L’imaginaire
du Canal de Suez dans la sculpture marseillaise : le discours commémoratif.
Malheureusement,
en 1882, les Français perdent la mainmise sur le canal au profit des Anglais.
De fait, le discours iconographique change de nouveau, l’impérialisme cédant
désormais la place à la commémoration. Et l’occasion se présente rapidement :
en effet, l’Exposition universelle de 1889 coïncide avec le 20e anniversaire du
percement de l’isthme de Suez. La Compagnie universelle du Canal de Suez
commande alors une statue pour l’offrir à Ferdinand de Lesseps.
Pour
cela, elle s’adresse au sculpteur marseillais Jean-Baptiste Hugues dit Jean
Hugues (1849-1930), lauréat du grand prix de Rome en 1875, par l’intermédiaire
de son secrétaire général Marius Fontane (1838-1914) ; ce dernier,
également Marseillais, est un proche du statuaire dont il sera le témoin de
mariage le 3 mai 1890.
Dans
l’urgence, Hugues recycle une œuvre en plâtre exposée au Salon des artistes
français de 1883 : L’Immortalité, une
allégorie féminine et ailée gravant dans le roc le nom des génies de la
littérature : Homère, Dante, Shakespeare et Hugo.
Jean Hugues, L’Immortalité,
statue en plâtre, 1883
Photo, collection personnelle
Il
lui suffit simplement de modifier l’inscription pour en changer le sens. La
sculpture devient ainsi L’Histoire
gravant la date du percement du canal de Suez, soit le 17 novembre 1869. La
statue figure en bonne place dans le pavillon de la Compagnie universelle du
Canal de Suez lors de l’Exposition universelle.
Jean Hugues, L’Histoire gravant la date
du percement du canal de Suez
Gravure, 1889, collection personnelle
Elle
est ensuite fondue en bronze par la fonderie Barbedienne. Enfin, elle est
offerte à Ferdinand de Lesseps qui l’érige dans le parc du château de Planches,
propriété de son fils Charles située dans l’Indre, où elle se trouve toujours.
Jean Hugues, L’Histoire
gravant la date du percement du canal de Suez
Statue en bronze, 1891, château de Planches (Indre)
Cela
étant, l’imaginaire du canal de Suez s’estompe rapidement dans l’art
marseillais, sans doute remplacé par un imaginaire plus fort et plus local,
celui de Marseille porte de l’Orient.