jeudi 24 octobre 2024

Les Colonies d’Asie et Les Colonies d’Afrique (Louis Botinelly sculpteur)

Depuis quelques années, les groupes des Colonies d’Asie et des Colonies d’Afrique sont régulièrement vandalisés pour protester contre les crimes de la colonisation. C’est regrettable. Peut-être faudrait-il les rebaptiser L’Asie et L’Afrique pour atténuer les polémiques. En attendant, je vous livre la notice que je leur ai consacrée dans mon catalogue raisonné Louis Botinelly, sculpteur provençal.

Pour recréer un lien urbain entre la gare et la ville, la municipalité prend l’initiative d’un concours pour un projet d’escalier dans l’axe du boulevard d’Athènes. Il est remporté le 31 juillet 1911 par les architectes Eugène Sénès (1873-1960) et Léon Arnal (1880-1963). Hélas, entre 1912 et 1913, de multiples désaccords entre les ingénieurs du PLM et les services des bâtiments communaux sur la validité des premiers plans de l’escalier retardent les travaux. Par ailleurs, la compagnie du PLM refuse l’instauration d’une surtaxe des billets de chemin de fer pour gager l’emprunt nécessaire au début des travaux.

Eugène Sénès et Léon Arnal, Projet d’un escalier de la gare Saint-Charles, 1919
Archives municipales de Marseille, 1128 W 1

Il faut donc attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que le dossier de l’escalier soit reconsidéré. Les travaux de démolition débutent le 5 décembre 1921 et se poursuivent jusqu’en 1924. Bien que la première pierre soit posée le 17 juillet 1923 par Siméon Flaissières, sénateur-maire de Marseille, la construction proprement dite débute peu avant le 28 janvier 1924. L’escalier est ouvert au public le 22 décembre 1925, occasion d’une première inauguration ; jusque-là l’accès de la gare se fait par une passerelle provisoire. La majeure partie des travaux est terminée au cours du mois de mars 1926.

Eugène Sénès, Ville de Marseille. Escalier monumental d’accès à la gare Saint-Charles
Plans et élévation des motifs sculptés, 20 mars 1923 (ensemble et détail)
Archives départementale des Bouches-du-Rhône, 7 O 3 © Olivier Liardet

L’idée de deux groupes sculptés des Colonies d’Asie et d’Afrique apparaît tardivement dans le projet de l’escalier, vers 1920. Mais, ce n’est que sur un document daté du 20 mars 1923 qu’ils figurent pour la première fois de façon détaillée. Le cahier des charges du 16 août 1923 décrit ainsi les sculptures projetées (lot n°3) : « Au bas de l’escalier, à hauteur du palier de départ, deux groupes, situés symétriquement, symbolisent ‘‘Marseille porte de l’Orient’’, l’un représentant les Colonies Africaines et l’autre les Colonies Indo-Chinoises. Chaque groupe se composant d’une grande figure et de deux enfants présentant divers produits des colonies : vases, étoffes, fruits, etc. L’exécution des deux motifs sera en marbre. 2 groupes à 40 000 francs = 80 000 francs »
Louis Botinelly (1883-1962) soumissionne le 25 août 1923 pour l’exécution d’une partie du décor statuaire ; le 26 février 1924, il obtient l’exécution du lot n°3 moyennant 80 000 francs. Les sculptures sont taillées in situ d’après les modèles en plâtre dans du marbre de carrare Blanc Altissimo. Une fois tous les décors sculptés achevés, la véritable inauguration a lieu le 24 avril 1927 à l’occasion de la venue à Marseille du président de la République Gaston Doumergue.

Louis Botinelly, Les Colonies d’Asie, photo, vers 1926-1927, collection personnelle

Louis Botinelly, Les Colonies d’Asie, groupe en marbre, 1926
Escalier monumental de la gare Saint-Charles, 1er arrondissement © Olivier Liardet

Les deux groupes de Botinelly répondent pleinement au cahier des charges : deux enfants, aux pieds d’une allégorie féminine alanguie, présentent divers fruits et produits exotiques. L’Asie s’accoude au dossier d’une banquette formée d’un motif de serpent à sept têtes, un naga ; son bras gauche, légèrement fléchi, est soutenu par un lion de type khmer. Une urne ornée de danseuses khmères stylisées, des apsaras, complète la composition.

Louis Botinelly, Les Colonies d’Afrique, photo, vers 1926-1927, collection personnelle

Louis Botinelly, Les Colonies d’Afrique, groupe en marbre, 1926
Escalier monumental de la Gare Saint-Charles, 1er arrondissement © Laurent Noet & Olivier Liardet

Quant à L’Afrique, elle repose sur une litière dont l’accoudoir est constitué des cornes d’un crâne de bélier. Derrière elle, sur un tronc de palmier, se trouvent un singe et son petit.

jeudi 17 octobre 2024

Archives du blog 2008-2018

André Allar (1845-1926), L’Étude, bas-relief, plâtre polychromé, 1884
Collection personnelle

En 2018, mon premier blog a été brutalement interrompu. J’ai cru que dix années de travaux et de vulgarisation s’était purement évaporées. Jusqu’à ce mois d’octobre où l’un de mes lecteurs – Marceau Azzopardi que je tiens une nouvelle fois à remercier – m’a indiqué avoir retrouvé mon blog à l’adresse suivante :

https://web.archive.org/web/20180713070724/http://marseillesculptee.blogspot.com/

