dimanche 29 septembre 2024

Les fontaines dites « Coste »

Par la suite, le maire revient sur le positionnement des futures fontaines sur les côtés latéraux du Cours. Il propose de les placer face à face, de part et d’autre de la Canebière, l’une sur le Grand Cours et la seconde sur le Cours Saint-Louis. Pour ce faire, il est décidé de reculer les trottoirs afin que les fontaines ne paraissent pas trop proches l’une de l’autre. Le nouvel emplacement, établi par Vincent Barral (XIXe siècle) l’architecte en chef de la ville, est adopté lors du Conseil municipal du 20 janvier 1845.

Plan d’une partie du Cours et du Cours Saint-Louis indiquant les ouvrages
à faire pour l’établissement de deux fontaines (détail), 7 février 1845
Archives départementales 7O15/6 © Olivier Liardet

Le maire revient également sur le choix d’un modèle similaire à ceux que la fonderie Calla a exécutés au Carré Marigny sur les Champs-Élysées. Le 23 juin 1845, un traité est passé avec Christophe-François Calla (1802-1884) - dit Calla fils -, ingénieur civil à Paris, et la municipalité phocéenne représentée par Pascal Coste (1787-1879) alors architecte en chef des travaux publics de la ville. L’entrepreneur s’engage à fournir les deux fontaines au prix de 14 000 francs comprenant modèles, fonte, assemblage, ajustage, transport à Marseille, montage et mise en place avec peinture à quatre couches de couleur bronze ; une allocation supplémentaire de 600 francs est prévue pour une dorure partielle des monuments.
En fonte douce de deuxième fusion, les fontaines doivent être formées de quatre parties : 1- piédestal ; 2- support orné de quatre dauphins ; 3- vasque avec moulures, godrons et mascarons ; 4- socle orné de roseaux avec couvercle. Toutefois, si un jour la ville souhaitait enrichir sa commande par l’ajout d’une statue de 2 mètres de proportion, il convient que la fonte ait au moins 20 mm d’épaisseur afin qu’elle soit suffisamment solide pour supporter cette hypothétique adjonction.
Le 6 septembre 1845, un traité de gré à gré est passé entre la ville et l’entrepreneur maçon marseillais Augustin Reynier moyennant 14 735 francs. Ajoutés aux 14 000 francs du fondeur Calla fils, le devis s’élève à 28 735 francs… avec la réserve de 600 francs prévue pour la dorure dont la municipalité usera. En définitive, le budget se chiffre à 29 335 francs.
Le nouveau projet est, à son tour, soumis au Conseil général des Bâtiments civils le 15 décembre 1845. Augustin Caristie (1783-1862) trouve, cette fois-ci, que les fontaines manquent de monumentalité par rapport à leur environnement, notamment la hauteur des immeubles ; pour autant, il ne met pas son veto. Dans la foulée, le 9 janvier 1846, le marché entre la ville et les entrepreneurs Calla fils et Reynier est approuvé par décision ministérielle.
Il valait mieux ! En effet, Pascal Coste annonce au maire, le 20 janvier 1846, qu’une des fontaines en fonte est arrivée à Marseille et que la seconde est sur le point d’être livrée. Les travaux de mise en place s’effectuent au mois de mars ; le 28, ils sont presqu’entièrement achevés et conformes aux exigences municipales. Calla fils reçoit ce jour-là un acompte de 12 000 francs et Reynier un acompte de 6 000 francs début avril. Les soldes sont payés le 12 mai 1846 au moment de la réception officielle des monuments.
La tradition veut que Pascal Coste soit l’auteur du dessin desdites fontaines. Toutefois, leur parfaite similitude avec les fontaines de Carré Marigny, dessinées par l’architecte Jacques Hittorff (1792-1867) et fondues par la maison Calla, permet d’en douter… d’autant plus qu’il s’agissait d’une volonté édilitaire assumée dès 1841 !

Jacques Hittorff et Francisque Duret (1804-1865), Fontaine de Vénus, Carré Marigny, 1839

Jacques Hittorff, Fontaine des Quatre Saisons (détail de la vasque), Carré Marigny, 1839
Photos Internet

Le rôle de Pascal Coste, en tant qu’architecte en chef de la ville, est de concevoir les infrastructures devant accueillir les vasques en fonte de fer. C’est donc à lui que l’on doit l’aménagement des bassins en pierre dodécagonaux plutôt que circulaires et des abords.

