jeudi 30 novembre 2023

Gustave Guétant

Dans mon dernier post, j’ai parlé de Gustave Guétant mais, jusqu’à présent, je n’ai pas eu l’occasion de donner sa notice biographique issue du Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur. Je répare cette omission aujourd’hui en l’enrichissant

Portrait âgé de Gustave Guétant

GuÉtant Gustave Paul (Marseille, 25 mai 1873-Paris, 21 juillet 1953), sculpteur et relieur

Fils d’un relieur d’art, Gustave Guétant entre à l’École des beaux-arts de Marseille en 1893. En 1896, il devient pensionnaire de la ville en remportant le concours triennal avec un bas-relief illustrant la Rencontre d’Évandre et d’Énée (Virgile, Énéide, VIII, 102-369). À Paris, il devient l’élève d’Ernest Barrias (1841-1905) et de Jules Coutan (1848-1939).

Gustave Guétant, Académie d’homme, dessin, fin du XIXe siècle
Vente aux enchères, Marseille (De Baecque – successeur Leclère), 23 février 2011

Il commence à exposer des statuettes de jeunes femmes au Salon de la Société nationale des beaux-arts : Mme F. (1902) ; Joueuse de tennis, un revers et Joueuse de tennis, la volée haute (plâtre patiné, 1903). À partir de 1904, il fréquente le Salon des artistes français : Mlle Madeleine N. (plâtre, 1909 ; bronze, 1910, mention honorable). On trouve ainsi plusieurs sculptures féminines de cette époque éditées en grès par Mougin à Nancy ou en terre cuite.

Gustave Guétant, Baigneuse, statuette, grès Mougin
Vente aux enchères, Gand (Belgique), 29 octobre 2018

Gustave Guétant, Arlésienne, buste, grès Mougin
Vente aux enchères, Paris (Million), 25 novembre 2021

Gustave Guétant, London 1789, statuette, terre cuite, 1908
Vente sur Ebay 28 février 2019
Cette sculpture est éditée par Émile Liez, spécialiste du costume du XVIIIe siècle.

Toutefois, Gustave Guétant expose surtout des reliures en cuir ciselé au Salon des artistes français, dans la section d’art décoratif ou d’arts appliqués : 1904, 1905 (médaille de 3e classe), 1906 (médaille de 2e classe), 1909, 1910 (médaille de 1ère classe), 1911, 1912, 1923.

Gustave Guétant, La Morte amoureuse de Théophile Gautier, cuir ciselé, 1904

Gustave Guétant, trois cuirs ciselés dont un daté de 1906, Galerie Robert Zehil (Monaco)

Gustave Guétant, Le Neveu de Rameau de Denis Diderot, cuir ciselé, 1924, Ebay

Il est mobilisé le 2 août 1914, il se retrouve sur le front, dans les tranchées des Vosges, dès le 2 novembre. Il tire de son expérience des croquis de paysages – jamais de personnages – évoquant de façon ironique les conditions difficiles de la vie des soldats (Au courant d’air ; Aux cuistots) ou façon sobre la tragédie de la guerre (Après la rafale) ; ils sont édités en cartes postales sous le titre Souvenirs d’un poilu. Ses qualités de dessinateur lui permettent finalement de quitter les tranchées en février 1916 pour rejoindre la section topographique. Mais, bientôt, la dépression et la maladie font qu’il est hospitalisé pendant huit mois. En février 1918, il revient au service auxiliaire des armées avant d’être réformé le 19 août. C’est désormais un homme brisé qui, pendant plusieurs années, a des difficultés à se mouvoir.

Gustave Guétant, Souvenirs d’un poilu – Au courant d’air, carte postale

Gustave Guétant, Souvenirs d’un poilu – Aux cuistots, carte postale

Gustave Guétant, Souvenirs d’un poilu – Après la rafale, carte postale

Sans les années 1920, il reprend progressivement son activité de relieur d’art et d’illustrateur de livre. Enfin, au début des années 1930, il renoue avec la sculpture. Son inspiration est désormais exclusivement animalière avec une prédilection pour les fauves. Il expose à nouveau au Salon des artistes français où plusieurs de ses œuvres sont primées et acquises : Le premier crayon – chimpanzé (statuette bronze à cire perdue, 1931, médaille de bronze, acquis par l’État et déposé au musée Cantini) ; Les deux amis – lions (groupe bronze à cire perdue, 1935, médaille d’argent, acquis par la ville de Marseille) ; Buffle d’Égypte (statuette bronze cire perdue, 1940, acquis par l’État)…

