Dès
la réouverture de la chapelle de la Garde au culte en 1807, la ferveur
populaire réclame une nouvelle effigie d’argent pour remplacer la Vierge à
l’ostensoir, fondue sous la Révolution. Ce vœu devient possible grâce au don de 3 000 francs de la
duchesse d’Angoulême – Marie-Thérèse de France, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette
– venue en pèlerinage le 15 mai 1823. Au demeurant, cette munificence suscite
d’autres donations – notamment de la part du baron Maxence de Damas, ministre
de la Guerre, et de la Chambre de commerce – qui permettent, enfin, de passer
commande.
Pour
autant, la Provence ne compte, à cette époque, aucun statuaire renommé. Les administrateurs
du sanctuaire s’adressent alors à Rome mais les figures soumises, à l’attitude
baroque et aux riches vêtements, ne répondent pas à leur attente :
« Marseille souhaitait une statue qui réunit à la candeur virginale et à
l’expression de le Bonne Mère, des formes décentes, gracieuses et
régulières » (notice sur la statue d’argent, citée par Arnaud d’Agnel,
1923, p.115). Les commanditaires consultent finalement le comte Auguste de
Forbin, directeur général des musées royaux : celui-ci conseille de
choisir deux artistes distincts, un statuaire et un orfèvre, puis recommande Jean-Pierre
Cortot (1787-1843).
Ce
grand prix de Rome de sculpture est au faîte de sa gloire : il est membre
de l’Institut depuis 1825 et nommé professeur à l’École royale des beaux-arts
en 1826. Il s’investit avec ardeur dans le projet, n’hésitant pas à détruire
deux essais insatisfaisants. Le troisième est le bon ! Au Salon de 1827,
sous le n°1077, il expose « La Vierge et l’Enfant Jésus, groupe fondu en
argent pour l’église de Notre-Dame de la Garde, à Marseille. » Le libellé
du catalogue est néanmoins trompeur : il s’agit, en fait, du modèle en
plâtre.
Plus
grande que nature, l’œuvre doit être placée en surplomb : le Sauveur se penche
ainsi vers le fidèle et ouvre les bras dans un geste d’accueil tandis que
Marie, les yeux baissés, médite sur le mystère de la Rédemption. La sculpture
est aujourd’hui polychromée ; or les critiques du Salon n’en font pas état.
Cette coloration date probablement de l’époque où le plâtre est déposé dans la
maison des Oblats de Marie-Immaculée, congrégation fondée par Mgr Eugène de
Mazenod dont les membres sont les aumôniers de Notre-Dame de la Garde.
Après
son exposition, le modèle de Cortot est confié à Charles Crozatier (1795-1855),
un bronzier d’art et fondeur installé à Paris. Cependant, le coulage en argent
d’une pièce aussi grande s’avère des plus complexes : le métal refroidit
avant d’emplir tous les interstices du moule. La solution serait d’élargir les
espaces pour permettre au matériau de couler plus vite, mais cela impliquerait un
poids d’argent colossal et un coût exorbitant. Les différentes tentatives se
soldent donc par des échecs et Crozatier finit par renoncer.