À
18 ans, le Marseillais Jean-Joseph Allemand (1772-1836) exprime son désir de
devenir prêtre contre l’avis de ses parents. Il est vrai que la Révolution
vient d’éclater et que, bientôt, une vocation ecclésiastique pourrait conduire
à l’échafaud ! À 20 ans, il entame donc sa formation en cachette, auprès de
l’abbé Reimonet qui l’accueille sous son toit. En 1797, le traité de Tolentino
signe la paix entre la République française et les États pontificaux ; de fait,
l’évêque de Grasse, Mgr Prunières, peut désormais venir à Marseille et ordonner
le jeune homme le 19 juillet 1798.
Cet
apaisement, renforcé par le concordat de 1801, permet au nouveau prêtre
d’organiser des activités pour les jeunes dès 1799. Ce sont les prémices de
l’Œuvre de Jeunesse, devenue avec le temps l’Œuvre Allemand. Malgré des
tensions politiques – l’Œuvre est fermée entre 1809 et 1814 mais poursuit ses
activités de façon clandestine – et de multiples déménagements, l’institution
grandit sous le regard bienveillant de son fondateur. Enfin, en 1820, elle
s’installe dans une grande ferme – transformée par la suite en bastide – aux
abords de la rue Saint-Savournin, site qu’elle occupe toujours.
François Carli, L’Abbé
Allemand, statue, marbre, 1899
Œuvre Allemand, 41 rue St-Savournin, 5e arrondissement
À
l’occasion du centenaire de l’Œuvre en 1899, une statue en marbre du prêtre
fondateur est commandée au sculpteur catholique François Carli (1872-1957). Le
littérateur Elzéard Rougier (1857-1926) la décrit de la sorte dans Le Petit Marseillais du 9 mai 1899 : «
Le saint prêtre est représenté grandeur nature, assis au bord de son pauvre
fauteuil, le buste penché, la figure illuminée par la pensée intérieure, dans
la pose qui lui fut habituelle. Sous la soutane, on distingue la maigre
anatomie de son corps usé par les veilles et les privations. Ses mains sont
longues et minces, d’un modèle admirable. De l’ensemble de l’œuvre, il se
dégage une harmonie sincèrement religieuse, une vérité d'expression
extraordinaire. C’est bien l'abbé Allemand ascétique et détaché de toutes les
choses d’ici-bas. » La bénédiction et l’inauguration officielle se déroulent le
lendemain 10 mai.
François Carli, L’Abbé
Allemand, esquisse, terre cuite, vers 1899
Œuvre Allemand, 41 rue St-Savournin,
5e arrondissement
Comme
à son habitude, François Carli – qui est également mouleur – moule la maquette
en terre cuite de statue. Ces modèles réduits, en plâtre et d’une trentaine de
centimètres de hauteur, sont vendus 10 francs. S’il s’agit de souvenirs pour
les acquéreurs, c’est sans doute également un moyen de financer la taille du
marbre.
Au
sortir de la 1ère Guerre mondiale, alors que de nombreux enfants se retrouvent
orphelins, le l’Œuvre de jeunesse de Jean-Joseph Allemand prend sans doute une
importance inégalée jusqu’alors. Cela explique vraisemblablement pourquoi le
sculpteur décide de l’exposer à Paris, au Salon de la Société des artistes
français, en 1920. La sculpture y est remarquée et le jury lui accorde une
médaille de bronze. Une inscription sous le dossier de la chaise rappelle cet
épisode… mais avec une erreur de date pour l’exposition !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire