vendredi 26 juillet 2019

Liens d’Henri Lombard avec la famille Rougier

Fils de l’architecte marseillais Joseph Jérôme Rougier (1823-1874), Paul Rougier (1849-1899) est rentier et poète (Les Rêves, 1887). Il est difficile de savoir quand et comment il rencontre le sculpteur Henri Lombard (1855-1929) ; peut-être est par l’intermédiaire de son frère, l’architecte Frédéric Lombard (1850-1906), qu’il fréquente également et qui a quasiment son âge.

Henri Lombard, bronze à la cire perdue, 1890
Photographie, collection personnelle

La première preuve établissant une relation entre le poète et le sculpteur date de 1891. Il s’agit d’une photographie d’un buste en bronze de Lombard, sans doute acquis par Paul Rougier au salon marseillais, en janvier 1891. En fait, cette année-là, le statuaire expose à Marseille deux bronzes à cire perdue – Tête (n°482) et Buste (n°481) – ayant figuré précédemment au Salon des artistes français, à Paris, en 1891 (n°4175 et 4176). Sans descriptif plus précis, il est difficile d’établir quelle œuvre correspond à ce portrait féminin.
Cette relation se révèle amicale lors de la parution du recueil Dixains sur des fleurs de Provence (1899). Chaque poème est dédié à ses proches, qu’ils soient de sa famille (son frère Henri Rougier et sa belle-sœur Jeanne) ou de son cercle amical. Ainsi dédicace-t-il « Les Lauriers » (I et II) à Henri Lombard et « Les Lauriers-roses » à Frédéric Lombard.

Henri Lombard, Paul Rougier, encre et rehauts de gouache, vers 1899
Collection personnelle

Paul Rougier disparaît brutalement à l’âge de 50 ans, l’année même de la publication de ce recueil. C’est sans doute à cette époque que le sculpteur réalise son portrait à l’encre. L’imprimeur marseillais Henri Michel (1861-1944) en tire une gravure qui servira de frontispice pour la publication posthume des dernières poésies de Rougier en 1901.
Henri Lombard reste proche d’Henri et Jeanne Rougier, comme le montre la dédicace d’un Génie en plâtre qu’il leur offre. Ce fragment, peut-être conçu pour le piédestal du Monument à Pierre Puget (1906), porte l’inscription suivante : « À mes amis Rougier - H. Lombard 1905 » ; Henri Rougier le donnera au musée du Vieux-Marseille en 1939.

Henri Lombard, Jeanne Rougier, buste, terre cuite, s.d.
Ancienne collection Annie Lombard-Vaïsse

Peu ou prou à la même époque, le statuaire sculpte le buste de Jeanne Rougier, comme le prouve une petite terre cuite restée dans la descendance de l’artiste.
Peu après, de sa propre initiative ou à la demande d’Henri Rougier, Henri Lombard modèle un buste allégorique à la mémoire du poète disparu. Il l’intitule Les Lauriers en souvenir des deux dizains qui lui étaient dédiés. Ce buste est exposé dans plusieurs manifestations : Salon des artistes français (1907, terre cuite, n°3085) ; exposition internationale d’électricité de Marseille (1908, terre cuite, n°551) ; exposition franco-britannique (1908, plâtre, n°984). Par ailleurs, la Manufacture de Sèvres en réalise une édition en pâte de verre dès 1907

Henri Lombard, Pivoines, buste en marbre, vers 1911
Collection particulière, Marseille

Enfin, le sculpteur offre un buste en marbre à Marguerite Rougier (1891-1949), nièce de Paul Rougier, à l’occasion de son mariage à Marseille avec Henri Eiglier (1885-1916) le 25 avril 1911. Une fois encore, la dédicace traduit les liens d’amitié qui l’attache à la famille Rougier : « À Henri et Marguerite / Eiglier affectueusement / H. Lombard ».

samedi 20 juillet 2019

Berthe Girardet

Aujourd’hui je vous livre une notice biographique que j’ai écrite pour le Dictionnaire des Marseillaises, publié aux éditions Gaussen en 2012 :

Girardet Berthe, née Imer (Marseille, 8 avril 1861 – Neuilly-sur-Seine, 6 décembre 1948), sculptrice
Elle a pour parents Charles Gustave Imer, riche négociant protestant d’origine suisse installé à Marseille, et Hélène Rogers, fille d’un négociant américain implanté à Naples. Elle se forme à la sculpture dans l’atelier d’Émile Aldebert (1827-1924) avant de compléter brièvement – trois mois ! – sa formation artistique à Paris auprès d’Antonin Carlès (1851-1919).
Elle expose ses œuvres sous son nom de jeune fille jusqu’à son mariage à Marseille en janvier 1893 avec le peintre-graveur suisse Paul-Armand Girardet (1859-1915). Elle présente ainsi, de 1890 à 1893, des bustes aux expositions de l’Association des artistes marseillais. Parallèlement, à Paris, elle figure au Salon des artistes français auquel elle demeure fidèle jusqu’en 1944 ; elle y obtient une mention honorable en 1901. Elle paraît également au Salon d’automne (1904) et surtout à l’Union des femmes peintres et sculpteurs (1902-1943) où elle reçoit le prix de sculpture en 1907. Lors de l’Exposition universelle de 1900, elle exhibe trois de ses œuvres dans la section helvète et est récompensée d’une médaille d’or. En février 1925, la galerie parisienne Jean Charpentier lui consacre une importante exposition rétrospective (31 pièces) ; elle partage alors cet espace avec son gendre Luc Lanel (1893-1965), orfèvre chez Christofle et céramiste.
Son œuvre se compose principalement de portraits (Paul Girardet, 1894 – musée de Neufchâtel ; Mes enfants, 1901 ; Heureuse mère – Mme Ph. Bourcart et ses filles, 1911, la décoratrice Arlette Vogue, 1929 ; le président de la République Albert Lebrun, 1936…) et de types (Pêcheur du Tréport, 1891 ; Le Torero, 1897 ; La Vieille, vers 1900 – musée de Neufchâtel…) ainsi que de scènes de genre (La Veille de Noël, 1898 ; Le Virage, 1907 ; La Maternelle, 1908 – Petit Palais, Paris…).