Gustave Guétant, Chimpanzé, dessin, vers 1930, Antikeo

Gustave Guétant, Le premier crayon – chimpanzé, plâtre, 1930
Vente aux enchères, Marseille (De Baecque – successeur Leclère), 23 février 2011

Gustave Guétant, Guépard, dessin
Vente aux enchères, Marseille (De Baecque – successeur Leclère), 23 février 2011

Gustave Guétant, Yack, bronze (C. Valsuani fondeur), 1940, Galerie Xavier Eeckhout (Paris)

dimanche 26 novembre 2023

Vente aux enchères

Chaque année, à l’automne, la maison parisienne Crait + Müller propose une importante vente aux enchères de sculpture. La prochaine aura lieu à l’Hôtel Drouot, salle 10, le 8 décembre 2023. Cette année encore, plusieurs sculpteurs marseillais sont représentés.

Lot 66 : Auguste Carli, La lutte de Jacob avec l’ange ou Esprit et Matière
Bronze à patine brune fondu par A. Planquette, H. 75 cm – estimation : 2800/3500 €

Auguste Carli (1868-1930) réalise vers 1901 une première version du groupe avec un ange aux ailes déployées. En 1902, il envoie au Salon des artistes français un plâtre colossal (3,65 m) qui obtient une médaille de 1ère classe conjointement avec le marbre du Christ et Sainte Véronique. L’œuvre est acquise par un collectif d’amateurs et d’amis qui l’offre au musée des beaux-arts de Marseille.
Deux fondeurs vont éditer des réductions de la sculpture. Susse frères réalise une version de 1,03 m de haut ; A. Planquette propose une taille plus modeste de 75 cm. Quoi qu’il en soit, ces éditions datent vraisemblablement du début de l’Entre-deux-guerres, au moment où Carli exécute une version en bronze haute de 3,20 m pour la république du Paraguay (1918).

Lot 126 : Thomas Cartier, Chat persan à la pelote
Bronze à patine brun clair nuancé de vert, H. 14,5 cm – estimation : 600/800 €

Lot 127 : Thomas Cartier, Chat angora au collier
Bronze à patine brun clair H. 16 cm – estimation : 800/1000 €

Lot 128 : Thomas Cartier, Chat angora
Bronze doré, H. 14,5 cm – estimation : 700/800 €

Thomas Cartier (1879-1943) se spécialise dans la sculpture animalière qu’il expose assidument au Salon des artistes français entre 1904 et 1935. Dès ses débuts, il présente des chats. Ainsi, en 1908, il obtient une mention honorable pour un Chat se léchant (statuette bronze) associé au groupe en plâtre Agonie et, en 1912, il montre un Chat persan en céramique dans la section d’art décoratif.

Lot 130 : Gustave Guétant, Chat à la toilette
Bronze à patine brune, cire perdue de C. Valsuani, H. 8,8 cm – estimation : 1200/1500 €

Le cachet du fondeur Claude Valsuani, actif de 1908 à 1923, est conservé par son fils et successeur Marcel Valsuani. De fait, ce Chat à la toilette de Gustave Guétant (1873-1953) est probablement postérieur à 1923 puisque le Marseillais se tourne tardivement vers la sculpture animalière : dans les années 1930, il expose essentiellement des lions et des lionnes.

Lot 180 : Marcel Damboise, Portrait de Danielle Damboise
Tête en marbre sur une base en bois naturel, H. 19 cm – estimation : 3000/4000 €

Crait + Müller disperse depuis plusieurs années le fonds d’atelier de Marcel Damboise (1903-1992). Cette fois, il s’agit d’une petite tête en marbre blanc. Il s’agit d’un portrait de Danielle, la fille de l’artiste. Cette petite œuvre rappelle que Damboise, issu d’une modeste famille marseillaise, a abandonné sa formation à l’École des beaux-arts pour devenir tailleur de pierre.

lundi 20 novembre 2023

De Toulon à La Londe les Maures

Une fois n’est pas coutume, je quitte Marseille pour Toulon afin d’évoquer une exposition dont je suis le commissaire scientifique et qui ouvre ses portes au public la semaine prochaine.

