Au
reste, l’évocation dudit groupe permet de mettre en lumière une autre fonction
de l’atelier-musée : celle d’agence d’Auguste Carli. Or, cela débute avec Le Christ et sainte Véronique. Le plâtre
bénéficie d’une médaille de 2e classe et d’un achat de l’État (4 000 francs) en
1900 ; en 1902, le marbre obtient une médaille de 1ère classe ainsi que, de
nouveau, l’acquisition de l’État (10 000 francs) qui l’attribue au musée des
Beaux-Arts de Marseille le 15 avril 1903[1]. Aussitôt l’œuvre installée dans la galerie
des sculptures, une souscription initiée par les amis proches du sculpteur
s’ouvre afin d’en offrir une réplique à la cathédrale de la Major. Chaque
donateur reçoit alors en souvenir une reproduction de la maquette dont la
valeur dépasse, selon la précision apportée par le comité organisateur, le prix
de la souscription : effectivement, certaines, plus luxueuses, reposent sur un
socle de marbre. Il va sans dire que les moulages de la maquette sortent tous
de l’atelier de la rue Neuve ! L’opération est un succès. Dès lors, l’idée
d’accompagner la souscription d’un moulage de la maquette afin de susciter
l’envie et d’encourager la générosité s’instaure.
Auguste Carli, Le
Christ et sainte Véronique, plâtre, 1900
Carte postale
Auguste Carli, Le
Christ et sainte Véronique, maquette plâtre, 1903-1904
Musée des Beaux-Arts de Marseille, 4e arrondissement
En
mai 1905, un petit cercle de catholiques pratiquants – par ailleurs amateurs
d’art – se réunit chez François Carli dans le but de créer un comité « À
la gloire du peintre Adolphe Monticelli ». L’exécution du futur monument
échoie sans surprise au frère de leur hôte. Pour parvenir à leur fin, les
membres du comité s’adjoignent le patronage d’hommes politiques modérés,
opposés aux lois antireligieuses, comme le député progressiste Joseph Thierry
et le premier adjoint au maire Eugène Pierre ; ce dernier du reste prend la
présidence du comité. En juin 1907, la maquette est approuvée par le comité et
est aussitôt exposée chez le galeriste Oudin, rue de la Darse. Bénéficiant
ainsi d’une grande visibilité, elle familiarise le public avec le monument
projeté. La maquette, dupliquée par moulage, est alors offerte aux plus
généreux souscripteurs ; le musée des Beaux-Arts de Marseille en conserve deux
exemplaires.
Auguste Carli, Monument
à Adolphe Monticelli, maquettes plâtre, 1907
Musée des Beaux-Arts de Marseille, 4e arrondissement
Quelques
années plus tard, en 1913, Auguste Carli envisage l’érection d’un Monument aux héros, aux morts en mer.
Sachant très bien ménager tous les soutiens utiles à ses vues, il s’appuie, cette
fois, sur ses relations radicales-socialistes[2],
sans doute plus aptes à fédérer tous les syndicats de marins. En décembre 1913,
la maquette est présentée dans l’atelier-musée, puis dans les vitrines de La
Belle Jardinière, un grand magasin de la rue Saint-Ferréol. Toutefois, dans le
cas, le futur monument déclenche la fureur des différentes corporations
maritimes, non consultées pour l’agrément du modèle ; d’aucuns pensent que « la sculpture tumulaire de M. Carli ne
répond nullement à son objet » et le qualifient de « fastueux navet »[3]. Sur ce, un projet concurrent dû au sculpteur
André Verdilhan apparaît et, finalement, après de nombreux rebondissements, le
sujet d’Auguste Carli ne verra pas le jour.
Auguste Carli, Monument
aux héros, aux morts en mer
Maquette plâtre, 1913, photos
Archives départementales des Bouches-du-Rhône 4T38
La
promotion de ses œuvres ne s’exempte pas du mercantilisme. Lorsqu’en 1902, le
sculpteur expose au Salon des artistes français un groupe monumental en plâtre,
La Lutte de Jacob et l’Ange (n°2323),
quelques admirateurs et amis[4]
l’achètent pour le musée des Beaux-Arts de Marseille. Parallèlement, il diffuse
des éditions en plâtre des deux maquettes de la sculpture : un premier modèle
où l’ange déploie ses ailes et un second – celui qui sera agrandi – aux ailes
repliées. Sans doute est-ce le moyen de rentabiliser l’exécution d’une œuvre
coûteuse en énergie et en temps.
Auguste Carli, La
Lutte de Jacob et l’Ange
Maquette plâtre aux ailes repliées, vers 1901-1902
Exemplaire vendu à Salon de Provence le 2 décembre
2017
[1] AN F/21.4183 (dossier Carli,
sous-dossier Christ et sainte Véronique
– marbre) et F/21/4296 (dossier Carli, récapitulatif des achats et commandes de
l’État).
[2]
Auguste Carli portraiture
plusieurs hommes politiques de gauche des Bouches-du-Rhône : le président du
Conseil général Juvénal Deleuil (1901), le conseiller général et député Gabriel
Baron (1905 et 1910), l’ancien vice-président du Sénat Victor Leydet (1910),
l’ancien ministre des Finances et sénateur Paul Peytral (1913) ; ce dernier
prend d’ailleurs la présidence d’honneur du comité dudit monument.
[3]
Archives départementales
des Bouches-du-Rhône 4T38, monuments commémoratifs, sous-dossier Monument aux héros et victimes de la mer :
Anonyme, « Autour d’un monument », Les
tablettes maritimes, article découpé sans la date.
[4]
Ce groupe d’amateurs
marseillais – fervents catholiques pour la plupart – se compose de
collectionneurs (Georges Zarifi) et de sculpteurs (Paul Gonzalès, François
Carli, Ary Bitter, Charles Delanglade, Gabriel Joucla).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire