mardi 12 mai 2020

Le décor sculpté, joyau de l’église Saint-Louis 3

Carlo Sarrabezolles, Archange Gabriel, béton armé, 1935
20 Chemin de Saint-Louis au Rove, 15e arrondissement
© Xavier de Jauréguiberry

Mais, pour le sculpteur, le plus dur reste à venir ! Effectivement, il consacre le mois d’avril à l’exécution de la statue monumentale de 9 mètres devant couronner l’édifice, et montre ici une virtuosité technique inédite. Pour la première fois, il confronte son procédé de taille directe du béton frais à une figure en ronde-bosse. Plus de façade sur laquelle s’adosser ! De fait, il se voit contraint de concevoir une solide armature métallique, squelette indispensable pour donner à l’œuvre la forme voulue tout en supportant son poids gigantesque. Ces fers pourtant compliquent l’ébauchage, notamment par leur affleurement dans certaines zones plus graciles, telles les mains ou la couronne d’épines. À cela s’ajoutent d’autres difficultés. Sis au sommet du clocher, sur un socle n’excédant pas un mètre carré, l’archange Gabriel défie la pesanteur et le mistral : sa fusion avec le campanile doit être absolue pour assurer sa stabilité. Quant aux échafaudages, ils s’élèvent dans le vide à plus de 40 mètres de hauteur, imposant des conditions de travail très inconfortables.
Sarrabezolles surmonte toutes les contraintes. Son messager céleste, à la beauté intemporelle de la statuaire classique, possède la rigidité et verticalité d’un pilier cannelé, effet accentué par le plissé de sa toge. Ses ailes majestueuses se déploient dans son dos et pointent vers le firmament. De même, il présente à bout de bras la sainte relique, comme une offrande faite à la paroisse. Finalement, à la fin du mois de mai, Sourdeau écrit à son « cher Sarra » : « Les échafaudages de St-Louis s’enlèvent un peu à la fois et votre belle sculpture commence à être mise en valeur […] L’ange est plus beau et plus triomphal que vous ne pouviez l’espérer. »[1]
La prouesse exécutée fait du décor de Saint-Louis de Marseille le chef-d’œuvre de Carlo Sarrabezolles en matière d’art religieux et de taille directe sur béton. Le succès est indéniable. Pour autant, faute de moyens, faute d’envie peut-être malgré les promesses échangées, le programme iconographique ne sera jamais complété et les emplacements réservés sur la façade ouest resteront nus.


[1] Lettre de Jean-Louis Sourdeau à Carlo Sarrabezolles du 27 mai 1935, archives familiales Sarrabezolles- Appert, Paris.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire