mercredi 9 août 2023

La Vierge en argent de Jean-Baptiste Chanuel - 2

Le 8 septembre 1829, la tâche échoie à Jean-Baptiste Chanuel (1788-1857), sculpteur et peintre toulonnais installé à Marseille. Quoiqu’il ne se déclare pas orfèvre, il possède certainement une formation a minima de ciseleur car, contrairement au bronzier parisien, il propose de reproduire la statue par la technique du repoussé, dite aussi du relevé. Ce procédé laborieux et délicat nécessite de marteler le métal feuille à feuille, de souder les fragments entre eux, puis de les fixer sur une armature. Pendant cinq ans, au rythme de dix mille coups de marteau par jour, Chanuel s’échine à copier le plâtre de Cortot. Souvent, un mois de labeur disparaît en un instant, à cause d’une braise trop ardente qui altère un pli de la toge ou les traits d’un visage. La matière ductile se ramollit et s’affaisse ; tout est à recommencer !
À force d’opiniâtreté, la statue d’argent est quasiment achevée en 1834. Cette année-là, elle est sélectionnée pour participer à Paris, à la 8e Exposition des produits de l’industrie française, du 1er mai au 29 juin, où elle obtient une médaille de bronze. À son retour à Marseille, Chanuel la peaufine encore jusqu’en 1835. Plus petite que son modèle, elle mesure 6 pieds (1,82 m) et est constituée de 43 kg d’argent (ou 53 kg selon les sources). Son coût s’élève à 30 000 francs répartis de la sorte : 12 000 francs pour le matériau précieux, 14 000 francs pour le travail et 4 000 francs de gratification pour l’artiste.

Jean-Baptiste Chanuel, La Vierge et l’Enfant Jésus, groupe, argent, 1835
Maître-autel, Notre-Dame de la Garde
Ensemble et détail de l’inscription sur le socle © Xavier de Jauréguiberry

Le 30 juin 1837, les administrateurs de Notre-Dame de la Garde se rendent dans l’atelier de l’orfèvre, 38 rue des Dominicaines, afin de procéder à la réception de la sculpture qui est déclarée conforme au cahier des charges. Le 2 juillet suivant, Mgr Fortuné de Mazenod la bénit sur le Cours (Cours Belsunce), puis la conduit à la cathédrale où elle demeure jusqu’au 4 juillet. Enfin, une longue procession l’escorte au Fort de la Garde et l’installe sur l’autel de la chapelle. Dès cet instant, elle devient l’image mariale la plus vénérée du sanctuaire et la plus représentée.

Anonyme, F. C. Xbre 1852, ex-voto, 1852
Musée, Notre-Dame de la Garde © Xavier de Jauréguiberry

Anonyme, Intérieur de la chapelle de Notre-Dame de la Garde, gravure, avant 1855
Archives municipales de Marseille, 79 FI 127 

En 1855, l’ancienne chapelle est détruite pour laisser la place à la nouvelle église construite par Henry Espérandieu (1829-1874) et consacrée le 4 juin 1864. Le lendemain a lieu la translation solennelle de la Vierge d’argent dans le chœur du nouvel édifice.
Hélas, le 4 juin 1884, un incendie ravage le maître-autel sur lequel elle repose. Endommagée, elle nécessite une importante restauration. Elle est envoyée à Paris – un demi-siècle après son précédent voyage – dans la fabrique d’orfèvrerie et de bronze religieux d’Alexandre Chertier (1825-1890), lauréat d’un grand prix à l’Exposition universelle de 1878. Le coût de la réparation s’élève à 7 386,95 francs, permettant au chef-d’œuvre de Chanuel de retrouver sa prestance et l’affection des pèlerins.

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