Six
ans après la mort du poète populaire Victor Gélu (1805-1885), les félibres
parisiens lui élèvent un monument dans sa ville natale. Pour ce faire, ils s’adressent
à l’architecte aixois Joseph Huot (1840-1898) et au sculpteur Stanislas
Clastrier (1857-1925). Les deux artistes qui collaborent alors à la poste
Colbert appartiennent au mouvement félibréen : le premier est majoral du Félibrige
et syndic de la Maintenance de Provence ; le second est membre de l’Escolo
de la Mar. Averti du projet, le Conseil municipal délibère le 26 mai 1891 d’agrandir
la fontaine de la place Neuve – quartier du poète (1er arrondissement) – pour y
insérer le haut-relief commandé.
Les
événements se précipitent tant et si bien que l’on décide d’inaugurer le
monument le 12 août 1891, avant même l’achèvement du bronze ; le modèle en
plâtre remplace l’absent pour l’occasion.
L’œuvre
tire tout le parti possible de son cadre imposé, la stèle de la fontaine.
Victor Gélu déclame l’une de ses chansons, à mi-corps derrière une table qui
lui sert de tribune, le bras droit tendu. Malgré de fortes contraintes, le
portrait sculpté paraît extrêmement vivant et correspond bien au caractère
populaire du quartier. D’ailleurs, Marcel Pagnol (1895-1974) le cite dans sa célébrissime
partie de cartes (Marius, 1929, acte III, scène 1) au cours de laquelle César
déclare à Panisse : « Tu es beau. Tu ressembles à la statue de
Victor Gélu. »
Dès
le 4 septembre 1891, le Conseil municipal rebaptise la place Neuve du nom de
Victor Gélu. Toutefois, le monument n’échappe pas aux vicissitudes de l’Histoire :
le bronze est fondu en 1942, répondant à la loi de récupération des métaux non
ferreux.