lundi 27 janvier 2025

Monument à Victor Gélu (Stanislas Clastrier sculpteur)

Six ans après la mort du poète populaire Victor Gélu (1805-1885), les félibres parisiens lui élèvent un monument dans sa ville natale. Pour ce faire, ils s’adressent à l’architecte aixois Joseph Huot (1840-1898) et au sculpteur Stanislas Clastrier (1857-1925). Les deux artistes qui collaborent alors à la poste Colbert appartiennent au mouvement félibréen : le premier est majoral du Félibrige et syndic de la Maintenance de Provence ; le second est membre de l’Escolo de la Mar. Averti du projet, le Conseil municipal délibère le 26 mai 1891 d’agrandir la fontaine de la place Neuve – quartier du poète (1er arrondissement) – pour y insérer le haut-relief commandé.

Joseph Huot, Fontaine Gélu, projet dessiné, 20 juin 1891
Archives municipales de Marseille, 1128 W 45

Les événements se précipitent tant et si bien que l’on décide d’inaugurer le monument le 12 août 1891, avant même l’achèvement du bronze ; le modèle en plâtre remplace l’absent pour l’occasion.

Gustave Ouvière (1862-1943), Stanislas Clastrier modelant le haut-relief de Victor Gélu, photographie, 1891
Archives municipales de Marseille, 1 Fi 3

L’œuvre tire tout le parti possible de son cadre imposé, la stèle de la fontaine. Victor Gélu déclame l’une de ses chansons, à mi-corps derrière une table qui lui sert de tribune, le bras droit tendu. Malgré de fortes contraintes, le portrait sculpté paraît extrêmement vivant et correspond bien au caractère populaire du quartier. D’ailleurs, Marcel Pagnol (1895-1974) le cite dans sa célébrissime partie de cartes (Marius, 1929, acte III, scène 1) au cours de laquelle César déclare à Panisse : « Tu es beau. Tu ressembles à la statue de Victor Gélu. »

Marseille. La fontaine Gélu, carte postale, s.d.
Archives municipales de Marseille, 88 Fi 218

Dès le 4 septembre 1891, le Conseil municipal rebaptise la place Neuve du nom de Victor Gélu. Toutefois, le monument n’échappe pas aux vicissitudes de l’Histoire : le bronze est fondu en 1942, répondant à la loi de récupération des métaux non ferreux.

mercredi 15 janvier 2025

L’Aurore ? (Paul Rocheil sculpteur)

Les œuvres de Paul Rocheil (1890-1962) sont rares sur le marché de l’art, plus encore lorsqu’il s’agit de grands formats. Actuellement, le site marchand 1stDibs propose une grande figure en plâtre (186 x 71 x 53 cm), du plus pur art déco et signée de cet artiste. Elle se trouve à New York et est proposée à la vente pour 39 602 € !

Paul Rocheil, L’Aurore ?, statue, plâtre, vers 1930

En mai 2023, j’ai été consulté pour expertiser cette sculpture. De par sa taille, il me semble probable que cette statue a été exposée dans un Salon quelconque. Il s’agit peut-être de L'Aurore présentée à la 15e foire de Marseille en 1941. Cela paraît tardif mais le Frédéric Mistral également exposé cette année-là date de 1931. De fait, L'Aurore pourrait elle-même dater des années 1930, ce qui correspond au style de la sculpture.
Les envois de Rocheil à la 15e foire de Marseille sont remarqués par la presse. Le littérateur du Radical de Marseille du 18 septembre 1941 écrit à son sujet : « Quatre œuvres de Paul Rocheil, gagnant du Grand Prix des Arts et des Lettres de Provence. Rocheil qui montre une étonnante personnalité dans toutes ses œuvres. Rocheil qu’on ne voit pas assez fréquemment dans les expositions et qu’on regrette de ne pouvoir signaler plus souvent. »

mardi 7 janvier 2025

Alexandre Ier de Yougoslavie et Louis Barthou (Jules-Henri Wagener sculpteur)

Le 25 mars 2021, les archives municipales de Marseille ont acquis chez la maison de ventes De Baecque un ensemble de photographies (lot 81) présentant le travail du sculpteur Jules-Henri Wagener pour 90 €. Ces clichés réalisés par le photographe Henri Giraud (1892-vers 1948 ?) ont été pris dans l’atelier de l’artiste en décembre 1934.
Deux mois après l’assassinat du roi Alexandre Ier de Yougoslavie (1888-1934) et du ministre des Affaires étrangères Louis Barthou (1862-1934) le 9 octobre 1934 (cf. notice du 7 octobre 2024), Wagener descend d’Île-de-France pour opportunément sculpter les portraits des deux victimes dans l’espoir que l’on lui commande l’exécution d’un monument commémoratif. Il loue alors un atelier dans l’immeuble de rapport de la famille Bérengier au 20 rue Saint-Savournin. Il modèle les portraits du souverain et du haut-fonctionnaire, hésitant entre l’habit civil et le costume d’académicien pour Barthou.

Henri Giraud, Jules-Henri Wagener posant avec le portrait du roi de Yougoslavie, 1934
Archives municipales de Marseille, 2 Fi 338

Henri Giraud, Jules-Henri Wagener posant avec le portrait
de Louis Barthou en costume d’académicien
, 1934
Archives municipales de Marseille, 2 Fi 341

Jules-Henri Wagener, Portrait de Louis Barthou en costume civil, 1934
Archives municipales de Marseille, 2 Fi 340

La commande n’aboutit pas ; le projet de monument commémoratif sera finalisé quelques années plus tard par l’architecte du département Gaston Castel (1886-1971).
On connaît peu de choses de la vie de Jules-Henri Wagener. Je profite donc de cette notice pour compiler toutes les informations biographiques que je possède à son sujet :
Il est né en Italie, dans la province de Lucques en Toscane, à une date inconnue. Il effectue sa formation artistique à l’académie des Beaux-Arts de Pietrasanta où il obtient un premier prix. Dans l’Entre-deux-guerres, il s’installe en France. Il expose au Salon des artistes français de 1920 (n°3519- Satyre, buste, marbre de Carrare) et 1922 (n°3787- Le Christ, buste, marbre). Le 22 décembre 1927, il fonde une SARL ayant pour objet tous travaux de marbrerie et de sculpture chez un notaire lillois ; il vit alors à Boulogne-sur-Mer.
Il est l’auteur de nombreux bustes d’hommes célèbres : Beethoven, Verlaine, le général argentin José de San Martin (destiné au musée de Boulogne-sur-Mer), le Docteur Brousse (cimetière de Saint-Étienne-du-Mont), le Maréchal Foch, le Général Bolivar (exposé au Salon des Indépendants de 1931)… Le 28 juillet 1929, la ville de Calais inaugure son buste de l’aviateur Gilbert Brazy (1902-1928) disparu au Pôle Nord avec l’explorateur Amundsen en portant secours à l’expédition italienne du Nobile. Le modèle de ce buste est présenté au Salon des artistes français de 1930 (n°3923).

Jules-Henri Wagener, Monument à Gilbert Brazy héros du Pôle Nord, Calais
Carte postale

Pour finir, j’ignore quand et où Jules-Henri Wagener est décédé.