guérini, maître graveur et orfèvre, qui le fait entrer à l’École des Beaux-Arts et l’adresse chez le sculpteur François Carli qui lui enseigne la sculpture »[4]. En 1906, l’adolescent travaille toujours pour les Carli. Sans doute, est-il initié au moulage. En tous les cas, c’est dans l’atelier-musée qu’il obtient sa première commande : un bas-relief religieux, Saint Michel terrassant le dragon, pour le pan coupé d’un petit immeuble[5]. Les autres ouvriers, certainement, possèdent un profil proche : élèves ou anciens élèves de l’école des Beaux-Arts voisine.

Élie-Jean Vézien, Saint Michel terrassant le dragon, 1906
Angle des rues Tilsit et des Trois Frères Barthélemy, 6e arrondissement

La première guerre mondiale met un terme temporaire au commerce des frères Carli. Après le conflit, les raisons d’existence de l’atelier-musée diminuent, même si François Carli reprend son activité de sculpteur-mouleur. En effet, fort de son expérience professionnelle, il est nommé professeur moulage à l’école municipale des Beaux-Arts en octobre 1917, après le départ en retraite de son prédécesseur. En outre, son aura d’artisan d’art dépasse maintenant la seule sphère régionale : il revendique dans sa lettre de candidature des travaux exécutés pour les musées du Trocadéro et de Saint-Germain ainsi que pour l’hôpital militaire du Val-de-Grâce[6]. De son côté, Auguste devient professeur adjoint de sculpture pratique sur pierre et sur marbre (taille directe) à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts, le 30 juin 1919. Les deux frères, qui sont désormais des artistes reconnus, disposent donc de nouveaux outils pour promouvoir leurs œuvres : titres d’enseignant, travaux antérieurs, honneurs divers[7].
Par ailleurs, la Grande Guerre favorise le regain de la foi. De nouveaux saints sont canonisés : Jeanne d’Arc (1920), Jean-Marie Vianney (1925), Thérèse de l’Enfant Jésus (1925). De fait, le militantisme des frères Carli diminue : les expositions de Vierges cessent tandis que des manifestations de plus grande ampleur s’imposent : Paul Gonzalès préside ainsi la section d’art catholique lors de l’Exposition coloniale de 1922 et, en 1935, la Ville de Marseille organise une importante Exposition catholique.
Au final, l’âge d’or de l’atelier-musée ne dure qu’une quinzaine d’années. Toutefois, il participe fortement au rayonnement culturel de la cité phocéenne et à la richesse de son marché artistique qui voit dans le même temps l’apogée de l’école municipale des Beaux-Arts, la multiplication des salons artistiques (expositions des Artistes marseillais dès 1890, concours d’art décoratif de la Société des architectes des Bouches-du-Rhône dès 1897…), l’organisation de manifestations internationales (Exposition coloniale, 1906 ; Exposition d’Électricité, 1908) et l’émergence de véritable galeries d’art[8].


[1] Henri Lombard, Monument à Pierre Puget, groupe marbre inauguré le 16 septembre 1906. Existaient déjà la Fontaine Puget (Étienne Dantoine, 1801), la Colonne Puget (Jean-Joseph Foucou, 1816) et la statue de Puget (Marius Ramus, 1855).
[2] Musée des Beaux-Arts, moulage des œuvres de Puget qui sont à gênes – soumission F. Carli, A.M.M. 1D187, délibération du 15 février 1907, p.175-176.
[3] Musée des Beaux-Arts, moulage des œuvres de Puget par Carli – mémoire supplémentaire, A.M.M. 1D189, délibération du 5 février 1908, p.59-60.
[4] Élie-Jean Vézien, Curriculum vitæ, s.d. (vers 1950-1960), collection particulière.
[5] Ibid. : « En 1906- première réalisation artistique : bas-relief en pierre ‘‘St Georges terrassant le dragon’’ décorant l’angle de l’immeuble, rue [sic] St Pierre et Tilsit. » ; avec le temps, Élie-Jean Vézien se trompe sur l’iconographie, le personnage ailé ne pouvant être associé à saint Georges.
[6] lettre de candidature de François Carli du 8 octobre 1917, A.M.M. 31R105 – professeurs de l’école des Beaux-Arts, 1809-1933.
[7] Auguste Carli obtient la Légion d’honneur en 1911 ; François Carli l reçoit en 1933, mais était déjà officier d’Académie.
[8] Auparavant, les artistes exposaient surtout dans les vitrines du centre-ville, La Belle Jardinière par exemple.