lundi 20 novembre 2023

De Toulon à La Londe les Maures

Une fois n’est pas coutume, je quitte Marseille pour Toulon afin d’évoquer une exposition dont je suis le commissaire scientifique et qui ouvre ses portes au public la semaine prochaine.

De Toulon à La Londe les Maures
André et Gaudensi Allar
1850-1900 

Le Musée d’Art de Toulon et le château des Bormettes à La Londe les Maures recourent, dans de la seconde moitié du XIXe siècle, à la même équipe d’architectes et de décorateurs : le théoricien de la polychromie monumentale Paul Sédille (1836-1900), le céramiste Jules Loebnitz (1836-1895) et surtout les frères André et Gaudensi Allar (1845-1926 / 1841-1904). Ces derniers, l’un sculpteur l’autre architecte, s’associent dans les mêmes temps afin d’offrir à leur ville natale et à ses environs quelques-uns de leurs plus remarquables monuments.

André Allar, Gaudensi Allar, 1905
Buste, marbre, Musée d’Art de Toulon, 2009.0.2

André Allar Jules Loebnitz, circa 1895 ?
Buste, bronze sur un socle de marbre vert-de-mer, Musée d’Art de Toulon, 2023.1.1

L’exposition du MAT, en partenariat avec la Mairie et l’Office de tourisme intercommunal de La Londe les Maures, propose une balade d’un territoire à l’autre.

La première étape s’effectue au château des Bormettes, petit joyau d’éclectisme voulu par ses propriétaires successifs. Alors que le peintre Horace Vernet (1889-1963) conçoit avec l’architecte hyérois Victor Trotobas (1807-1884) une demeure de type maison-forte médiévale à la fin des années 1850, l’industriel Victor Roux (1819-1893) remanie et agrandit le château en une agréable villégiature entre 1874 et 1890. Ses maîtres d’œuvre, Paul Sédille et Gaudensi Allar, ajoutent de multiples références Renaissance et orientalistes, notamment par l’adjonction de décors en terre cuite émaillée provenant de la manufacture Loebnitz.


André Allar et Ferdinand Gaidan (1824-1900), L’AgricultureLe Travail et La Famille, 1890
Bas-reliefs, terre cuite émaillée, Château des Bormettes, La Londe les Maures
Seuls décors en terre cuite émaillée non réalisés par Jules Loebnitz, ces bas-reliefs sont réalisés à Marseille dans l’atelier du céramiste et chimiste Ferdinand Gaidan. Ils sont aujourd’hui en mauvais état.

Le château des Bormettes met en lumière l’entreprise de faïences décoratives de Jules Loebnitz dont on découvre aujourd’hui l’importance et l’influence en Provence. Le prêt de céramiques, de photographies, de peintures et de magnifiques planches de catalogues par le MUDO – Musée de l’Oise montre cette interaction artistique et industrielle entre Paris et la province. Ainsi, grâce à la collaboration de ses amis Paul Sédille et André Allar, le céramiste triomphe-t-il lors des Expositions universelles de 1878 et 1889.

André Allar L’Étude, 1884
Bas-relief, plâtre polychrome, collection personnelle
Ce projet de céramique n’aboutit pas ; il est finalement traduit en bronze et inséré dans le manteau de cheminée de l’hôtel Arbaud, à Aix-en-Provence

André Allar (attribués à) et Jules Loebnitz, La Rose et Le Lys, circa 1884
Médaillons, terre cuite émaillée, Musée d’Histoire de Toulon et de sa région 
Ces deux médaillons sont exposés dans le stand Loebnitz lors de l’exposition de l’Union des arts décoratifs de 1884, à Paris.

Le parcours s’achève avec les frères Allar, gloires toulonnaises de la fin du XIXe siècle, notamment André qui reste l’unique grand prix de Rome de sculpture varois. Durant la décennie 1880-1890, ils œuvrent de concert à l’École Rouvière, à la Fontaine de la Fédération et au Musée-Bibliothèque, leur chef-d’œuvre. Là, le statuaire conçoit quatre cariatides en pierre pour les loggias mais également des petits panneaux en terre cuite émaillés par Loebnitz.

Victorien Bastet (1852-1905) et Jules Loebnitz, Mirabeau et Massillon, 1887
André Allar et Jules Loebnitz, Putti, 1887
Médaillons et bas-reliefs, terre cuite émaillée, façade du Musée d’Art de Toulon
© Xavier de Jauréguiberry

L’exposition, qui se tient dans le cabinet d’arts graphiques, présente une soixantaine de documents variés : peintures, sculptures, gravures, photographies, céramiques… Elle apporte un éclairage nouveau sur des personnalités aujourd’hui méconnues, sur des patrimoines à redécouvrir et à protéger.

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