Berthe Girardet, Heureuse mère, marbre, 1911, carte postale

Berthe Girardet, Le Toréro, terre cuite, 1897, galerie DMP, Paris

Berthe Girardet, Le Virage, plâtre, 1907, carte postale

Berthe Girardet, La Maternelle, plâtre, 1911, carte postale

Si elle réalise quelques sculptures en pied, elle se spécialise surtout dans les groupes à mi-corps : La Bénédiction de l’aïeule, 1902 ; L’Enfant malade, 1904 – Petit Palais, Paris ; Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien, 1913 – The Detroit Institut of Art, USA...

Berthe Girardet, L’Enfant malade, marbre, 1904, Petit Palais, Paris

Berthe Girardet, Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien, marbre, 1913
The Detroit Institut of Art, USA

Après la première Guerre mondiale dans laquelle disparaît son fils aviateur, la commémoration des victimes du conflit (À l’hôpital pendant la grande Guerre, 1919 ; Les Femmes de France, 1922 ; Aux héros inconnus, 1923 – ossuaire de Douaumont…) et la religion (Vierge douloureuse des pays dévastés, 1921 ; Sainte Thérèse de l’enfant Jésus, 1927…) occupent une part important de sa production même si, dans la même période, elle réalise pour la Ville de Marseille un bas-relief intitulé Sérénité (1933 – allée Ray Grassi).

Berthe Girardet, Les Femmes de France, plâtre, 1922, carte postale

Berthe Girardet, Aux héros inconnus, pierre, 1923, carte postale

Berthe Girardet, Sérénité, marbre, 1933
Allée Ray Grassi, 8e arrondissement

Enfin, soucieuse de l’édition de ses œuvres, elle collabore entre autres avec les manufactures de Sèvres et de Charenton (biscuit, grès polychrome) ainsi que la maison Christofle (bronze galvanisé).
Aujourd’hui, une rue du 3e arrondissement de Marseille porte son nom.

Rue Berthe Girardet

vendredi 12 juillet 2019

Sirène (Pierre Roche sculpteur)

Dans le Guide des fontaines de Marseille, je présente la fontaine du jardin d’enfants du parc Chanot comme « une Sirène de bronze, généralement attribuée à la sculptrice Berthe Girardet » (1861-1948). Par ailleurs, je la pensais contemporaine de la réalisation du jardin d’enfants (1936-1938). Or il n’en est rien !

Le parc Chanot sous la neige, photographie, 15 janvier 1926
Archives municipales de Marseille, 38 Fi 433

En 2018, Marie-Noëlle Perrin, des archives municipales de Marseille, m’a signalé une photographie datée du 15 janvier 1926 montrant la fontaine, déjà en place, sous la neige. Du coup, se repose la question de la date de son installation. Puisqu’elle date d’avant 1926, aurait-elle été érigée à l’occasion de l’Exposition coloniale de 1922 bien que, à ma connaissance, aucun document iconographique de cette époque – photo ou carte postale – ne la représente ?
Or, voilà que, très récemment, j’ai découvert une carte postale qui identifie le sculpteur… et épaissit le mystère !

Pierre Roche, Sirène, carte postale

L’artiste est Pierre Massignon, dit Pierre Roche (Paris, 2 août 1855 – Paris, 18 janvier 1922).  Ce touche-à-tout de la période Art nouveau est tour à tour sculpteur, peintre, graveur, céramiste, décorateur et médailleur. On lui doit quelques monuments publics, notamment à Paris, comme L’Effort (vers 1898) au jardin du Luxembourg ou la Fontaine d’Avril (1906) au Square Brignole-Galliera.
Le style de la Sirène correspond bien au style de Pierre Roche ; l’attribution me semble donc incontestable. Cependant, l’artiste parisien est mort au tout début de l’année 1922, avant l’Expo coloniale. L’œuvre a-t-elle donc été commandée pour l’événement ? Ou la ville l’a-t-elle acquise à une autre occasion ? Mais pourquoi aurait-elle acheté une sculpture d’un artiste parisien plutôt qu’à un enfant du pays ?

Pierre Roche, Sirène, bronze
Jardin d’enfants du parc Chanot, 8e arrondissement