Par la suite, le maire revient sur le positionnement des futures fontaines sur les côtés latéraux du Cours. Il propose de les placer face à face, de part et d’autre de la Canebière, l’une sur le Grand Cours et la seconde sur le Cours Saint-Louis. Pour ce faire, il est décidé de reculer les trottoirs afin que les fontaines ne paraissent pas trop proches l’une de l’autre. Le nouvel emplacement, établi par Vincent Barral (XIXe siècle) l’architecte en chef de la ville, est adopté lors du Conseil municipal du 20 janvier 1845.
Le
maire revient également sur le choix d’un modèle similaire à ceux que la
fonderie Calla a exécutés au Carré Marigny sur les Champs-Élysées. Le 23 juin
1845, un traité est passé avec Christophe-François Calla (1802-1884) - dit
Calla fils -, ingénieur civil à Paris, et la municipalité phocéenne représentée
par Pascal Coste (1787-1879) alors architecte en chef des travaux publics de la
ville. L’entrepreneur s’engage à fournir les deux fontaines au prix de
14 000 francs comprenant modèles, fonte, assemblage, ajustage, transport à
Marseille, montage et mise en place avec peinture à quatre couches de couleur
bronze ; une allocation supplémentaire de 600 francs est prévue pour une
dorure partielle des monuments.
En
fonte douce de deuxième fusion, les fontaines doivent être formées de quatre
parties : 1- piédestal ; 2- support orné de quatre dauphins ; 3-
vasque avec moulures, godrons et mascarons ; 4- socle orné de roseaux avec
couvercle. Toutefois, si un jour la ville souhaitait enrichir sa commande par
l’ajout d’une statue de 2 mètres de proportion, il convient que la fonte ait au
moins 20 mm d’épaisseur afin qu’elle soit suffisamment solide pour supporter
cette hypothétique adjonction.
Le 6
septembre 1845, un traité de gré à gré est passé entre la ville et
l’entrepreneur maçon marseillais Augustin Reynier moyennant 14 735 francs.
Ajoutés aux 14 000 francs du fondeur Calla fils, le devis s’élève à
28 735 francs… avec la réserve de 600 francs prévue pour la dorure dont la
municipalité usera. En définitive, le budget se chiffre à 29 335 francs.
Le
nouveau projet est, à son tour, soumis au Conseil général des Bâtiments civils
le 15 décembre 1845. Augustin Caristie (1783-1862) trouve, cette fois-ci, que
les fontaines manquent de monumentalité par rapport à leur environnement,
notamment la hauteur des immeubles ; pour autant, il ne met pas son veto.
Dans la foulée, le 9 janvier 1846, le marché entre la ville et les entrepreneurs
Calla fils et Reynier est approuvé par décision ministérielle.
Il
valait mieux ! En effet, Pascal Coste annonce au maire, le 20 janvier
1846, qu’une des fontaines en fonte est arrivée à Marseille et que la seconde
est sur le point d’être livrée. Les travaux de mise en place s’effectuent au
mois de mars ; le 28, ils sont presqu’entièrement achevés et conformes aux
exigences municipales. Calla fils reçoit ce jour-là un acompte de 12 000
francs et Reynier un acompte de 6 000 francs début avril. Les soldes sont
payés le 12 mai 1846 au moment de la réception officielle des monuments.
La
tradition veut que Pascal Coste soit l’auteur du dessin desdites fontaines.
Toutefois, leur parfaite similitude avec les fontaines de Carré Marigny,
dessinées par l’architecte Jacques Hittorff (1792-1867) et fondues par la
maison Calla, permet d’en douter… d’autant plus qu’il s’agissait d’une volonté
édilitaire assumée dès 1841 !
Le
rôle de Pascal Coste, en tant qu’architecte en chef de la ville, est de
concevoir les infrastructures devant accueillir les vasques en fonte de fer.
C’est donc à lui que l’on doit l’aménagement des bassins en pierre dodécagonaux
plutôt que circulaires et des abords.
C’est
également à lui que l’on doit la réalisation de 16 pavillons en fonte destinés
aux bouquetières du cours Saint-Louis (délibération du 20 octobre 1845) et de
leur implantation. La commande concomitante des fontaines et des kiosques, dans
un même matériau, constitue de fait un programme de décoration urbaine. Cela
justifie sans doute pourquoi le nom de l’architecte marseillais a été
tardivement – pas avant la seconde moitié du XXe siècle, semble-t-il
– associé aux deux fontaines.
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Anonyme, Vue du Cours, gravure, milieu du XIXe siècle
Vente De Baecque et Associés, lot 334, Marseille, 29 juin 2017
L’accroissement
de la population et des transports tout au long du siècle (charrois, calèches,
tramways…) rend peu à peu gênants les édicules érigés sur les cours Belsunce et
Saint-Louis (les fontaines Coste mais aussi le Monument à Mgr de Belsunce
de Marius Ramus, 1805-1888). Dès le 9 mars 1882, le Conseil municipal prend une
délibération en vue de l’établissement d’une voie charretière au milieu des
cours Belsunce et Saint-Louis. Plusieurs autres suivent en ce sens jusqu’au 13
janvier 1891 et le début des travaux de voierie.
La
statue du prélat déménage alors devant l’Évêché tandis que les deux fontaines
sont remisées dans un magasin du service du Canal. Plus jamais les fontaines ne
seront érigées en vis-à-vis, sur une même place.
Le
21 février 1911, le Comité d’Intérêt du Quartier Saint-Lazare réclame par
pétition l’installation d’une fontaine monumentale et de quelques bancs sur la
place du Marché Saint-Lazare (aujourd’hui place de Strasbourg). Le Conseil
municipal du 18 mai 1911 délibère de réaffecter l’ancienne fontaine du cours
Belsunce à cet effet après un long séjour au purgatoire. Le service des
Bâtiments communaux dresse alors un devis de 2 700 francs pour la mise en
place du monument auquel s’ajoute une somme de 330 francs comprenant la
fourniture de 20 mètres de tuyaux en fonte (210 francs) et la main d’œuvre (120
francs). Le budget total s’élève ainsi à 3 030 francs.
La fontaine reste en place jusqu’en 2015, date à laquelle est retirée de l’espace public – la place de Strasbourg devant être réaménagée en 2017 – et stockée en pièces détachées dans un entrepôt municipal de la rue de Lyon, dans le 15e arrondissement. Quant à la fontaine du cours Saint-Louis, elle est placée à une date indéterminée (entre 1891 et 1910) sur la place de la Joliette non pas à son emplacement actuel face au bâtiment des docks mais à l’autre extrémité de la place comme le montre les cartes postales du début du XXe siècle.