La Préfecture
des Bouches-du-Rhône,
photos, vers 1870
Collection particulière
Dès
le mois d’août 1870, peu après le déclenchement de la guerre franco-prussienne,
la cité phocéenne est secouée par des troubles insurrectionnels sporadiques. Dans
l’après-midi du dimanche 4 septembre, jour de proclamation de la IIIe
République, le peuple se précipite dans la rue Saint-Ferréol en direction de la
Préfecture. Sur son passage, il enlève les aigles qui surmontent les hampes des
drapeaux. Il investit le bâtiment et s’en prend au symbole du régime déchu :
la statue équestre de Napoléon III, sculptée
par Eugène Guillaume (1822-1905), chute dans le vide… l’effigie en pied de l’ex-empereur
du palais de la Bourse, par Auguste Ottin (1811-1880) ayant été préalablement étêtée.
Bombardement de
la Préfecture depuis Notre-Dame de la Garde
le 4 avril 1871, gravure
publiée dans L’Illustration
Toutefois,
les troubles atteignent leur paroxysme lors de la Commune de Marseille, du 23
mars au 4 avril 1871. En cela, elle suit l’exemple de Paris qui s’insurge, à
partir du 18 mars, contre les conditions de l’armistice de janvier 1871 et la
nouvelle Assemblée nationale à dominante royaliste et pacifiste. Le 23 mars, un
défilé de gardes nationaux dégénère en manifestation ; la foule envahit à
nouveau la Préfecture des Bouches-du-Rhône sans effusion de sang et y demeure.
Le préfet Paul Crosnier est retenu prisonnier dans ses appartements tandis que
le drapeau rouge de la République sociale flotte désormais au balcon d’honneur.
Le 28 mars, le général Espivent de la Villeboisnet, chef militaire du
département déclare les Bouches-du-Rhône en état de guerre : le 3 avril,
il fait marcher ses troupes contre Marseille. La lutte s’engage le lendemain
matin. Bientôt, il parvient aux barricades entourant la Préfecture où se sont
réfugiés les défenseurs de l’insurrection. Vers midi, il fait bombarder le
quartier depuis les hauteurs de Notre-Dame de la Garde ; la Préfecture
tombe à l’aube du 5 avril.
Outre
les vies humaines perdues, les dégâts matériels sont nombreux. Plus de 280
boulets se sont abattus sur le bâtiment. Les toitures, les façades sont
criblées d’impacts ; la statue de Saint
Trophime, sculptée par Charles Gumery (1827-1871) pour la façade de la rue
Montaux (aujourd’hui Edmond Rostand) se retrouve décapitée.
La Préfecture des Bouches-du-Rhône, photo, vers
1871-1877
(après la destruction de la statue de Napoléon III et avant le percement de la
fenêtre)
Collection particulière
Pavillon central de la Préfecture des Bouches-du-Rhône
Boulevard Paul Peytral, 6e arrondissement
Très
vite, l’architecte du département Joseph Letz (1837-1890) rédige des rapports
sur les dégâts subis. Mais il faut attendre plusieurs années avant que des
restaurations soient engagées. Ainsi, Le
Sémaphore de Marseille annonce-t-il seulement le 18 septembre 1877 que l’on
va percer une fenêtre à l’emplacement de la statue équestre et que son ornementation
est confiée à Auguste Royan (1837-1908). Quant au chantier des façades, il échoie
à l’entreprise en sculpture, décoration et plâtrerie de Marius Garaudy ;
les travaux sont effectués courant 1878.
Affiche du concours pour remplacer la statue de Saint Trophime
Stanislas Clastrier, Charles Barbaroux, pierre, 1895
Préfecture des Bouches-du-Rhône, rue Edmond Rostand,
6e arrondissement
Il
faut encore attendre le 27 décembre 1893 avant que l’on se décide à remplacer
la statue de Gumery. Cependant, on écarte l’idée de remettre en place une
effigie du premier évêque d’Arles. Le choix du révolutionnaire marseillais
Charles Barbaroux (1767-1794) apparaît comme un moyen détourné d’évoquer les
troubles de la Commune. À l’issue du concours, quatre maquettes sont soumises à
l’examen du jury, lequel désigne Stanislas Clastrier (1857-1925) lauréat. L’artiste
achève son œuvre en 1895, moyennant 5000 francs.
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