vendredi 1 mai 2020

Le décor sculpté, joyau de l’église Saint-Louis 2

Carlo Sarrabezolles, Christ Rédempteur, esquisse, plâtre, 1934-1935
Collection Sarrabezolles-Appert

Les travaux de bouchardage débutent au mois de mars 1935. Cependant, le sculpteur a largement œuvré en amont. Il a modelé plusieurs esquisses qui fixent la composition et les attitudes des différents personnages. Il a surtout modifié la formule de son béton : ne disposant pas de sable de rivière et ne voulant pas recourir à du sable marin, il décide de mélanger un concassage minéral avec du ciment au ratio de 400 kg par mètre cube ; « Le ton obtenu est joli, distingué, et le grain aussi beau que celui d’une belle pierre. »[1]  

Échafaudage du christ rédempteur, photo, 1935
© Archives Sarrabezolles-Appert

Il s’attaque aussitôt au décor du mur sud car, dans son contrat, « Monsieur C. Sarrabezolles s’engage […] à terminer la statue du Christ le 1er avril 1935, l’exécution des bas-reliefs des anges […] suivant sans délai »[2] Il s’agit d’une concession faite à l’abbé Pourtal qui entend inaugurer le motif de la Crucifixion le vendredi saint (19 avril). La tâche est colossale et sans repentir possible : la figure du Rédempteur mesure 6,50 mètres pour une envergure de 6 mètres. Son corps, tout en tension, suggère le paroxysme de la souffrance au moment du dernier soupir. Les yeux clos, sa tête ploie sur l’épaule droite ; cette position d’abandon offre à la vue un visage serein. Ses mains, enfin, sont ouvertes en signe de pardon et de bénédiction. Sous la croix, la légende justifie ce sacrifice : L’amour est plus fort que la mort.

Carlo Sarrabezolles taillant le visage du Christ Rédempteur, photo, 1935
 © Archives Sarrabezolles-Appert

Carlo Sarrabezolles et ses aides taillant le visage du Christ Rédempteur, photo, 1935
 © Archives Sarrabezolles-Appert

Sarrabezolles, secondé par des aides, mène de front toutes les parties du Christ, bien que la tête qui l’attire inexorablement bénéficie d’une attention intense. Son traitement ample, à la fois stylisé et fidèle anatomiquement, ne se perd pas dans les détails invisibles depuis le sol. Finalement, il peut déclarer : « Après trois semaines de travail, je pense avoir fait une bonne mise en place du corps ; le jeu des lumières et des ombres se répercute comme il sied dans cette première, décisive et je dirai fatale ébauche. »[3]

Carlo Sarrabezolles taillant les anges adorateurs
Photo publiée dans La Croisade, n°4, avril 1935, p.3

Dans le même temps, il sculpte en faible relief les panneaux latéraux de 2,30 mètres de haut sur 4 mètres de long. Chacun accueille deux anges de profil, tournés vers la croix ; agenouillés et les mains jointes, ils sont en adoration devant le martyre du Sauveur. Ils ne diffèrent guère les uns des autres, sinon par d’infimes détails de leurs coiffures : leur rôle n’est pas de détourner le regard de la scène principale. Au contraire, le dessin de leurs drapés et des plumes de leurs ailes forme comme un halo diffusant la lumière du Christ.

Carlo Sarrabezolles, Christ Rédempteur et anges adorateurs, béton, 1935
20 Chemin de Saint-Louis au Rove, 15e arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry

L’abbé Pourtal se montre plus que séduit, formulant alors un vœu pour l’archange du clocher : « Puisse-t-il être aussi beau que ses petits frères de la façade ! »[4] Au demeurant, son avis est unanimement partagé. Lors de l’inauguration, le décor suscite moult éloges, tel celui d’un journaliste du Petit Marseillais : « Saint-Louis pourra s’enorgueillir de posséder un des plus caractéristiques monuments de l’art religieux moderne. »[5] Et l’engouement ne retombe pas ainsi que le constate l’architecte Sourdeau : « L’ensemble du Christ et des anges en adoration continue à soulever l’admiration de tous les visiteurs. »[6]


[1] Antony Goissaud, « Église Saint-Louis à Marseille-Banlieue », La construction moderne, n°42, 19 juillet 1936, p.856.
[2] Contrat pour les sculptures dans le béton armé de l’église St-Louis, banlieue à Marseille, 12 février 1935, archives familiales Sarrabezolles-Appert, Paris.
[3] Carlo Sarrabezolles, « Aux lecteurs de ‘’La Croisade’’ il livre sa pensée », La Croisade, n°4, avril 1935, p.3. L’article est republié dans La Croisade, n°10, novembre 1935, p.24-25.
[4] Lettre de l’abbé Pourtal à Carlo Sarrabezolles du 20 mars 1935, archives familiales Sarrabezolles-Appert, Paris.
[5] J. C., « On inaugurera aujourd’hui le Christ monumental de la nouvelle église de Saint-Louis », Le Petit Marseillais, 19 avril 1935.
[6] Lettre de Jean-Louis Sourdeau à Carlo Sarrabezolles du 27 mai 1935, archives familiales Sarrabezolles-Appert, Paris.

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