De Toulon à La Londe les Maures
André et Gaudensi Allar
1850-1900 

Le Musée d’Art de Toulon et le château des Bormettes à La Londe les Maures recourent, dans de la seconde moitié du XIXe siècle, à la même équipe d’architectes et de décorateurs : le théoricien de la polychromie monumentale Paul Sédille (1836-1900), le céramiste Jules Loebnitz (1836-1895) et surtout les frères André et Gaudensi Allar (1845-1926 / 1841-1904). Ces derniers, l’un sculpteur l’autre architecte, s’associent dans les mêmes temps afin d’offrir à leur ville natale et à ses environs quelques-uns de leurs plus remarquables monuments.

André Allar, Gaudensi Allar, 1905
Buste, marbre, Musée d’Art de Toulon, 2009.0.2

André Allar Jules Loebnitz, circa 1895 ?
Buste, bronze sur un socle de marbre vert-de-mer, Musée d’Art de Toulon, 2023.1.1

L’exposition du MAT, en partenariat avec la Mairie et l’Office de tourisme intercommunal de La Londe les Maures, propose une balade d’un territoire à l’autre.

La première étape s’effectue au château des Bormettes, petit joyau d’éclectisme voulu par ses propriétaires successifs. Alors que le peintre Horace Vernet (1889-1963) conçoit avec l’architecte hyérois Victor Trotobas (1807-1884) une demeure de type maison-forte médiévale à la fin des années 1850, l’industriel Victor Roux (1819-1893) remanie et agrandit le château en une agréable villégiature entre 1874 et 1890. Ses maîtres d’œuvre, Paul Sédille et Gaudensi Allar, ajoutent de multiples références Renaissance et orientalistes, notamment par l’adjonction de décors en terre cuite émaillée provenant de la manufacture Loebnitz.


André Allar et Ferdinand Gaidan (1824-1900), L’AgricultureLe Travail et La Famille, 1890
Bas-reliefs, terre cuite émaillée, Château des Bormettes, La Londe les Maures
Seuls décors en terre cuite émaillée non réalisés par Jules Loebnitz, ces bas-reliefs sont réalisés à Marseille dans l’atelier du céramiste et chimiste Ferdinand Gaidan. Ils sont aujourd’hui en mauvais état.

Le château des Bormettes met en lumière l’entreprise de faïences décoratives de Jules Loebnitz dont on découvre aujourd’hui l’importance et l’influence en Provence. Le prêt de céramiques, de photographies, de peintures et de magnifiques planches de catalogues par le MUDO – Musée de l’Oise montre cette interaction artistique et industrielle entre Paris et la province. Ainsi, grâce à la collaboration de ses amis Paul Sédille et André Allar, le céramiste triomphe-t-il lors des Expositions universelles de 1878 et 1889.

André Allar L’Étude, 1884
Bas-relief, plâtre polychrome, collection personnelle
Ce projet de céramique n’aboutit pas ; il est finalement traduit en bronze et inséré dans le manteau de cheminée de l’hôtel Arbaud, à Aix-en-Provence

André Allar (attribués à) et Jules Loebnitz, La Rose et Le Lys, circa 1884
Médaillons, terre cuite émaillée, Musée d’Histoire de Toulon et de sa région 
Ces deux médaillons sont exposés dans le stand Loebnitz lors de l’exposition de l’Union des arts décoratifs de 1884, à Paris.

Le parcours s’achève avec les frères Allar, gloires toulonnaises de la fin du XIXe siècle, notamment André qui reste l’unique grand prix de Rome de sculpture varois. Durant la décennie 1880-1890, ils œuvrent de concert à l’École Rouvière, à la Fontaine de la Fédération et au Musée-Bibliothèque, leur chef-d’œuvre. Là, le statuaire conçoit quatre cariatides en pierre pour les loggias mais également des petits panneaux en terre cuite émaillés par Loebnitz.

Victorien Bastet (1852-1905) et Jules Loebnitz, Mirabeau et Massillon, 1887
André Allar et Jules Loebnitz, Putti, 1887
Médaillons et bas-reliefs, terre cuite émaillée, façade du Musée d’Art de Toulon
© Xavier de Jauréguiberry

L’exposition, qui se tient dans le cabinet d’arts graphiques, présente une soixantaine de documents variés : peintures, sculptures, gravures, photographies, céramiques… Elle apporte un éclairage nouveau sur des personnalités aujourd’hui méconnues, sur des patrimoines à redécouvrir et à protéger.