mardi 30 juin 2020

Immeuble Aldebert (Émile Aldebert sculpteur)

Voici une nouvelle notice que j’ai rédigée pour l’exposition photographique Tête à tête, portraits de façades marseillaises, organisée par l’association ESSoR à la Préfecture des Bouches-du-Rhône pour les Journées du Patrimoine de 2007.

Dès 1851, Émile Aldebert (1828-1924) participe aux expositions de la Société artistique des Bouches-du-Rhône où il montre de plaisantes statuettes mythologiques, des allégories et des portraits. Toutefois, c’est comme ornemaniste qu’il se forge une renommée. De fait, on le croise sur de nombreux chantiers marseillais du Second Empire, notamment ceux du Palais de Justice et de la Préfecture des Bouches-du-Rhône. Cela lui ouvre par la suite une carrière d’enseignant à l’école des beaux-arts de Marseille – il est nommé professeur de modelage (1874) puis de sculpture (1884) – ainsi que les portes de l’Académie de Marseille (1884).

Immeuble Aldebert
11 rue Louis Maurel, 6e arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry

En 1860, il s’installe son domicile au 11, rue de l’Obélisque (aujourd’hui rue Louis Maurel) tandis que son atelier se trouve au 22, rue des Princes. Mais, vers 1863, il a l’occasion de récupérer le local commercial de son immeuble pour son activité professionnelle. Il entreprend alors, en 1864, d’orner son immeuble, montrant son savoir-faire comme sur une affiche publicitaire.

Émile Aldebert, médaillons et trophées, 1864
11 rue Louis Maurel, 6e arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry

Le décor, varié, se développe sur toute la façade : un cartouche très ouvragé en dessus-de-porte, des dauphins et une tête de Neptune sur les linteaux du premier niveau, des mufles de lion au-dessus des fenêtres du second étage. Cependant, les trumeaux de l’étage noble sont plus particulièrement favorisé : là, deux médaillons féminins, de profil et en vis-à-vis, dominent des trophées allégoriques symbolisant la Peinture (palette, pinceaux, rouleaux, rapporteur…) et la Sculpture (sellette, ciseaux, maillet, vase d’orfèvrerie…). Il s’agit de l’épouse et de la fille du sculpteur. Dessous, deux cartouches rectangulaires contiennent l’un le monogramme de l’artiste propriétaire (EA) et l’autre la date du décor (1864). Enfin, il convient de noter la mise en abîme dans les trophées de deux bustes masculins, vraisemblablement inspirés du statuaire marseillais Pierre Puget (1620-1694).

dimanche 14 juin 2020

Victor Hugo (sculpteur inconnu)

Voici une notice que j’ai rédigée pour l’exposition photographique Tête à tête, portraits de façades marseillaises, organisée par l’association ESSoR à la Préfecture des Bouches-du-Rhône pour les Journées du Patrimoine de 2007.

Façade et porte d’entrée de l’immeuble, vers 1885
4, rue Sainte-Barbe, 1er arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry

L’on peut s’étonner de l’apparition de Victor Hugo (1802-1885) sur une façade marseillaise bien qu’il n’ait aucun lien particulier avec la cité phocéenne. La raison est sans doute que la mort du grand homme coïncida avec la construction du quartier Colbert où s’insère le petit immeuble du charron François Giroud. Mais, par-delà l’admiration du personnage, le portrait semble véhiculer un opinion politique.

Anonyme, Victor Hugo, clé de porte, vers 1885
4, rue Sainte-Barbe, 1er arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry

En effet, ce décor modeste, ornant la clé de l’arc de la porte d’entrée, ne rend pas hommage au seul poète : aucun attribue littéraire (plume, livre, etc.) n’accompagne le buste en hermès. Représenté âgé et nommément identifié, l’effigie laurée (symbole de victoire et de gloire) de Victor Hugo se détache sur un cuir enroulé terminé par des feuilles de chêne (symbole de force) ; de part et d’autre, des palmes se déploient sur l’arc de la porte, celles du martyr de la République plutôt que les palmes académiques.
Souvenons-nous alors que Victor Hugo, pair de France sous Louis-Philippe et député en 1848, fuit le pays au lendemain du coup d’état du 2 décembre 1851 et entame sa croisade pamphlétaire contre Napoléon III (1808-1873), « Napoléon-le-Petit » (Les Châtiments, 1853). Il ne revient à Paris qu’à la chute du Second Empire, en 1870, auréolé d’une grande gloire qui se mue en immense émotion à l’annonce de sa mort, le 22 mai 1885. La Chambre et le Sénat votent aussitôt, à la quasi-unanimité, des obsèques nationales : exposé sous l’Arc de Triomphe, son corps est veillé par le peuple, puis accompagné jusqu’au Panthéon au rythme des « Vive Hugo ! » C’est donc un exemple de cette ferveur populaire et républicaine que l’on retrouve sur cette clé de porte. Mais, François Giroud manifeste peut-être également contre la Ville qui a rebaptisé l’ex-rue de l’Impératrice non pas du patronyme de son héros mais de celui de Colbert, ministre du roi Louis XIV.

jeudi 4 juin 2020

Blason des Messageries Maritimes (Félix Guis sculpteur)

La place Sadi Carnot – rebaptisée ainsi en souvenir de la visite du président de la République, les 16 et 17 avril 1890 – est inaugurée en 1868. Elle devient rapidement un haut lieu de spectacles. Elle accueille, entre autres, le cirque Cottrely (1872-1876) ou le théâtre de l’Alhambra (1895) qui brûle le 17 avril 1903. Sur ses ruines, l’architecte Jean Séguéla (1862-1910) édifie l’hôtel Régina en 1908. Ce palace de 250 chambres, reconnaissable à sa tour, est alors le seul établissement de luxe à proximité du Vieux-Port et des docks. Par la suite, la Compagnie des Messageries Maritimes rachète l’hôtel pour en faire son siège phocéen.

L’hôtel Régina, carte postale

En 1851, l’armateur marseillais Albert Rostand (1818-1891) s’associe à Ernest Simons, le directeur des Messageries Nationales, afin d’étendre l’activité de cette société sur les mers. La nouvelle compagnie des Messageries Nationales – devenue rapidement Messageries Impériales – prend son nom définitif en 1871. Sa fonction est double : d’abord, transporter des passagers et du fret ; ensuite, assurer le transport du courrier et des messageries.
Les Messageries Maritimes remodèlent la façade de l’ancien hôtel… vraisemblablement entre 1945 et 1960. La tour disparaît et, pour orner la fenêtre d’honneur, le sculpteur Félix Guis (1887-1972) reçoit la commande d’un grand médaillon ovale représentant leur blason : une tête de cheval, coiffée d’une couronne crénelée, sur une ancre. Une fois le modèle en plâtre accepté, l’artiste réalisa le motif dans un matériau pérenne (béton ?).

Félix Guis, blason des Messageries Maritimes
Médaillon plâtre, collection de l’Association French Lines
Façade de l'ex-siège des Messageries Maritimes

Place Sadi Carnot, 2e arrondissement

La Compagnie des Messageries Maritimes, absorbée par la Compagnie Générale Transatlantique pour devenir la Compagnie Générale Maritime, cesse d’exister le 23 février 1977. L’administration récupère alors son siège pour y héberger les services administratifs du Trésor Public. En péril depuis quelques années, le bâtiment a fait l’objet d’une consolidation des façades permettant sa réouverture au public en février 2020.