Très
vite, il importe aux frères Carli de signaler l’atelier-musée depuis la rue.
L’immeuble qui l’abrite s’avère quelconque ; il s’agit donc de l’ennoblir par
une enseigne sculptée. Auguste Carli choisit alors de réemployer un décor que
l’État lui a commandé en 1900 pour le Grand Palais de l’Exposition universelle,
moyennant 7 000 francs : deux figures d’enfants jouant avec un mascaron
grotesque pour les linteaux des portes latérales du porche central[1]. Le motif purement décoratif qui encadre
initialement un cartouche rectangulaire s’adapte de façon idéale à cette
nouvelle fonction.
Auguste Carli, Enfants
et mascarons, 1900
Porte latérale du porche central, Grand Palais,
Paris
Auguste Carli, Enfants
et mascarons, vers 1900
Enseigne de l’atelier-musée des frères Carli
6, rue Jean Roque (ex-rue Neuve), 1er arrondissement
Afin
d’attirer un public toujours plus nombreux, François Carli organise à partir de
mai 1902, et ce jusqu’en 1914, des expositions temporaires dans ses locaux au
rythme soutenu d’une à deux par an. Catholique convaincu à une époque où
l’anticléricalisme devient la règle, il les consacre exclusivement à l’art
religieux. On trouve dans ces « expositions de Vierges » – appellation qui leur
est dévolue – des reproductions de statues de l’époque gothique (Vierge primitive de Notre-Dame de Paris,
Vierge de Nuremberg, etc.) et de
chefs d’œuvre de la Renaissance attribués à Ghiberti, Donatello, Michel-Ange,
Nino de Fiesole, Luca et Andrea Della Robbia (fig. 2)… Si ces deux époques sont
privilégiées, les XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles ne sont pour autant pas
oubliés.
Enfin,
au milieu des copies, se trouvent des œuvres contemporaines et originales, dues
aux frères Carli : par exemple, en mai 1902, François exhibe une Mater Dolorosa et une Assomption tandis qu’Auguste présente Le Sommeil de la Sainte Famille qui
figurera ensuite au Salon des artistes français de 1903 sous le titre : Le Songe de la Vierge (n°2615).
Auguste Carli, Le
Sommeil de la Sainte Famille, plâtre, 1900
Vendu à Londres le 4 juin 1998
Un
troisième homme, Paul Gonzalès (1856-1938), participe à toutes ces
manifestations. Fils d’un industriel ayant fait fortune en Tunisie, il se forme
tardivement à la sculpture auprès des Carli dont il partage les convictions
religieuses. Il présente là, exclusivement sous la forme de bas-reliefs, des
œuvres aux titres évocateurs : La Vierge
au capuchon, Grande Vierge aux lys
(1902), La Vierge à la Tarasque (1903),
Notre Dame de Mai (1904)…
Paul Gonzalès, La
Vierge au capuchon, 1902
Paul Gonzalès, La
Vierge à la Tarasque, 1903
Carte postale
Il
est, par ailleurs, intéressant de constater que les frères Carli – tout comme
Paul Gonzalès d’ailleurs – ne fréquentent guère les expositions annuelles de
l’Association des artistes marseillais qui se tiennent dans la salle des fêtes
de l’école municipale des Beaux-Arts. Certes, ils figurent régulièrement dans
les Salons voisins – ceux d’Avignon ou de Toulon par exemple – ou aux Artistes
français à Paris, mais ils ignorent délibérément celui de Marseille.
L’atelier-musée fait office de Salon concurrent, d’autant plus que, bien
souvent, les dates des deux manifestations coïncident. Ainsi, le visiteur
peut-il se rendre aisément d’un lieu à l’autre, de part leur proximité
géographique.
Au
demeurant, lorsqu’ils apparaissent aux expositions marseillaises – en 1913 pour
Auguste, de 1912 à 1914 pour François, plus quelques dates après la guerre –
ils ne présentent que des portraits… peut-être pour ne pas attiser la colère
des anticléricaux. Ils agissent de même lors des grandes expositions
qu’organisent la cité phocéenne en 1906 (exposition coloniale) et 1908
(exposition internationale d’électricité). Auguste Carli ne s’autorise qu’une
exception en 1906 avec l’exhibition d’un fragment de son groupe Le Christ et sainte Véronique.
[1] AN
F/12/4386 : Grand Palais des Champs-Élysée – sculpture statuaire,
parte antérieure, liasse 18.
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