vendredi 21 janvier 2022

L’enseignement de la sculpture à Marseille au XIXe siècle – 1

Lorsqu’on parle de sculpture à Marseille, Pierre Puget (1620-1694) s’impose dans tous les esprits : bien qu’il incarne l’archétype de l’artiste complet, le souvenir du sculpteur domine souvent celui de l’architecte et du peintre. Pour autant, la période faste de la sculpture marseillaise n’est pas le XVIIe mais le XIXe siècle. Ainsi, entre 1867 et 1896, six sculpteurs issus de l’École municipale des beaux-arts sont-ils récompensés d’un prix de Rome ([1]). Aucune autre époque, antérieure ou postérieure, n’obtient une telle densité de lauréats au prestigieux concours. Ce taux de réussite, circonscrit dans un court laps de temps, trouve en partie sa réponse dans la politique artistique menée par les édiles marseillais dans la deuxième moitié du XIXe siècle.

La fondation d’une classe municipale de sculpture

Étonnamment, la cité phocéenne ne s’intéresse que tardivement à la formation de ses sculpteurs et ornemanistes. Au XVIIIe siècle, c’est l’Académie de peinture de Marseille qui dispense cet enseignement sous la férule d’un artiste nommé Nicolas, à partir de 1756. Cependant, en 1793, la Révolution y met un terme et, lorsque l’école gratuite de dessin est instituée par le peintre Joachim Guenin en 1796, la statuaire ne figure plus au programme. Les aspirants sculpteurs crayonnent à l’école et pratiquent dans l’atelier d’un maître. Or, sous la Restauration et la monarchie de Juillet, la métropole connaît une pénurie criante de décorateurs qualifiés, si bien que les registres de l’école ne dévoilent aucun nom connu, hormis ceux de marbriers-sculpteurs tels que les frères Pierre (1808-1850) et Jules Cantini (1826-1916) ou la famille Galinier.

Pierre Cantini, Académie d’après le modèle vivant, 1824
Archives municipales de Marseille, 26 Fi - © Xavier de Jauréguiberry

Jules Cantini, Buste d’après l’antique, 1841
Archives municipales de Marseille, 26 Fi - © Xavier de Jauréguiberry

Jules Cantini, Bosse d’après l’antique, 1842
Archives municipales de Marseille, 26 Fi - © Xavier de Jauréguiberry

Amédée Galinier, Académie d’après le modèle vivant, concours d’émulation, 1842
Archives municipales de Marseille, 26 Fi - © Xavier de Jauréguiberry

Le directeur Augustin Aubert tente en vain de réintroduire la discipline dans le cursus en 1832. La classe de sculpture est finalement fondée en 1846 sous le directorat d’Émile Loubon alors qu’Aix-en-Provence possède une école spéciale de sculpture depuis 1776, expliquant la prédominance de l’école aixoise dans la première partie du XIXe siècle ([2]). Loubon confie la tâche d’organiser et de diriger la nouvelle classe à Antoine Bontoux (1805-1892). L’homme est le beau-frère de Thomas Clérian, directeur de l’école aixoise. Il a enseigné le dessin en lycée, non la sculpture… art qu’il n’a d’ailleurs pas appris ; il est autodidacte. Leurs détracteurs crient au scandale, prédisent l’échec. Pourtant, la classe est créée et rencontre le succès.


[1]  André Allar (1er accessit, 1867 ; prix de Rome, 1869), Jean-Baptiste Hugues (2e second prix, 1872 ; 1er second prix, 1873 ; prix de Rome, 1875), Jean Turcan (2e second prix, 1876), Henri Lombard (2e second prix, 1882 ; prix de Rome, 1883), Constant Roux (prix de Rome, 1894) et Auguste Carli (2e second prix, 1896).
[2] Aix forme plusieurs sculpteurs lauréats d’un prix de Rome : Marius Ramus (second prix, 1830), Félix Chabaud (prix de Rome de gravure en médaille, 1848), Hippolyte Ferrat (second prix, 1850).

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