J’ai
trouvé sur la Gallica, le site de la Bibliothèque nationale de France, trois
portraits photographiques du sculpteur Marseillais Gaston Cadenat (1905-1966). Ces
photos datent du 8 juillet 1930, alors qu’il vient de remporter le 2e 2nd grand
prix de Rome de sculpture avec son Lanceur de javelot.
Le
premier cliché est l’œuvre de l’agence de presse Rol (1904-1937) ; les
deux autres proviennent de l’agence Meurisse (1909-1937) qui commet une erreur
en faisant de Gaston Cadenat un architecte.
Ce blog dévoile l'histoire de Marseille à travers celle de ses sculptures.
vendredi 31 mai 2024
Portraits photographiques de Gaston Cadenat
vendredi 17 mai 2024
Le Bon Accueil (Jules Cantini sculpteur)
Jusqu’au
lundi 20 mai prochain, la maison de ventes Tuloup organise une vente aux
enchères en ligne proposant une imposante sculpture en marbres et pierres dures
polychromes, haute de 98 cm (lot 143). Ni l’auteur, ni le sujet ne sont
identifiés ; pour ma part, pas de doute, il s’agit d’une version
demi-grandeur du Bon Accueil du marbrier-sculpteur Jules Cantini
(1826-1916).
Devenu
industriel, Jules Cantini promeut ses marbres blancs ou polychromes et ses onyx
algériens par la réalisation de pièces remarquables montrées dans diverses
expositions. S’il débute sa carrière artistique par la production de tables en
mosaïques de pierres (exposition de la Société artistique des Bouches-du-Rhône
de 1855 ; concours régional de Marseille de 1861), il se tourne bientôt
vers la sculpture pour un effet plus spectaculaire. Il s’associe alors à des
statuaires reconnus. Le premier est Henri Lombard (1855-1929), tout jeune grand
prix de Rome, sollicité en 1885 pour une statue hiératique – Hélène de Troie
– exposée dans le stand de la marbrerie Cantini lors de l’Exposition
universelle de 1889. Avec Ernest Barrias (1841-1905), le marbrier triomphe au
Salon des artistes français avec La Nature se dévoilant devant la Science
(n°3186).
Hélas,
des frustrations naissent de ces diverses collaborations. Jules Cantini finit
par se passer du concours de statuaires de renom pour donner une œuvre qui soit
entièrement sienne. Ainsi, à l’Exposition coloniale de 1906, paraît Le Bon
Accueil « qu’il faut bien reconnaître sensiblement inférieur à ses
aînés », selon le sculpteur Charles Delanglade (1870-1952), « [...]
Il est regrettable que, cette fois encore, M. Cantini ne se soit pas adjoint
un maître statuaire »1.
La
statue est léguée par Jules Cantini à la ville de Marseille ; elle entre dans
les collections du musée des beaux-arts en 1917. Elle est actuellement remisée
dans les réserves ; son avant-bras gauche est désolidarisé.
La
sculpture en vente chez Tuloup est numérotée n°2 sur le socle avec la mention « Reproduction
interdite ». Par rapport à l’original, sa tenue a été simplifiée pour ne
pas multiplier les complexes assemblages de pierres. Ainsi, la tête de Méduse
sur la ceinture a
Malgré
ses défauts esthétiques et les quelques accidents, cette œuvre est exceptionnelle
et rarissime sur le marché de l’art. Mise à prix à 200 €, elle est affichée
pour le moment à 1 510 € après 27 enchères !
Addendum du 20 mai 2024 : la statue a finalement été adjugée à 2 710 € après 39 enchères.
1
Delanglade
(Charles) « Éloge de M. Jules Cantini », Mémoires de l’Académie
des Sciences, Belles Lettres et Arts de Marseille, t.1917-1920, Marseille,
1921, p.281-282
jeudi 9 mai 2024
Fontaine d’Amphitrite (Auguste Carli sculpteur)
Fille de l’armateur Joseph Étienne et veuve du docteur
en médecine Louis Albrand, Henriette Albrand (1821-1907) connaît une aisance
financière dont elle use, à la fin de sa vie, afin de promouvoir les arts. En
1901-1902, elle fait construire par Frédéric Lombard (1850-1906) un petit hôtel
sur l’avenue du Prado (n°84, aujourd’hui n°130) pour accueillir le siège de la
Société des architectes des Bouches-du-Rhône et les expositions d’art
industriel ou d’art décoratif que cette dernière organise. De plus, elle fonde
un prix annuel de 500 francs destiné au lauréat d’un concours ouvert aux élèves
architectes et aux architectes de moins de 28 ans du département.
En 1904, elle désire à la fois commémorer le souvenir
de son père et embellir sa ville natale. Elle choisit pour emplacement de son
monument la place Dumarsais aux abords de laquelle l’armateur célébré vécut
durant 60 ans. Elle
commande une fontaine au sculpteur marseillais Auguste Carli (1868-1930),
secondé pour le piédestal du groupe principal par un architecte méconnu (pour
ne pas dire inconnu) du nom de Roure. Ce dernier ne figure pas dans l’Indicateur
marseillais de 1904. Il est probable que ce soit un étudiant lauréat
d’un concours de la Société des architectes des Bouches-du-Rhône ; en
effet, un « E. Roure architecte » apparaît dans l’Indicateur
marseillais de 1906. Ce choix semble cohérent avec la personnalité de la
mécène. Il est donc possible que le projet de fontaine soit antérieur à la
sélection du statuaire.
