François Carli, Reine
de la Paix, plâtre, 1933
Église Saint-Louis, 20 Chemin de Saint-Louis au
Rove, 15e arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry
Par
contre, l’intérieur du sanctuaire où nulle statue n’était originellement prévue
s’enrichit dès son érection de deux sculptures aux styles diamétralement
opposés. Dans le narthex, les fidèles sont accueillis par une Vierge à l’Enfant
en plâtre intitulée Reine de la Paix.
Conçue pour la cérémonie de bénédiction du terrain (15 octobre 1933), elle
témoigne d’une ferveur populaire désirant placer la construction de l’église
sous les meilleurs auspices. Son auteur, le sculpteur-mouleur marseillais
François Carli (1872-1957), est un fervent croyant et l’organisateur
d’expositions de Vierges anciennes et modernes dans son atelier de la rue Jean
Roque ; il modèle ici un groupe saint-sulpicien mâtiné d’inspiration
médiévale, un peu mièvre, qui tranche quelque peu avec le style de l’édifice.
De
plus grande qualité est la stèle en marbre blanc du statuaire dignois Louis
Botinelly (1883-1962) qui orne une niche-chapelle. L’iconographie représente Sainte Fortunée, vierge et martyre :
sous Dioclétien, cette jeune chrétienne est livrée aux fauves qui – miracle ! –
refusent de la toucher ; exaspérés, ses tortionnaires la font alors
décapiter. Il s’agit là de la sainte patronne de la mère de madame Roche, la
donatrice du terrain sur lequel a été bâti le lieu de culte. L’œuvre est donc
une commande privée indépendante du reste de la construction. C’est sans aucun
doute la bienfaitrice qui a imposé l’artiste, fort apprécié de la bourgeoisie
et du clergé phocéen.
Louis Botinelly, Sainte
Fortunée, vierge et martyre, esquisse plâtre, 1935
Collection personnelle © Laurent Noet
Botinelly
inscrit son motif dans un cadre en forme de tau inversé, jouant sur deux lignes
de forces, une verticale et une horizontale. L’esquisse en plâtre montre un
traitement plus Art déco qui sera gommé dans la sculpture définitive : la
verticalité est surlignée de part et d’autre par des décrochements
décroissants.
Louis Botinelly, Sainte
Fortunée, vierge et martyre, marbre, 1935
Église Saint-Louis, 20 Chemin de Saint-Louis au
Rove, 15e arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry
Le
relief final s’épure pour revenir à l’essentiel : le personnage féminin,
longiligne dans son drapé et tenant la palme du martyre, s’oppose à la rondeur
et aux courbes du lion endormi à ses pieds. La taille du marbre, d’un lissage
extrême, se détache sur un fond mosaïqué d’or comme si la sainte baignait dans
la lumière divine.
En
conclusion, la sculpture de Saint-Louis de Marseille atteste d’intenses
dévotions. La vénération populaire et naïve de paroissiens offrant la Reine de la Paix. La piété filiale d’un
généreux mécène. Le mysticisme énergique d’un curé bâtisseur. La foi, enfin,
d’un statuaire audacieux et génial. Ce décor, néanmoins, ne s’arrête pas là !
Il crée une émotion forte qui touche autant le dévot que le simple visiteur. En
fait, comme l’a justement senti le journaliste du Petit Marseillais, il « est
l’âme qui domine et fait vivre ce monument.[1] »
Carlo Sarrabezolles, L’Assurance-vieillesse, béton, 1954
35 Rue George, 5e arrondissement
Vue de l’immeuble et du bas-relief
© Laurent Noet & Pierre-Michel Gautier
On
peut regretter, dans ces conditions, l’inachèvement du programme décoratif.
Cela étant, la construction de l’église constitue la genèse d’une longue amitié
entre Carlo Sarrabezolles et Jean-Louis Sourdeau. Près de vingt ans plus tard,
les deux hommes se retrouvent sur un autre chantier marseillais, celui des
locaux de la Caisse régionale de l’Assurance Vieillesse des travailleurs
salariés du Sud-Est en 1953-1954. Le sculpteur y réalise un modeste relief en
béton symbolisant L’Assurance vieillesse.
C’est également l’un des derniers témoignages de sculpture monumentale à
Marseille avec les immeubles de la Reconstruction du Vieux-Port.
[1]
J. C., « On inaugurera aujourd’hui le Christ monumental de la nouvelle église
de Saint-Louis », Le Petit Marseillais,
19 avril 1935.
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