Voici
une notice que j’ai rédigée pour l’exposition photographique Tête à tête, portraits de façades
marseillaises, organisée par l’association ESSoR à la Préfecture des
Bouches-du-Rhône pour les Journées du Patrimoine de 2007.
Façade et porte d’entrée de l’immeuble, vers 1885
4, rue Sainte-Barbe, 1er arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry
L’on
peut s’étonner de l’apparition de Victor Hugo (1802-1885) sur une façade
marseillaise bien qu’il n’ait aucun lien particulier avec la cité phocéenne. La
raison est sans doute que la mort du grand homme coïncida avec la construction
du quartier Colbert où s’insère le petit immeuble du charron François Giroud.
Mais, par-delà l’admiration du personnage, le portrait semble véhiculer un
opinion politique.
Anonyme, Victor
Hugo, clé de porte, vers 1885
4, rue Sainte-Barbe, 1er arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry
En
effet, ce décor modeste, ornant la clé de l’arc de la porte d’entrée, ne rend
pas hommage au seul poète : aucun attribue littéraire (plume, livre, etc.)
n’accompagne le buste en hermès. Représenté âgé et nommément identifié, l’effigie
laurée (symbole de victoire et de gloire) de Victor Hugo se détache sur un cuir enroulé terminé par des feuilles
de chêne (symbole de force) ; de part et d’autre, des palmes se déploient
sur l’arc de la porte, celles du martyr de la République plutôt que les palmes
académiques.
Souvenons-nous
alors que Victor Hugo, pair de France sous Louis-Philippe et député en 1848,
fuit le pays au lendemain du coup d’état du 2 décembre 1851 et entame sa
croisade pamphlétaire contre Napoléon III (1808-1873), « Napoléon-le-Petit » (Les Châtiments, 1853). Il ne revient à Paris qu’à la chute du Second
Empire, en 1870, auréolé d’une grande gloire qui se mue en immense émotion à l’annonce
de sa mort, le 22 mai 1885. La Chambre et le Sénat votent aussitôt, à la
quasi-unanimité, des obsèques nationales : exposé sous l’Arc de Triomphe,
son corps est veillé par le peuple, puis accompagné jusqu’au Panthéon au rythme
des « Vive Hugo ! » C’est
donc un exemple de cette ferveur populaire et républicaine que l’on retrouve
sur cette clé de porte. Mais, François Giroud manifeste peut-être également
contre la Ville qui a rebaptisé l’ex-rue de l’Impératrice non pas du patronyme
de son héros mais de celui de Colbert, ministre du roi Louis XIV.
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