La
maquette de Carli est achevée en mars 1904 ; Le Petit Marseillais
en publie un croquis dans l’article d’E. Thomas, le 3 avril 1904. Le monument
envisagé prévoit 6 mètres de hauteur : au centre d’une bordure en granit
formant un carré quadrilobé s’élèvera un piédestal en pierre de Lens sur lequel
reposera le motif sculpté fondu en bronze et haut de 2,50 mètres. Quant au
devis, il a été soumis par l’artiste à sa commanditaire le 12 mars 1904 :
il prévoit un coût de 20 000 francs pour le groupe en bronze et de
15 000 francs pour le piédestal, soit un budget de 35 000 francs.
Par
délibération en date du 22 avril 1904, le conseil municipal accepte le don
d’Henriette Albrand. Dans la foulée, il décide de rebaptiser la place Dumarsais
« place Étienne-Albrand ». Un décret présidentiel, daté du 21 mai,
approuve la décision. Néanmoins, cette attention gêne la donatrice plus qu’elle
ne la réjouit : en offrant une fontaine monumentale célébrant son père,
elle n’entendait pas glorifier son propre nom. Le 24 juin, elle envoie donc à
la mairie un courrier exprimant le souhait que son patronyme ne figure pas sur
les plaques toponymiques. Sa volonté est aussitôt prise en compte et le lieu
devient simplement la « place Joseph-Étienne ».
Le
chef de service des travaux neufs pense aménager, au centre de la place
Dumarsais, une zone circulaire recouverte de gazon, d’arbustes et de fleurs
servant d’écrin au monument. Il prévoit une grille pour défendre l’accès au
tapis végétal mais suffisamment discrète pour ne pas nuire à la mise en scène.
Le nivellement du terrain induit par ailleurs la suppression d’un mur de
soutènement de la chaussée latérale raccordant la rue des Lices à la place.
L’espace agrandi sera alors planté d’arbres pour l’agrémenter et offrir de
l’ombre aux promeneurs ; en même temps, cela évitera que la fontaine
semble écrasée par les maisons alentours. Au demeurant, l’eau doit y arriver en
abondance via le bassin d’approvisionnement de la colline Puget, ce qui
implique des travaux restreints de raccordement.
La
délibération du 22 avril 1904 chiffre et budgétise le coût des travaux à
entreprendre pour accueillir le nouveau monument : 6 500 francs sont prévus
pour le nivellement de la place Dumarsais et pour la plantation d’arbres ;
3 000 francs sont alloués pour les conduits et appareils de distribution
d’eau. Au total, c’est une somme de 9 500 francs qui est imputée au crédit
affecté à l’établissement des voies nouvelles.
Au
fil du temps, le projet évolue vers une fontaine entièrement en marbre pour un
financement de 50 000 francs, sans modification de l’iconographie.
Le
groupe principal représente Le Triomphe d’Amphitrite. La déesse de la
mer, à demi-nue, débout sur une valve de bénitier, tient son trident de la main
gauche et ordonne aux flots déchaînés de se calmer d’un geste impérieux. À ses
pieds, le dieu marin Triton, au torse puissant et au bas du corps pisciforme,
souffle dans un coquillage pour proclamer la volonté de sa mère. Il y a
d’infimes modifications entre la maquette et la réalisation finale. D’abord,
l’orientation du trident change : pointé vers le bas à l’origine,
l’attribut se dresse finalement vers le ciel. Par ailleurs, la simple écharpe
qui cachait pudiquement le sexe de la néréide est remplacée par un drapé plus
conséquent. Enfin, une conque se substitue à la trompe originelle du messager.
Quatre
larges ouïes, situées sous le groupe, permettent à l’eau de la fontaine de
s’écouler dans le bassin. Le sommet du piédestal de section carrée présente des
concrétions. Sa base se transforme en quatre rostres de navire antique
surmontés d’une tête de bélier. Les bateaux sont enchaînés les uns aux autres
par des chaînes et des guirlandes de coquillages. Un cartouche indique leurs
noms : Le Cèdre, La Clarisse-Louise, Le Goéland
et Le Nicolas Etienne Jeune. Ce sont les possessions de
l’armateur, négociant en douelles de tonneaux. La
face principale du piédestal accueille la dédicace : à la mémoire / de / Joseph Hippolyte Etienne / 1790-1881 / sa fille / Htte Albrand née
Etienne / 1906.
Le
10 avril 1906, l’architecte Roure demande l’installation de la grille de
protection autour de la fontaine comme cela a été prévu dès l’origine. Celle-ci
apparaît sur les cartes postales de l’époque. En revanche, on ignore la date à
laquelle ladite grille et le parterre végétal ont été supprimés.
Au
mois de septembre suivant, le frère du sculpteur – François Carli (1872-1957) –
et un groupe de ses admirateurs projettent de faire inaugurer la fontaine à
l’occasion de la venue à Marseille du ministre de l’Instruction publique, des
Beaux-Arts et Cultes Aristide Briand. La démarche est entreprise mais le temps
compté de l’homme politique ne permet pas d’inscrire l’inauguration au
programme. Il fait cependant la promesse de revenir pour remplir cette tâche.
L’a-t-il tenue ? La presse locale n’en fait pas mention.