dimanche 23 juin 2024

La Toilette de bébé (Raymonde Martin et Constant Roux sculpteurs)

Jeudi dernier, j’ai acheté à l’hôtel Drouot un petit groupe (H. 17 cm) en terre cuite de la sculptrice marseillaise Raymonde Martin (1887-1977). Provenant de la collection de Jacques et Michèle Ginepro, grands amateurs de sculptures, il était intitulé dans le catalogue de vente La Toilette de bébé (lot 255, Audap & associés, 20 juin 2024). 

Raymonde Martin, La Toilette de bébé, terre cuite, 1921-1922
Collection personnelle

L’artiste en a tiré un bronze don un exemplaire était vendu dans la même vente (lot 256, Audap & associés, 20 juin 2024).

Raymonde Martin, La Toilette de bébé, bronze, 1921-1922
Collection Gaston Marie Martin

L’œuvre représente une mère en train de laver les fesses de son enfant. La pose du bébé, les pieds en l’air et la tête renversée, est originale et amusante. Les boulettes d’argile écrasées de la chevelure ou de la robe désignent une étude prise sur le vif. En effet, il s’agit d’une esquisse pour l’envoi de Raymonde Martin au Salon de 1922 : n°3514- Mère et enfant, groupe plâtre. Sur l’œuvre finale, on note quelques différences, notamment au niveau de la coiffure.

Raymonde Martin, Mère et Enfant, plâtre, 1922
Photographie, collection Gaston Marie Martin

Si j’ai acquis cette sculpture – outre le fait que Raymonde Martin est une artiste rare sur le marché de l’art – c’est qu’elle fait écho à une autre terre cuite de ma collection… Quelque vingt-cinq années plus tôt, Constant Roux (1865-1942) a abordé le même sujet.

Constant Roux, La Toilette de bébé, terre cuite, circa 1895
Collection personnelle

Constant Roux et sa compagne Joséphine Signoret (1869- ?) sont les jeunes parents du petit Paul, dit Paolo, Roux (1894-1902) au moment où le sculpteur part pour la Villa Médicis. Le sujet de la maternité est donc autobiographique et lui inspire le groupe Maternité, son envoi de Rome de première année (1896). La petite terre cuite (H. 20 cm) n’en est sans doute pas une esquisse. En revanche, le motif pittoresque d’une mère ou d’une nourrice torchant un bébé correspond certainement à une scène domestique vécue.
Constant Roux a tiré un plâtre de cette œuvre amusante et l’a éditée en bronze.

Constant Roux, La Toilette de bébé, plâtre patiné, vers 1895
Collection particulière

Constant Roux, La Toilette de bébé, bronze, vers 1895
Exemplaire vendu à Saint-Raphaël (Var Enchères, lot 45) le 15 décembre 2022

jeudi 6 juin 2024

Marguerite Varigard

Il y a quelque temps, je suis entré en contact avec la petite-fille d’un légataire de Marguerite Varigard : celle-ci, n’ayant pas eu d’enfant, a en effet légué l’une de ses propriétés et son contenu à un couple qu’elle hébergeait au début de la guerre. Cela me permet d’affiner sa notice biographique que j’avais commencée dans mon article « Formation et carrière des sculptrices marseillaises » (cf. article du 7 février 2023).

Varigard Marguerite Louise Antoinette Suzanne, née Castang (Alès, 17 janvier 1865-Cannes ?, 22 août 1940), sculptrice
Marguerite Castang épouse Léon Varigard (1857-1914), entrepreneur en travaux publics et fils du maire d’Alleins (Bouches-du-Rhône), le 21 octobre 1884, à Alès. Le couple réside à Marseille entre 1888 et 1898[1]. Marguerite y fréquente le meilleur monde. Parallèlement, elle se perfectionne à la peinture auprès de la très mondaine Fernande de Mertens (1850-1924), présentant même à l’Exposition des Dames organisée par le Cercle artistique en 1893 un « ravissant tableau […] d’une excellente composition, d’une venue bien personnelle et d’un dessin très correct, c’est une œuvre qui dénote une nature des mieux douées et vraiment artistique »[2]. Son professeur de peinture réalise, par ailleurs, son portrait au pastel qui est exposé au Salon de l’Association des artistes marseillais de 1894 : Portrait de Mme M. V… (pastel, n°352).

Fernande de Mertens, Marguerite Varigard, pastel, 1894
Collection particulière

Toutefois, la prédilection artistique de Marguerite Varigard va à la sculpture. Elle apprend le modelage avec Charles Cordier (1827-1905), très vraisemblablement lors de ses villégiatures dur la Côte-d’Azur. Rapidement, elle exhibe sa production aux manifestations de l’Association des artistes marseillais : Mme C. C. (buste, n°394) et Mlle M. (bas-relief, n°395) en 1894 ; Buste de femme (n°389) en 1896 ; Tête de vieillard (n°349) et Tête d’enfant (n°350) en 1898.
À la fin du siècle, les Varigard déménagent à Paris et voyagent tout autour du monde. Marguerite se passionne pour la photographie, immortalisant ses pérégrinations sur plusieurs centaines de plaques de verre. Dans la capitale française, elle prend le Marseillais Auguste Carli (1868-1930) comme nouveau professeur de sculpture après le décès de Cordier ; elle photographie d’ailleurs l’atelier du maître en 1906.

Marguerite Varigard, Atelier d’Auguste Carli, photographie sur verre, 1906
Collection particulière

Elle expose au Salon de la Société des artistes français entre 1906 et 1914 : En prière (buste plâtre, 1906, n°3579), En prière (buste bronze, 1908, n°3696), Mlle Marcelle M… (buste plâtre, 1911, n°3862), Portrait de Mlle M..., en Japonaise (buste bronze, 1912, n°4115), Un bon cliché (1914, n°4454). La presse commente quelques-uns de ses envois comme en 1908 : « Un pur et calme sentiment de paix religieuse attire dans En prière, buste en bronze par Mme Varigard. »[3]

Anonyme, Marguerite Varigard dans son atelier avec le plâtre d’En prière, plaques de verre, 1906
Collection particulière

Marguerite Varigard, Portrait de Mlle M… en Japonaise, buste bronze, 1910
Vente Var Enchères (lot 270), Saint-Raphaël, 13 février 2016
Il s’agit du portrait de la soprano Marthe Davelli (1881-1953) dans le rôle de Mme Butterfly. 

Durant sa période parisienne, Marguerite Varigard s’inscrit dans l’Annuaire du commerce Firmin Didot en tant que sculpteur-statuaire. Pour autant, cette volonté de professionnalisme ne convainc pas les principaux commanditaires que sont l’État et les communes : elle ne reçoit aucune commande et même le Monument aux morts qu’elle réalise pour l’église d’Alleins, fief de sa belle-famille, n’est pas un achat mais un don de l’artiste.

Marguerite Varigard, Monument aux morts pour la France 1914-1918, bas-relief, plâtre, 1920
Église d’Alleins (Bouches-du-Rhône)


[1] Les Varigard habitent d’abord boulevard du Nord (n°15 en 1888), puis rue Sylvabelle (n°77 en 1889 et n°108 à partir de 1896). Au demeurant, ils partent en villégiature à Juan-les-Pins, dans leur villa La Girelle.
[2] Anonyme, La Vedette, 24 juin 1893, p.396.
[3] Léon de Saint-Valéry, « La sculpture à la Société des artistes français (suite) », La Revue des beaux-arts, juin 1908, p.3.