Le percement
de la rue Colbert, en 1886-1887, est l’une des rares réalisations urbanistiques
de la fin du XIXe siècle à Marseille après les grands travaux du Second Empire.
Il s’agit alors de désenclaver le quartier de la Blanquerie, situé derrière le
palais de la Bourse. Le lotissement de cette artère nouvelle échoit en grande
partie à l’architecte phocéen Frédéric Lombard (1850-1906) : n°1, 3, 5, 12
et 20 de la rue Colbert.
La
parcelle du n°3 appartient alors à Louis Isidore Moricelly, dit
Moricelly aîné (1830-1894)… Attention, l’I d’Isidore se transforme souvent J dans
les documents imprimés ! Héritier d’une dynastie de boulangers de Carpentras,
Moricelly aîné s’installe à Marseille en 1858. Il s’enrichit rapidement en contrôlant en
amont la production de la farine. Dès 1860, il se déclare minotier et négociant
en grains. Entre 1861 et 1867, il devient l’un des principaux fournisseurs du
corps expéditionnaire français au Mexique. Par ailleurs, en 1870, il dépose un
brevet pour un sasseur mécanique à courant d’air comprimé. Il est récompensé de
multiples médailles d’or (Exposition universelle de 1878…) et de diplômes d’honneur
(Exposition industrielle de Marseille, 1879…). Enfin, il reçoit la Légion d’honneur
(chevalier en 1885 ; officier en 1891).
Pour
célébrer sa réussite professionnelle et son ascension sociale, mais aussi pour
distinguer l’entrée principale de son immeuble des accès secondaires menant aux
appartements locatifs, il commande une porte monumentale couronnée d’un
imposant décor sculpté. À cet effet, l’architecte s’adresse à l’ornemaniste
Adolphe Royan (1969-1925) et surtout à son frère, Henri Lombard (1855-1929),
grand prix de Rome de sculpture en 1883.
Le
statuaire conçoit pour cet exceptionnel dessus-de-porte un programme évoquant
les différentes activités du commanditaire. Au centre, l’allégorie de l’Agriculture
repose sur des gerbes de blé, sa faucille à la main. De part et d’autre, deux
jeunes génies symbolisent l’un l’Industrie avec une meule à grains se
substituant à la traditionnelle roue crantée, l’autre le Commerce avec
son caducée.
Au
demeurant, ce dernier s’appuie sur un cartouche de cuirs enroulés arborant le
monogramme du propriétaire : un M cernés d’épis.
Enfin, entre ses pieds, l’artiste appose sa signature sur une banderole.
L’iconographie se poursuit à l’intérieur avec un plafond du Marseillais Henri Pinta (1856-1944), grand prix de Rome de peinture en 1884. Cette toile marouflée représente Cérès, déesse romaine des moissons. Elle est exposée au Salon des artistes français de 1894 (n°1474) ; elle est aujourd’hui conservée sous un faux-plafond. Hélas, Moricelly aîné n’en profite pas ! Il décède le 25 mai 1894 à Marseille, pendant ledit Salon. En revanche, sa veuve demeure de longues années dans l’immeuble de la rue Colbert : son nom apparaît encore à cette adresse dans l’Indicateur marseillais de 1922.
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