Voici
un article que j’ai publié dans la revue Marseille (avril 2017, n°254,
p.86-93) : Esquisses, maquettes,
modèles et autres réductions. Sculpter en miniature pour rêver Marseille en
monumental
Sous
le Second Empire et la Troisième République, l’urbanisme phocéen se
métamorphose : de nouveaux quartiers sont créés, des places aménagées et,
un peu partout, des rues percées. Les édiles, les notables et les artistes
eux-mêmes voient là l’opportunité d’embellir la ville de statues décoratives,
de monuments commémoratifs ou de fontaines grandioses. Hélas, la sculpture est
un art onéreux et une commande s’avère parfois moins ferme que prévue. Aussi le
recours à un format réduit de l’œuvre envisagée permet-il de limiter les
risques financiers… voire esthétiques !
La
langue française dispose de nombreux termes pour désigner ces petits formats,
incluant de subtiles nuances : esquisse, ébauche, étude, projet, maquette,
modèle (au tiers ou au demi d’exécution), réduction… Tous ne recouvrent pas la
même réalité, tous n’ont pas le même but. Par exemple, à partir de 1901, Jean
Hugues (1849-1930) songe à l’élaboration d’une fontaine sur le mythe des
Danaïdes. Après quelques crayonnés, il passe au modelage et réalise une esquisse
du groupe principal qui fixe la composition générale ; les visages, eux,
demeurent inexpressifs. Cependant, il saute l’étape de la maquette bien qu’il
ne dispose d’aucun commanditaire, choisissant d’exposer un plâtre grandeur
nature au Salon des artistes français de 1903 (n°2862). Hugues sollicite
ensuite l’État qui consent à un achat à compte à demi avec une municipalité, en
l’occurrence Marseille, moyennant 40 000 francs. Et, depuis 1907, la
Fontaine des Danaïdes se dresse sur le cours du Chapitre (auj. square
Stalingrad).
Jean
Hugues, Les Danaïdes, esquisse en
terre cuite, 1901
Musée
d’Art et d’Histoire de Belfort, C.46.2.6
Cette
fois, l’audace paie ! Mais nombre de statuaires ne peuvent s’investir
autant sans la certitude d’une acquisition. De fait, ce sont essentiellement
des maquettes que les artistes exhibent dans l’espoir d’une commande. Philippe
Poitevin (1831-1907) en présente trois sous un même intitulé – Ville de Marseille couronnant M. de
Mont-Richer [sic] – au Concours régional de Marseille en 1886 (n°514 à
516). Ces projets de monument à la gloire de l’ingénieur du canal de Marseille
Franz Mayor de Montricher (1810-1858), conçus entre 1882 et 1886, restent
toutefois sans suite.
Philippe
Poitevin, La Ville de Marseille recevant
les eaux de la Durance et couronnant Mr Montricher
Maquette en terre cuite, 1882, collection personnelle
Maquette en terre cuite, 1882, collection personnelle
Le
Salon marseillais de 1860 propose, pour sa part, deux maquettes de fontaine qui
ne connaissent pas meilleure fortune. La première – un Saint Michel terrassant le démon dont seule une ébauche énergique
nous est parvenue – est l’œuvre d’Auguste Bartholdi (1834-1904) qui la destine
au décor d’un bassin sis place Saint-Michel (auj. Jean-Jaurès).
Auguste
Bartholdi, Fontaine Saint Michel,
ébauche en terre cuite, 1860
Musée
Bartholdi (Colmar), SB 18
La seconde, de Joseph Félon (1818-1897),
constitue un projet colossal – La
Navigation apporte à toutes les parties du monde les lumières de la
civilisation – que son concepteur estime à 209 050 francs dans un devis de
novembre 1859.
Joseph Félon, Fontaine de la Navigation, dessin sur calque, 1859
Archives municipales de Marseille, 32 M
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Joseph Félon, La Navigation, gravure du modèle plâtre présenté au Salon des Champs-Élysées de 1861 (n°3340)
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