Alors oui, les photos les plus récentes ont disparu et les restantes ne sont plus que des vignettes ! Oui, la navigation s’avère compliquée : la recherche par mots clés ne fonctionne apparemment pas. Le seul moyen d’accéder aux articles semble être de passer par les archives (années et mois). Du coup, la lecture n’est plus ciblée mais aléatoire. Mais, au moins, la majorité est préservée !
Dans la mesure du possible, je rapatrierai sur mon blog actuel les articles les plus pertinents, notamment les biographies d’artistes.

lundi 7 octobre 2024

Les masques mortuaires d’Alexandre Ier de Yougoslavie et de Louis Barthou (François Carli mouleur)

Le 9 octobre prochain, Marseille commémorera le 90e anniversaire de l’assassinat du roi Alexandre Ier de Yougoslavie (1888-1934) et du ministre des Affaires étrangères Louis Barthou (1862-1934). Une double cérémonie se déroulera d’abord sur la Canebière, puis près de la préfecture en présence du consul général et des membres de la famille royale de Servie.
Pour mémoire, le roi de Yougoslavie vient en visite officielle, en France ; il accoste le 9 octobre 1934 à Marseille où il est accueilli par le ministre des Affaires étrangères et celui de la Marine. Alors que le cortège se dirige vers la préfecture des Bouches-du-Rhône, un attentat orchestré par des séparatistes croates Oustachis. Vlado Černozemski (1897-1934) bondit sur le marchepied, dégaine un pistolet automatique et tire sur Alexandre Ier. Prise de panique, la police ouvre le feu, dans tous les sens ; la fusillade fait plusieurs victimes dont Louis Barthou.
Le ministre, à l’agonie, est conduit en urgence à l’Hôtel-Dieu. Alexandre Ier, quant à lui, est amené à la préfecture, via la rue Saint-Ferréol ; il décède peu après dans le bureau du préfet. Le palais préfectoral, abondamment fleuri pour la visite officielle, se transforme aussitôt le grand salon en chapelle ardente. Le corps de Louis Barthou le rejoint bientôt. Dans la nuit, les corps sont embaumés tandis que le sculpteur François Carli (1872-1957) est appelé pour mouler le masque mortuaire des défunts ainsi que les mains du souverain.

François Carli, Masque mortuaire d’Alexandre Ier de Yougoslavie, moulage
Photographies, 1934, collection personnelle

François Carli, Main droite d’Alexandre Ier de Yougoslavie, moulage
Photographies, 1934, collection personnelle

Le lendemain matin, la reine Marie de Yougoslavie ainsi que le président de la République Albert Lebrun (1871-1950) et plusieurs membres du gouvernement arrivent par train spécial en gare Saint-Charles. Enfin, en début d’après-midi, un fourgon funèbre ramène la dépouille royale sur le Vieux-Port ; le cercueil est hissé sur le croiseur yougoslave Dubrovnik. Après avoir pris congé du président Lebrun, la reine embarque à son tour pour rentrer dans sa patrie.
Quelques semaines plus tard, le 2 novembre 1934, les deux masques mortuaires sont intégrés dans un cénotaphe éphémère, dressé sur la place de la Bourse, à proximité du lieu de l’attentat. Une cérémonie commémorative est alors organisée en présence du maire de Marseille Georges Ribot (1875-1954), du préfet des Bouches-du-Rhône Louis Gaussorgues (1879-1953) et du consul général de Yougoslavie Svetomir Lazarevitch.

Cérémonie en l’honneur du roi Alexandre Ier de Yougoslavie et de Louis Barthou – détail du cénotaphe, photographie, 2 novembre 1934
Archives municipales de Marseille, 44 Fi 2

Cérémonie en l’honneur du roi Alexandre Ier de Yougoslavie et de Louis Barthou – quelques instant avant la cérémonie, photographie, 2 novembre 1934
Archives municipales de Marseille, 44 Fi 4

Cérémonie en l’honneur du roi Alexandre Ier de Yougoslavie et de Louis Barthou – quelques autorités, photographie, 2 novembre 1934
Archives municipales de Marseille, 44 Fi 6

Cérémonie en l’honneur du roi Alexandre Ier de Yougoslavie et de Louis Barthou – le maire et le préfet, photographie, 2 novembre 1934
Archives municipales de Marseille, 44 Fi 8

Cérémonie en l’honneur du roi Alexandre Ier de Yougoslavie et de Louis Barthou – le maire, le préfet et le consul général de Yougoslavie, photographie, 2 novembre 1934
Archives municipales de Marseille, 44 Fi 10

Cérémonie en l’honneur du roi Alexandre Ier de Yougoslavie et de Louis Barthou – le défilé des délégations, photographie, 2 novembre 1934
Archives municipales de Marseille, 44 Fi 12

Par la suite, les deux masques mortuaires intègrent les collections du Musée d’Histoire de Marseille où ils se trouvent toujours présentés au public.

François Carli, Masques mortuaires d’Alexandre Ier de Yougoslavie et de Louis Barthou, moulages, 1934, Musée d’Histoire de Marseille