De la formation d’ornemanistes à celle de prix de Rome
Dès l’origine, la précellence va à la sculpture ornemaniste. Les élèves étudient l’art décoratif d’après les styles d’époques diverses, depuis l’ancienne Égypte jusqu’à Louis XVI, et d’après la nature (plantes, fleurs, fruits, etc.). L’instruction se complète par des leçons de moulage et une pratique des matériaux (terre, plâtre, bois et pierre [1]). C’est un apprentissage concret et rapidement utilisable dans la vie quotidienne d’un artisan décorateur. Quant à la statuaire, elle est envisagée par rapport à l’architecture et à l’industrie, ses débouchés naturels. Outre l’étude de la figure d’après le plâtre ou la nature, les cours comprennent des exercices de composition historique ou allégorique destinés à la sculpture monumentale (cariatides, frontons figurés, etc.) ou à la fonte (torchères, pendules, etc.). De fait, les industriels locaux s’impliquent très tôt dans la formation de leurs futurs ouvriers en finançant des prix. L’initiative revient au marbrier François Maillet. Le 20 septembre 1862, les élus acceptent son don de 1 000 francs en vue de fonder un prix annuel de 200 francs pour la durée de cinq ans. Le prix s’adjoint à une épreuve préexistante, le concours de fin d’année de l’ornement d’après la gravure. Cet exemple est suivi par un autre marbrier, Jules Cantini, qui exprime en juin 1870 sa volonté de financer un prix sur programme pour la sculpture. En fait, le prix Cantini couple un concours préliminaire d’architecture et un second de sculpture, consistant en la réalisation d’un motif décoratif issu du projet primé. Une somme de 200 francs est allouée au vainqueur. En 1873, Henri Lombard (1855-1929) obtient un second prix pour un ornement d’après le prix d’architecture de son frère Frédéric.
La politique artistique de la municipalité concorde parfaitement avec l’optique des négociants. Néanmoins, le prix de Rome de Jean-Baptiste Hugues (1849-1930) en 1875, confirmant celui d’André Allar (1845-1926) en 1869, modifie la donne. Désormais, sans omettre qu’elle forme principalement des artisans, l’école de Marseille ambitionne de former également des artistes. L’aspect industriel glisse donc vers la classe de l’ornement, propulsant le cours de statuaire vers des visées artistiques plus hautes. Le directeur Antoine-Dominique Magaud se calque petit à petit sur le modèle parisien, introduisant le système des concours à plusieurs niveaux pour familiariser ses étudiants aux exercices demandés aux Beaux-Arts de Paris. Les sujets des concours eux-mêmes s’inspirent parfois de ceux donnés pour l’obtention du prix de Rome. Par exemple, en 1893, le thème à traiter lors du concours triennal, remporté par Auguste Carli (1868-1930), est Alexandre et son médecin ; ce sujet avait ouvert les portes de la villa Médicis à Allar.
Dorénavant, l’accent est mis sur le « grand art ». La Ville – secondée par l’État[2] – accorde des livres d’art, des primes d’encouragement et des bourses de voyage aux élèves les plus méritants. Enfin, elle entretient quelques pensionnaires partis poursuivre leurs études artistiques dans la capitale.
[1] À partir de 1898, la mise au point et la
taille du marbre bénéficient d’un enseignement indépendant assuré par Valentin
Pignol.
[2] Archives
municipales de Marseille (désormais AMM), 31 R 89*, palmarès des élèves à l’école
des Beaux-Arts (1876-1891), année scolaire 1888-1889 : « Don du ministre : un livre d’art. Cette récompense a été
décernée à M. Carli. Le ministre accorde également à cet élève une bourse de
voyage de 400 francs. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire