mardi 30 septembre 2025

La Mise au tombeau (Andrea Della Robbia sculpteur)

Andrea Della Robbia, La Mise au tombeau, haut-relief, terre cuite glaçurée, vers 1522/1525
Vieille Major, avenue Robert Schuman, 2e arrondissement

La ville de Marseille possède l’un des derniers ouvrages du sculpteur-céramiste florentin Andrea Della Robbia (1435-1525) et, assurément, l’un de ses chefs-d’œuvre : La Mise au tombeau. Sur ce haut-relief monumental installé dans un enfeu de l’ancienne cathédrale, figurent de gauche à droite, autour de la dépouille du Christ, l’apôtre Jean, la Vierge, Marie Jacobé et Marie Salomé ainsi que Marthe et Marie-Madeleine agenouillée aux pieds du défunt. Au-dessus des saints personnages, quatre anges en vol et en oraison complètent cette scène solennelle.
Un élément a aujourd’hui disparu au XIXe siècle : les deux blasons peints sur cuivre des donateurs. L’un était celui de Dominique Séguier, capitaine du roi de Naples Charles III d’Anjou, puis lieutenant des galères et maître d’hôtel des rois de France Charles VIII et Louis XII ; l’autre était celui de son épouse Jeanne Napolon. Néanmoins, François Michel de Léon (1727-1800) en a donné un dessin dans son Voyage pittoresque de Marseille (planche 7).

François Michel de Léon, Le Voyage pittoresque de Marseille, vers 1778, planche 7

Le haut-relief se compose de 33 morceaux modelés ou moulés, découpés en suivant le profil des personnages ou des éléments architecturaux (croix, sarcophage). Chaque pièce a été cuite puis émaillée avec des oxydes métalliques d’étain (blanc) et de cobalt (bleu) ou encore pour le sarcophage de cuivre (vert) et de manganèse (violet). Pour l’assemblage, les fragments les plus épais se situent à la base ; les plus légers s’imbriquent au-dessus, les uns dans les autres, afin de former une structure autobloquante.
Ces dernières années, l’œuvre d’Andrea Della Robbia a subi une importante restauration, permettant une étude approfondie du haut-relief à laquelle a participé l’académicienne marseillaise Élisabeth Mognetti. Nul doute qu’elle y reviendra demain lors de sa conférence donnée à l’Institut culturel italien (6 rue Fernand Pauriol, 5e arrondissement).

Conférence Élisabeth Mognetti sur
Les Della Robbia de Marseille

mardi 23 septembre 2025

Un dessin d’Henri Raybaud en salle des ventes

Jeudi 2 octobre, à Saint-Raphaël, la maison Var Enchères vendra un dessin double face du sculpteur marseillais Henri Raybaud (1879-1942). Il s’agit d’une étude pour un Laboureur ; au dos, se trouve une seconde étude de Cochons. Ces deux études au crayon, d’environ 24 x 16 cm, sont estimées entre 80 € et 120 €.

Henri Raybaud, étude d’un Laboureur, crayon

Henri Raybaud, étude de Cochons, crayon
Var Enchères, 2 octobre 2025, lot 3

Elles proviennent de l’atelier de l’artiste et ont été dispersées au moment de sa succession, en pleine Seconde Guerre mondiale. Elles sont marquées par un cachet en provençal : Enri / Raybaud / estatuaire / 1879-1942 qui suggère un engagement dans le Félibrige.

lundi 8 septembre 2025

Projet de monument à Gyptis et Protis (Raymond Servian sculpteur)

En février 1943, le gouvernement de Vichy entreprend le dynamitage des quartiers de la rive nord du Vieux-Port à la demande expresse des Allemands. De 1947 à 1955, la ville se reconstruit et prend un nouveau départ. Pour le signifier, plusieurs sculptures décoratives évoquent le voyage des Phocéens partis fonder une colonie sur les rivages de la Gaule.

Raymond Servian (1903-1954), Amphitrite – Et sur les flots d’azur Phocée jeta à nouveau ses nefs,
haut-relief, pierre, vers 1955
Angle de la rue Tasso et de l’avenue Saint-Jean, 2e arrondissement

Oscar Eichacker (1881-1961), La Méditerranée, bas-relief, béton ou ciment, vers 1947-1952
5 rue de la Prison, 2e arrondissement

Anonyme, Amphitrite – Phocée renaissante à Amphitrite éternelle confiera son destin,
bas-relief, pierre, vers 1955
Angle de la rue Caisserie et de l’avenue Saint-Jean, 2e arrondissement

Élie-Jean Vézien (1890-1982), Neptune – En ce lieu Neptune calma les flots et créa cette merveille le Lacydon, bas-relief, pierre, vers 1955
Angle des rues Caisserie et Henri Tasso, 2e arrondissement

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les noces de Gyptis et Protis, mythe fondateur de l’antique Massalia soit convoqué : la Reconstruction apparaît comme la refondation de Marseille après la Seconde Guerre mondiale. Un comité pour l’érection d’un Monument à Gyptis et Protis se forme en 1949. Très vite, le projet est confié au sculpteur Raymond Servian et à Jean Crozet (1909-1981), l’un des architectes marseillais participant aux chantiers la Reconstruction. Ensemble, ils conçoivent un imposant relief en marbre, haut de 4 mètres, posé sur un socle en pierre de la Couronne et implanté dans l’escalier reliant le Vieux-Port à la place de Lenche, entre la rue de la Loge et l’avenue Saint-Jean (ex-montée de la rue Caisserie).

Jean Crozet, Monument à Gyptis et Protis, plans et élévations, vers 1950 (ensemble et détails)
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 197 W 168

L’architecte chiffre sa réalisation à 14 000 000 d’anciens francs, réunis par souscription et par subvention ; quant au marbre pentélique de la sculpture, il s’agira d’un don du gouvernement grec. Un avis favorable est émis par l’inspecteur départemental de l’Urbanisme et de l’Habitation le 24 juin 1950. Néanmoins, le monument se situant dans un espace non encore reconstruit, le ministère de l’Éducation national dont dépend alors la Direction de l’Architecture, sursoit à l’érection pendant plusieurs années et encore en avril 1953.

Chantier de la Reconstruction de la rive nord du Vieux-Port, photographie vers 1950-1953
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 197 W 168

Au demeurant, les autorités souhaitent ardemment une maquette pour se faire une meilleure idée du projet. Raymond Servian s’exécute : « Devant une sorte de paroi, Gyptis, la fille du roi des Ségobriges, se profilant debout dans la jeunesse de sa nudité ferme et svelte, présente, en le choisissant pour époux, la coupe nuptiale à Protis, le Phocéen également nu, la chevelure ceinte d’une bandelette et tenant son manteau sur l’épaule, de même d’un pécheur son filet. »[1] La nudité des personnages contraste avec les esquisses habillées de Crozet dans ses plans.

Raymond Servian, Gyptis et Protis, maquette, plâtre, vers 1950-1953
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 197 W 168

Toutefois, ce n’est pas cela qui empêche la réalisation du projet mais la mort du sculpteur en février 1954 !

[1] Paul Sentenac, Raymond Servian, Marseille, 1954, p.75.