Pascal Coste, Fontaines à exécuter sur le Cours (élévation et coupe), 23 juin 1845
Archives municipales de Marseille 2D217

Pascal Coste, Fontaine du Cours Saint-Louis, élévation et plan, dessin, après 1846
Bibliothèque municipale de Marseille, fonds Coste, MS2082-F19 - Photo Internet

C’est également à lui que l’on doit la réalisation de 16 pavillons en fonte destinés aux bouquetières du cours Saint-Louis (délibération du 20 octobre 1845) et de leur implantation. La commande concomitante des fontaines et des kiosques, dans un même matériau, constitue de fait un programme de décoration urbaine. Cela justifie sans doute pourquoi le nom de l’architecte marseillais a été tardivement – pas avant la seconde moitié du XXe siècle, semble-t-il – associé aux deux fontaines.

Pascal Coste, Fontaines et pavillons des bouquetières, plan (détail), après 1846
Bibliothèque municipale à vocation régionale, fonds Coste, MS2082-F17 – Photo Internet


Anonyme, Vue du Cours, gravure, milieu du XIXe siècle
Vente De Baecque et Associés, lot 334, Marseille, 29 juin 2017

L’accroissement de la population et des transports tout au long du siècle (charrois, calèches, tramways…) rend peu à peu gênants les édicules érigés sur les cours Belsunce et Saint-Louis (les fontaines Coste mais aussi le Monument à Mgr de Belsunce de Marius Ramus, 1805-1888). Dès le 9 mars 1882, le Conseil municipal prend une délibération en vue de l’établissement d’une voie charretière au milieu des cours Belsunce et Saint-Louis. Plusieurs autres suivent en ce sens jusqu’au 13 janvier 1891 et le début des travaux de voierie.
La statue du prélat déménage alors devant l’Évêché tandis que les deux fontaines sont remisées dans un magasin du service du Canal. Plus jamais les fontaines ne seront érigées en vis-à-vis, sur une même place.
Le 21 février 1911, le Comité d’Intérêt du Quartier Saint-Lazare réclame par pétition l’installation d’une fontaine monumentale et de quelques bancs sur la place du Marché Saint-Lazare (aujourd’hui place de Strasbourg). Le Conseil municipal du 18 mai 1911 délibère de réaffecter l’ancienne fontaine du cours Belsunce à cet effet après un long séjour au purgatoire. Le service des Bâtiments communaux dresse alors un devis de 2 700 francs pour la mise en place du monument auquel s’ajoute une somme de 330 francs comprenant la fourniture de 20 mètres de tuyaux en fonte (210 francs) et la main d’œuvre (120 francs). Le budget total s’élève ainsi à 3 030 francs.

Projet d’érection d’une des fontaines Coste sur la place du Marché Saint-Lazare, plan, 1911
Archives municipales de Marseille 10M19

Fontaine Coste sur la place de Strasbourg, 2010 © Xavier de Jauréguiberry

Fontaine du cours Belsunce, dépôt municipal de la rue de Lyon, 2023 © Olivier Liardet

La fontaine reste en place jusqu’en 2015, date à laquelle est retirée de l’espace public – la place de Strasbourg devant être réaménagée en 2017 – et stockée en pièces détachées dans un entrepôt municipal de la rue de Lyon, dans le 15e arrondissement. Quant à la fontaine du cours Saint-Louis, elle est placée à une date indéterminée (entre 1891 et 1910) sur la place de la Joliette non pas à son emplacement actuel face au bâtiment des docks mais à l’autre extrémité de la place comme le montre les cartes postales du début du XXe siècle.

Fontaine du cours Saint-Louis sur la place de la Joliette, 2010 © Xavier de Jauréguiberry

lundi 16 septembre 2024

Le Grand Cours avant les fontaines dites « Coste »

Le plan Maretz, gravé entre 1631 et 1644 montre un embryon d’urbanisation au-delà de l’enceinte est. Les abords du glacis sont alors un lieu de promenade planté d’arbres et agrémenté de deux fontaines circulaires. L’agrandissement de Marseille, décidé par lettre patente de Louis XIV du 16 juin 1666, semble avoir condamné ces infrastructures : le Grand Cours est créé en 1670 sur le rempart démoli.

Marseille, plan Maretz, vers 1631-1644 (cl. Internet)

Au XVIIIe siècle, le sculpteur André Marchetti – ou Marquetti – (XVIIe-XVIIIe siècles) réalise deux bornes-fontaines à têtes de Méduse dans le style grotesque ; l’eau se déverse dans deux abreuvoirs rectangulaires en marbre blanc installés en 1726 dans l’alignement des rangées d’arbres. Ces fontaines sont retirées en 1840 lors du réaménagement du cours ; il s’agit de les remplacer par des monuments sculptés de plus grande ampleur – malgré le risque d’empiètement sur la voierie – et d’un débit d’eau accru.

