Je
viens de publier un article dans le nouveau numéro (n°383, décembre 2025) de la
revue Marseille intitulé Des Buonaparte à Napoléon Ier. Je
vous propose donc ce texte, même si, à plusieurs reprises, j’aborde des
monuments dont j’ai déjà parlé.
Les
monuments marseillais à la gloire de la dynastie napoléonienne
Sous
le Consulat et le Premier Empire, la ville de Marseille érige plusieurs
monuments et sculptures à la gloire de la dynastie napoléonienne. Les uns
célèbrent les souverains (le consul Bonaparte, l’empereur Napoléon Ier,
l’impératrice Joséphine et le roi de Rome) ; les autres célèbrent par des
allégories les conquêtes (La Victoire) et les traités de paix (La
Paix d’Amiens). Malgré les purges dues à la succession rapide des
régimes politiques au XIXe siècle, des vestiges plus ou moins importants de ces
ouvrages sont aujourd’hui encore visibles dans la cité phocéenne.
La
fontaine Bonaparte
Charles
Delacroix, premier préfet des Bouches-du-Rhône (2 mars 1800-23 avril 1803),
lance, dès son installation à Marseille une campagne de travaux d’utilité
publique et d’embellissement. Parmi ceux-ci, on compte un ensemble de quatre
fontaines à la fois utilitaires (certaines sont dotés d’un abreuvoir ou d’un
lavoir), décoratives (elles ornent de grands axes ou des places) et
commémoratives (elles célèbrent Homère, Pierre Puget ou les héros de la peste
de 1720). Toutefois, le premier de ces quatre monuments honore le général
Bonaparte.
En
effet, le conseil municipal qui vient de nommer le cours Bonaparte (9 janvier
1801 ; auj. cours Pierre-Puget) délibère – fortement incité par le préfet
– de l’érection d’une fontaine sur ledit cours, au niveau de l’actuel carrefour
avec le boulevard Notre-Dame, le 18 février 1801. Un budget de 5 000
francs est alloué à cet ouvrage : 2 400 francs pour la maçonnerie, la
gravure des inscriptions et le transport d’une colonne antique de granit
offerte par la ville d’Aix-en-Provence ; 2 600 francs pour le marbre,
la taille d’un buste de proportions semi-colossales et de reliefs ornementaux.
La commande de la statuaire échoit à Barthélemy Chardigny (1757-1813), seul artiste
résidant sur place pouvant se prévaloir d’un grand prix de Rome de sculpture.
Le chantier débute le 13 novembre 1801 et s’achève en juillet 1802.
Cabinet des Monnaies et Médailles de Marseille, Inv.2021-0-48 © J. Françoise
En
même temps, l’Hôtel des Monnaies de Marseille frappe une médaille gravée par
Pierre Poize (1760-1846) commémorant l’édification du monument[1] : l’avers figure le
profil du Premier Consul tandis que la colonne Bonaparte apparaît sur le revers.
Cette médaille constitue une source précieuse pour connaître l’allure de
l’édicule qui, très rapidement, a été modifié. Dès 1814, une fleur de lys dorée
se substitue au buste au sommet de la colonne. En 1816, les inscriptions sont
effacées. En 1818, la fontaine est détruite et la colonne transférée au sommet
du jardin de la Colline. Puis, en 1858, le chapiteau ionique est remplacé par
un chapiteau corinthien afin d’y replacer un portrait de Bonaparte...
lequel disparaît à la chute du Second Empire ; depuis 1873, l’effigie de Pierre
Puget, par Jean-Joseph Foucou (1739-1821), y trône quoique masqué par la frondaison des
arbres. En définitive, il ne subsiste aujourd’hui de la fontaine d’origine que
le fût en granit de la colonne !
Les
allégories de la Victoire et de la Paix
Delacroix
imagine également un monument en pendant, à l’autre extrémité du cours, sur la
place Saint-Ferréol (auj. place Félix-Baret). Le 6 décembre 1801, il dévoile en
détail son projet de fontaine de la Victoire, dite aussi de la Paix
victorieuse : L’allégorie, appuyée sur un bouclier orné du médaillon
de Bonaparte, brandit un rameau d’olivier et commande la paix à l’Europe. Les
archives municipales conservent un dessin de Chardigny sans pouvoir déterminer
s’il a inspiré le commanditaire ou s’il illustre son programme iconographique.
Le
24 janvier 1803, un arrêté préfectoral entérine la commande dont le budget
enfle peu à peu[2]
à cause des désirs somptuaires des édiles et de la reprise de la guerre avec le
Royaume-Uni, le 13 mai 1803, qui engendrent des surcoûts et des retards –
notamment dans l’approvisionnement en marbre de Carrare – si bien que le
chantier n’est toujours pas achevé en 1809. Finalement, le projet est abandonné
alors que le modèle en plâtre de Chardigny attend sa traduction en pierre
depuis 1805. L’allégorie néoclassique s’est assagie par rapport au dessin
initial : elle a perdu ses ailes et sa pose a gagné en hiératisme. Tout
compte fait, elle est installée dans la niche latérale de l’escalier d’honneur
de l’hôtel de ville où elle se trouve toujours. Néanmoins, le profil de
Bonaparte a été grossièrement martelé et effacé du bouclier de la Victoire.
Parallèlement
à la commande de la fontaine de la Victoire, Charles Delacroix sollicite
le statuaire lyonnais Joseph Chinard (1756-1813) pour l’érection d’un temple célébrant la
Paix d’Amiens (25 mars 1802) qui augure un retour de la prospérité économique.
L’artiste conçoit très rapidement un piédestal symbolisant le sanctuaire de
Janus dont les portes restaient closes en temps de paix surmonté d’une
allégorie assise brandissant un rameau d’olivier et entourée par les génies de
l’Agriculture et du Commerce.
© Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / P. Philibert
L’esquisse
en terre cuite figure ainsi au Salon de 1802 (n°411) qui ouvre au public le 2
septembre. Malheureusement, faute de crédits, le préfet renonce au temple et à
la partie inférieure du monument dès le mois de mai 1803. Pour sa part, Chinard
déménage à Carrare afin de sélectionner son bloc de marbre et de tailler son
œuvre sur place ; le 7 août 1805, il annonce au conseil municipal son
achèvement ainsi que son envoi à Marseille. Il faut cependant attendre 1809
pour la voir positionnée au centre de la fontaine de la place Saint-Ferréol, à
l’emplacement initialement prévu pour la Victoire de Chardigny. Depuis,
la statue a beaucoup bougé pour atterrir, en 1984, sur la place du Marché des
Capucins.
[1]
Le 29 juin 1802, le conseil municipal délibère de frapper 10 médailles d’or,
100 d’argent et 400 de cuivre (Arch. Mun., 1D32, p.54R et 54V, délibération du
10 messidor an X) mais une note manuscrite de Poize déclare que furent frappées
5 médailles d’or, 100 d’argent et 200 de cuivre (Arch. Mun., 17T48, Joseph
Laugier, Catalogue des monnaies, médailles, jetons, etc. appartenant au
Cabinet numismatique de Marseille, 1860, p.59). Soit Poize commet une
erreur, soit une seconde commande a été passée.
[2]
En 1806, le budget est de 48 610
francs : 25 544 francs pour la fontaine (dont 12 000 francs pour
la statue de la Victoire) et 23 066 francs pour l’aménagement de la
place. Cf. Étienne Parrocel, Les Beaux-Arts en Provence, Paris,
1889, p.80.
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