Mercredi
prochain, 24 mai, maître Pascal Blouet dispersera dans son étude de Mayenne les
souvenirs historiques du maréchal Molitor. Parmi une foultitude de documents,
se trouve un important ensemble de dessins, de photographies et de gravures
concernant l’architecture de la ville de Marseille aux XVIIIe et XIXe siècles.
Beaucoup ont une estimation conséquente. Pour ma part, j’ai choisi de m’arrêter
aujourd’hui sur une gravure très accessible !
Projet
d’une fontaine / dédié à Messieurs / les maire, échevins et assesseur / de la
ville de Marseille / 1785 / Par leur très humble / et très obéissant serviteur
/ D’Ageville
Gravure
de Debuigne, 40 x 30 cm
Lot 562
– estimé 30/50 €
Ce D’Ageville
s’appelle en fait Claude-Jacques Dageville (1721-1794). Architecte du duc de
Villars, il est également inspecteur des travaux publics : il s’occupe
notamment du curage du port. À partir de 1753, il dirige le chantier de
reconstruction de l’Hôtel-Dieu sur les plans de Jules Hardouin-Mansart. En 1756,
il devient professeur d’architecture civile et de perspective à l’Académie de peinture
de Marseille ; en 1782, il en devient le chancelier et, en 1790, le secrétaire
perpétuel. Par ailleurs, depuis 1769, il est membre correspondant de l’Académie
royale d’architecture.
Il s’intéresse
à de nombreux sujets, en particulier l’urbanisme auquel il consacre plusieurs
discours : « De la décoration des villes, des places et promenades
publiques et comment les salles de spectacle doivent être construites »
(27 août 1769) ; « Des moyen d’embellir Marseille » (1er
septembre 1771)… C’est dans ce contexte que s’inscrit ce projet. À l’initiative
d’un groupe de riverains, l’érection d’une fontaine monumentale dédiée au
maréchal-prince de Beauvau-Craon, gouverneur de Provence, est imaginée à l’intersection
des allées de Meilhan et Capucines (aujourd’hui la partie supérieure de la
Canebière et des allées Gambetta). Dageville conçoit un piédestal cubique
flanqué de dauphins. Sur la face principale, un bas-relief illustre un combat aux
portes de la cité phocéenne. Sur ce socle siège l’allégorie de Marseille,
couronnée par Mercure – dieu du commerce – avec l’aide d’un petit génie
ailé.


Jean-Joseph
Foucou, Fontaine Beauvau, gravure, 1785
Vignette
de l’encadrement du Plan du chevalier Pierron,
bibliothèque de l’Alcazar
Le
sculpteur Jean-Joseph Foucou (1739-1821) propose un projet concurrent : à
l’intérieur d’un bassin circulaire cantonné par quatre lionnes couchées s’élève
un énorme rocher surmonté de l’allégorie colossale de La France, tenant
l’écu royal. Cependant, c’est finalement un troisième projet, celui que le
sculpteur bourguignon Alexandre-Charles Renaud (1756-1815) propose en 1787, qui est
finalement choisi mais qui, faute de temps, n’aboutit pas !
Pour
en finir avec Claude-Jacques Dageville, il devient commissaire du tribunal
populaire en 1793, durant la période fédéraliste. Cela lui vaut d’être condamné
à mort par la commission Brutus et exécuté le 28 février 1794.