Depuis
quelques années, les groupes des Colonies d’Asie et des Colonies d’Afrique
sont régulièrement vandalisés pour protester contre les crimes de la
colonisation. C’est regrettable. Peut-être faudrait-il les rebaptiser L’Asie
et L’Afrique pour atténuer les polémiques. En attendant, je vous livre
la notice que je leur ai consacrée dans mon catalogue raisonné Louis
Botinelly, sculpteur provençal.
Pour recréer un lien urbain entre la gare et la ville, la municipalité prend l’initiative d’un concours pour un projet d’escalier dans l’axe du boulevard d’Athènes. Il est remporté le 31 juillet 1911 par les architectes Eugène Sénès (1873-1960) et Léon Arnal (1880-1963). Hélas, entre 1912 et 1913, de multiples désaccords entre les ingénieurs du PLM et les services des bâtiments communaux sur la validité des premiers plans de l’escalier retardent les travaux. Par ailleurs, la compagnie du PLM refuse l’instauration d’une surtaxe des billets de chemin de fer pour gager l’emprunt nécessaire au début des travaux.
Archives municipales de Marseille, 1128 W 1
Il
faut donc attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que le dossier de
l’escalier soit reconsidéré. Les travaux de démolition débutent le 5 décembre
1921 et se poursuivent jusqu’en 1924. Bien que la première pierre soit posée le
17 juillet 1923 par Siméon Flaissières, sénateur-maire de Marseille, la
construction proprement dite débute peu avant le 28 janvier 1924. L’escalier
est ouvert au public le 22 décembre 1925, occasion d’une première inauguration ;
jusque-là l’accès de la gare se fait par une passerelle provisoire. La majeure
partie des travaux est terminée au cours du mois de mars 1926.
L’idée
de deux groupes sculptés des Colonies d’Asie et d’Afrique apparaît
tardivement dans le projet de l’escalier, vers 1920. Mais, ce n’est que sur un
document daté du 20 mars 1923 qu’ils figurent pour la première fois de façon
détaillée. Le cahier des charges du 16 août 1923 décrit ainsi les sculptures
projetées (lot n°3) : « Au bas de l’escalier, à hauteur du palier
de départ, deux groupes, situés symétriquement, symbolisent ‘‘Marseille porte
de l’Orient’’, l’un représentant les Colonies Africaines et l’autre les
Colonies Indo-Chinoises. Chaque groupe se composant d’une grande figure et de
deux enfants présentant divers produits des colonies : vases, étoffes,
fruits, etc. L’exécution des deux motifs sera en marbre. 2 groupes à
40 000 francs = 80 000 francs »
Louis
Botinelly (1883-1962) soumissionne le 25 août 1923 pour l’exécution d’une
partie du décor statuaire ; le 26 février 1924, il obtient l’exécution du
lot n°3 moyennant 80 000 francs. Les sculptures sont taillées in situ
d’après les modèles en plâtre dans du marbre de carrare Blanc Altissimo. Une
fois tous les décors sculptés achevés, la véritable inauguration a lieu le 24
avril 1927 à l’occasion de la venue à Marseille du président de la République
Gaston Doumergue.
Les
deux groupes de Botinelly répondent pleinement au cahier des charges :
deux enfants, aux pieds d’une allégorie féminine alanguie, présentent divers
fruits et produits exotiques. L’Asie s’accoude au dossier d’une
banquette formée d’un motif de serpent à sept têtes, un naga ; son bras
gauche, légèrement fléchi, est soutenu par un lion de type khmer. Une urne ornée
de danseuses khmères stylisées, des apsaras, complète la composition.
Quant à L’Afrique, elle repose sur une litière dont l’accoudoir est constitué des cornes d’un crâne de bélier. Derrière elle, sur un tronc de palmier, se trouvent un singe et son petit.