lundi 5 août 2024

L’Agriculture entre le Commerce et l’Industrie (Henri Lombard sculpteur)

Anonyme, Frédéric Lombard, photographie, s.d.
Archives de la famille Lombard-Souche

Le percement de la rue Colbert, en 1886-1887, est l’une des rares réalisations urbanistiques de la fin du XIXe siècle à Marseille après les grands travaux du Second Empire. Il s’agit alors de désenclaver le quartier de la Blanquerie, situé derrière le palais de la Bourse. Le lotissement de cette artère nouvelle échoit en grande partie à l’architecte phocéen Frédéric Lombard (1850-1906) : n°1, 3, 5, 12 et 20 de la rue Colbert.

Frédéric Lombard, Immeuble Moricelli, 1892-1893
3 rue Colbert, 1er arrondissement © Stones investissements de prestige

Signature de l’architecte
3 rue Colbert, 1er arrondissement

La parcelle du n°3 appartient alors à Louis Isidore Moricelly, dit Moricelly aîné (1830-1894)… Attention, l’I d’Isidore se transforme souvent J dans les documents imprimés ! Héritier d’une dynastie de boulangers de Carpentras, Moricelly aîné s’installe à Marseille en 1858. Il s’enrichit rapidement en contrôlant en amont la production de la farine. Dès 1860, il se déclare minotier et négociant en grains. Entre 1861 et 1867, il devient l’un des principaux fournisseurs du corps expéditionnaire français au Mexique. Par ailleurs, en 1870, il dépose un brevet pour un sasseur mécanique à courant d’air comprimé. Il est récompensé de multiples médailles d’or (Exposition universelle de 1878…) et de diplômes d’honneur (Exposition industrielle de Marseille, 1879…). Enfin, il reçoit la Légion d’honneur (chevalier en 1885 ; officier en 1891).
Pour célébrer sa réussite professionnelle et son ascension sociale, mais aussi pour distinguer l’entrée principale de son immeuble des accès secondaires menant aux appartements locatifs, il commande une porte monumentale couronnée d’un imposant décor sculpté. À cet effet, l’architecte s’adresse à l’ornemaniste Adolphe Royan (1969-1925) et surtout à son frère, Henri Lombard (1855-1929), grand prix de Rome de sculpture en 1883.

Henri Lombard, L’Agriculture entre le Commerce et l’Industrie, dessus-de-porte, pierre, 1893
3 rue Colbert, 1er arrondissement

Le statuaire conçoit pour cet exceptionnel dessus-de-porte un programme évoquant les différentes activités du commanditaire. Au centre, l’allégorie de l’Agriculture repose sur des gerbes de blé, sa faucille à la main. De part et d’autre, deux jeunes génies symbolisent l’un l’Industrie avec une meule à grains se substituant à la traditionnelle roue crantée, l’autre le Commerce avec son caducée.

Henri Lombard, Le Commerce, dessus-de-porte (détail), pierre, 1893
3 rue Colbert, 1er arrondissement

Au demeurant, ce dernier s’appuie sur un cartouche de cuirs enroulés arborant le monogramme du propriétaire : un M cernés d’épis. Enfin, entre ses pieds, l’artiste appose sa signature sur une banderole.

Henri Pinta, Cérès, gravure d’un plafond de l’immeuble Moricelly, 1894
Catalogue illustré du Salon de 1894

L’iconographie se poursuit à l’intérieur avec un plafond du Marseillais Henri Pinta (1856-1944), grand prix de Rome de peinture en 1884. Cette toile marouflée représente Cérès, déesse romaine des moissons. Elle est exposée au Salon des artistes français de 1894 (n°1474) ; elle est aujourd’hui conservée sous un faux-plafond. Hélas, Moricelly aîné n’en profite pas ! Il décède le 25 mai 1894 à Marseille, pendant ledit Salon. En revanche, sa veuve demeure de longues années dans l’immeuble de la rue Colbert : son nom apparaît encore à cette adresse dans l’Indicateur marseillais de 1922.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire