La chute du Second Empire plonge la cité phocéenne dans une longue dépression, tant politique qu’économique. La répression de la Commune de Marseille, à partir du 4 avril 1871, impose un état de siège jusqu’en 1875. Cela n’empêche cependant pas la République de s’instaurer peu à peu et la ville de basculer doucement à gauche[1]. Quant à la conjoncture économique, elle se dégrade rapidement. À la suite de ses somptueux travaux d’urbanisme et d’embellissement, les caisses sont vides et la municipalité surendettée. Le chômage menace et les esprits s’échauffent, le mécontentement atteignant leur paroxysme en juin 1881 dans ce que La Gazette du Midi appelle les « Vêpres marseillaises »[2].
Dans
ce contexte difficile, la sculpture revêt un rôle de propagande de premier
plan. Les projets de monuments et les discussions autour de statues existantes
se multiplient au conseil municipal. Ainsi, en janvier 1877, le Génie de Barthélemy Chardigny
(1757-1813), symbole républicain, reparait sur la voie publique au sommet de la
Colonne de la Peste, près de la nouvelle Bibliothèque-École des beaux-arts
tandis que, durant l’été 1878, Monseigneur
de Belsunce de Marius Ramus (1805-1888) quitte son cours éponyme – trop central
– pour l’Évêché. Néanmoins, c’est l’effigie même de la République qui préoccupe principalement les édiles dans les années
1877-1880.
Dès
janvier 1877, l’érection d’un monument républicain sur la place de la Bourse
est évoquée. Quelques mois plus tard, l’idée a évolué tant et si bien que le
conseil municipal rédige le programme d’un concours ouvert aux sculpteurs nés
ou résidant à Marseille[3].
Il s’agit de la réalisation d’une statue de la République, non plus
destinée à la place de la Bourse mais à la niche du grand escalier de l’hôtel
de ville, ainsi que de l’exécution d’un buste, toujours de la République, pour la colonne de la Colline
Puget. Une somme de 17 500 francs est allouée à ces travaux. Peu d’artistes
semblent s’être mobilisés pour ce projet. En septembre, le jury convoqué décide
que « les douze sujets exposés étaient tous plus ou moins défectueux et,
par conséquent, refuse leur admission »[4].
Seule la maquette de l’architecte Ernest Paugoy[5] (1845-1906) paraît susceptible d’une
rémunération de 500 francs pour sa main-d’œuvre. Elle est donc déclarée
lauréate sans posséder toutefois une tenue suffisante pour une traduction
définitive. De fait, ce concours ne connaît pas de suite.
Une ultime tentative, toute aussi vaine, voit le jour le 5 août 1879 : les élus songent encore à une statue de la République pour la Salle des mariages et pour celle du conseil. De son côté, Paugoy ne désespère pas de faire ériger un projet remanié. Le 23 décembre 1880, il imagine une République révolutionnaire pour un Monument aux volontaires marseillais de 1792… sans plus de succès ! Finalement, c’est le département qui parviendra à ériger une statue de la République dans l’escalier d’honneur de la préfecture des Bouches-du-Rhône au tournant du XXe siècle (Cf. notice du 7 septembre 2021).
Addendum du 31 décembre 2022 : Paugoy expose à l’exposition du Concours régional de Marseille de 1879 les deux projets lauréats du concours de 1877 : n°442- statue de la République (plâtre) ; n°443- buste de la République (plâtre).
[1]
En
octobre 1879 se tient le Congrès ouvrier et socialiste de Marseille ; aux
élections législatives de 1881, Clovis Hugues (1851-1907), élu de la
Belle-de-Mai, est le seul député socialiste de France ; enfin, aux
municipales de 1881, le radical Jean-Baptiste Brochier (1829-1886) enlève la
mairie de Marseille à une droite démobilisée et abstentionniste.
[2] Un conflit social oppose alors ouvriers
transalpins immigrés et main-d’œuvre locale. Cette rivalité franco-italienne se
transforme en xénophobie virulente.
[3] Archives municipales de Marseille 1D116 :
délibération du conseil municipal du 7 mai 1877, p.349-352.
[4] Anonyme, « Chronique locale »,
Le Sémaphore de Marseille, 7
septembre 1877.
[5] Les documents de l’époque égratignent
fortement son nom : la délibération du conseil municipal (1D118, 11
février 1878, p.411-412) écrit Pangoy et Le Sémaphore de Marseille (7 septembre
1877) parle d’Eugène Pougoy.
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