André Marchetti, Fontaines à têtes de Méduse, marbre, 1726
Parc Borély, cour du Café Borély, 8e arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry

Alors qu’il a déjà rejeté plusieurs projets, le conseil municipal, dans sa séance du 23 septembre 1841, délibère de demander à Paris le dessin du modèle adopté pour les Champs-Élysées ou de confectionner à Marseille de nouveaux modèles de fontaines pour l’ornementation du Cours. Le 5 août 1842, le conseiller Dumas déclare que l’on pourrait dans un premier temps établir les bassins en vis-à-vis, sur la largeur de l’artère, puis, dans un second temps, choisir les modèles. De fait, le 16 août suivant, sur l’ordre du maire, l’architecte de la ville Rivaud (XIXe siècle) établit un devis très précis des travaux préliminaires. D’abord, il exige que tous les matériaux employés soient de premier choix. Ensuite, il prévoit de préparer une aire solide sur laquelle sera aménagé les bassins elliptiques des futures fontaines avec un bain de mortier à la pouzzolane ; la maçonnerie sera en pierre de la Couronne et en pierre de Cassis. L’entrepreneur choisi aura six mois pour effectuer les travaux chiffrés à 18 535, 29 francs.  

Rivaud, Projet de fontaine pour le Grand Cours, dessin, 16 août 1842
Archives municipales de Marseille 2D204

Rivaud propose son propre projet de fontaines. Il imagine pour chacune un piédestal en pierre de Cassis orné de bas-reliefs orné d’attributs et surmonté d’une statue en pierre de Saint-Rémi figurant d’une part La Navigation et d’autre part Le Commerce. Pour ce faire, il s’associe au statuaire Stanislas Cailhol (XIXe siècle)… surtout spécialiste en ornementation artistique en ciment. La dépense consacrée à la partie décorative s’élève à 20 800 francs. Au total, le devis se monte à 39 335,29 francs. Le 17 octobre 1842, le Conseil municipal adopte le projet de l’architecte de la ville.
Cependant, soumis à l’approbation du Conseil général des Bâtiments civils le 23 janvier 1843, le projet de Rivaud est retoqué. L’inspecteur Augustin Caristie (1783-1862) lui reproche son bassin elliptique alors que le monument est de plan carré, son empiétement sur la promenade, la hauteur de son piédestal qui égale celle de la sculpture sans la valoriser ; il reproche aussi la disparition des fontaines dites des Méduses !

lundi 9 septembre 2024

Une sculpture inconnue à l’Exposition internationale d’Électricité de 1908

Mon amie Marie-Noëlle Perrin, des Archives municipales de Marseille, m’a envoyé une photographie – cotée 33Fi2970 – en me demandant d’identifier la sculpture au premier plan. Or, je sèche : je ne la connais pas ! Donc, une fois n’est pas coutume, je requiers votre expertise plutôt que d’étaler mon savoir.

Porte latérale du Palais de la Traction à l’Exposition internationale d’Électricité de 1908
Archives municipales, 33Fi2970

Parmi diverses attractions et les pavillons éphémères construits pour l’Exposition internationale d’Électricité de 1908, on trouve le Palais de la Traction. Ce bâtiment érigé par l’architecte suisse Léonce Muller (1859-1937). Il présente deux entrées, l’une principale sur la longue façade principale et l’autre secondaire sur la façade latérale.

Exposition internationale d’Électricité, Marseille 1908
Le Palais de la Traction, vue d’ensemble
Carte postale

Exposition internationale d’Électricité, Marseille 1908
Le Palais de la Traction, la nuit (porte principale)
Carte postale

Exposition internationale d’Électricité, Marseille 1908
Le Palais de la Traction, porte latérale
Carte postale

C’est au milieu d’une pelouse, face à la porte latérale du Palais de la traction, qu’est installée la statue visiblement en bronze. On dirait un pécheur s’apprêtant à jeter son filet. Il rappelle, dans sa gestuelle, le Pécheur jetant l’épervier de Marius Ramus (1805-1888) dont le plâtre (1872) est conservé au Musée Granet d’Aix-en-Provence.

Marius Ramus, Pécheur jetant l’épervier, statue, plâtre, 1872
Musée Granet, Aix-en-Provence
© Internet et catalogue Sculptures du musée Granet

Porte latérale du Palais de la Traction à l’Exposition internationale d’Électricité de 1908
Archives municipales, 33Fi2970
Détail de la statue

J’ignore d’abord si un bronze a été tiré du plâtre d’Aix-en-Provence. Ensuite, j’observe quelques variantes : notamment, le pécheur ne semble pas nu mais porte un caleçon. Est-il alors possible qu’un sculpteur se soit inspiré de l’œuvre de Ramus ?
Quoiqu’il en soit, je suis preneur de tous les renseignements à son sujet.