dimanche 14 juin 2020

Victor Hugo (sculpteur inconnu)

Voici une notice que j’ai rédigée pour l’exposition photographique Tête à tête, portraits de façades marseillaises, organisée par l’association ESSoR à la Préfecture des Bouches-du-Rhône pour les Journées du Patrimoine de 2007.

Façade et porte d’entrée de l’immeuble, vers 1885
4, rue Sainte-Barbe, 1er arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry

L’on peut s’étonner de l’apparition de Victor Hugo (1802-1885) sur une façade marseillaise bien qu’il n’ait aucun lien particulier avec la cité phocéenne. La raison est sans doute que la mort du grand homme coïncida avec la construction du quartier Colbert où s’insère le petit immeuble du charron François Giroud. Mais, par-delà l’admiration du personnage, le portrait semble véhiculer un opinion politique.

Anonyme, Victor Hugo, clé de porte, vers 1885
4, rue Sainte-Barbe, 1er arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry

En effet, ce décor modeste, ornant la clé de l’arc de la porte d’entrée, ne rend pas hommage au seul poète : aucun attribue littéraire (plume, livre, etc.) n’accompagne le buste en hermès. Représenté âgé et nommément identifié, l’effigie laurée (symbole de victoire et de gloire) de Victor Hugo se détache sur un cuir enroulé terminé par des feuilles de chêne (symbole de force) ; de part et d’autre, des palmes se déploient sur l’arc de la porte, celles du martyr de la République plutôt que les palmes académiques.
Souvenons-nous alors que Victor Hugo, pair de France sous Louis-Philippe et député en 1848, fuit le pays au lendemain du coup d’état du 2 décembre 1851 et entame sa croisade pamphlétaire contre Napoléon III (1808-1873), « Napoléon-le-Petit » (Les Châtiments, 1853). Il ne revient à Paris qu’à la chute du Second Empire, en 1870, auréolé d’une grande gloire qui se mue en immense émotion à l’annonce de sa mort, le 22 mai 1885. La Chambre et le Sénat votent aussitôt, à la quasi-unanimité, des obsèques nationales : exposé sous l’Arc de Triomphe, son corps est veillé par le peuple, puis accompagné jusqu’au Panthéon au rythme des « Vive Hugo ! » C’est donc un exemple de cette ferveur populaire et républicaine que l’on retrouve sur cette clé de porte. Mais, François Giroud manifeste peut-être également contre la Ville qui a rebaptisé l’ex-rue de l’Impératrice non pas du patronyme de son héros mais de celui de Colbert, ministre du roi Louis XIV.

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